Angola : la purge anti-Dos Santos se poursuit

Après la fille, le fils ! Cent jours à peine après son investiture, le président angolais Joao Lourenço a mis sur la touche les proches de son prédécesseur Jose Eduardo dos Santos, symboles d’un régime corrompu avec lequel il affirme vouloir rompre.

Le président angolais João Lourenço à Abidjan pour le sommet Union européenne – Afrique, le 29 novembre 2017. © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA

Le président angolais João Lourenço à Abidjan pour le sommet Union européenne – Afrique, le 29 novembre 2017. © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA

Publié le 14 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

Ouvert en novembre avec l’éviction d’Isabel dos Santos de la compagnie publique pétrolière Sonangol, ce grand ménage s’est conclu cette semaine avec celui de son demi-frère, Jose Filomeno, du fonds d’investissement souverain du pays.

Attendue depuis des semaines, la chute du fils de l’ex-chef de l’État, surnommé « Zenu », n’a surpris personne.

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Coup de balais

Depuis son arrivée au pouvoir dans la foulée des élections d’août dernier, M. Lourenço a remanié à sa main tout ce que l’Angola compte d’institutions et d’entreprises publiques en s’y débarrassant des fidèles de l’ancien régime.

« Lourenço a mis de côté toutes les personnalités sur lesquelles il n’a pas de contrôle », résume l’analyste Benjamin Augé, de l’Institut français pour les relations internationales (Ifri). « Les membres de la famille Dos Santos font partie de cette catégorie, ils ont donc été un à un écartés. »

Comme sa soeur Isabel, Jose Filomeno dos Santos incarnait l’empire politico-financier bâti par son père, qui a profité de son règne de trente-huit ans pour mettre l’économie du pays en coupe réglée au profit d’une poignée de proches.

« Personne ne sera au-dessus des lois »

Longtemps un pilier de ce régime, Joao Lourenço avait promis pendant sa campagne électorale de prendre ses distances avec ce système et de combattre la corruption, où qu’elle soit. « Personne ne sera au-dessus des lois », avait-il martelé.

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Jusque-là intouchable, la famille Dos Santos s’est très vite retrouvée sur le banc des accusés.

À la suite de plusieurs articles de presse, la nouvelle direction de la Sonangol a annoncé enquêter sur des mouvements de fonds jugés « suspects » ordonnés par son ancienne patronne. « Zenu » est, lui, mis en cause dans le scandale des « Paradise Papers ».

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Un contrat très généreux

La télévision publique TPA a de son côté récemment révélé les détails d’un contrat très généreux, aujourd’hui annulé, qui a fait pendant des années la fortune d’une société de production d’une autre fille Dos Santos, Welwitschia.

Studio dernier cri, personnel, véhicules, le tout pour un montant annuel de 17,5 millions de dollars, entièrement aux frais du contribuable angolais, un des plus pauvres de la planète…

« Ce contrat était défavorable à l’État », a justifié M. Lourenço devant la presse. « La TPA l’a donc rompu ».

L’époux d’Isabel, le collectionneur d’art et homme d’affaires congolais, Sindika Dokolo, n’a pas non plus échappé à la purge. La société angolaise de commercialisation des diamants a cédé ses parts d’un joaillier suisse dont M. Dokolo est actionnaire.

« Une campagne de diffamation »

La famille Dos Santos a peu goûté ce vent du changement. Considérée par le magazine américain Forbes comme la femme la plus riche d’Afrique, Isabel a nié toute malversation et dénoncé une « campagne de diffamation » et de « fausses nouvelles ».

Toujours chef du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) au pouvoir, Jose Eduardo dos Santos s’est lui-même ému du ménage ordonné par son successeur.

« Les changements sont nécessaires mais ne devraient pas être aussi radicaux », a-t-il lancé le mois dernier lors d’une de ses très rares apparitions publiques.

L’opposition réclame des sanctions pénales

Une fois n’est pas coutume, l’opposition a salué l’offensive du gouvernement contre le « népotisme » d’un système qu’elle dénonce depuis longtemps. Elle réclame désormais des poursuites.

« Tous ces limogeages ne seront politiquement pertinents que s’ils sont suivis de sanctions pénales », a déclaré le vice-président d’un des deux principaux partis d’opposition, la Casa-CE, Lindo Bernardo Tito, « le président doit ordonner sans délai des enquêtes judiciaires ».

Peu estiment toutefois que Joao Lourenço s’aventurera jusque-là.

« Je doute fort qu’un dossier judiciaire sérieux puisse émerger contre la famille. Même si l’enquête interne de la Sonangol constitue clairement un avertissement », juge Alex Vines, du centre de réflexion britannique Chatham House.

 « Nous ne persécutons pas ces gens »

Par souci d’apaisement, Joao Lourenço a tenu lui-même à démentir toute « vendetta » contre le clan dos Santos.

« Je ne vois aucune tension dans nos relations », a assuré lundi le chef de l’État lors d’une conférence de presse donnée à l’occasion de ses cent premiers jours à la tête du pays. « Nous ne persécutons pas ces gens », a-t-il insisté.

« Lourenço doit faire en sorte que la transition se poursuive en douceur », analyse M. Vines. « Dos Santos a prévu de quitter la présidence du MPLA en 2018. S’il a le sentiment qu’une chasse aux sorcières est en cours contre sa famille et ses proches, il pourrait bien traîner les pieds ».

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