L’œil de Glez : Trump et les « pays de merde », une histoire de bouche qui ne porte pas de caleçon
Quel est le problème ? Les mots ou les maux ? Les mots grossiers employés, semble-t-il, par Donald Trump, à l’égard d’Haïti, du Salvador et d’États africains, ou les maux que ceux-ci désignent ? Les avis sont (un peu) partagés…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 15 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.
Qui se réjouit des propos prêtés à Donald Trump, jeudi dernier, sur certains « pays de merde », qui tenteraient de déverser leurs ressortissants sur des États-Unis d’Amérique débordés ? La frange ouvertement raciste de son électorat, bien sûr, qu’on ne saurait qualifier de majoritaire, mais aussi deux catégories spécifiques.
La première est composée de journalistes occidentaux qui, en sus d’un énième buzz toujours utile pour l’audience, « kiffent » la dérogation de prononcer un mot traditionnellement proscrit sur un média respectable. La seconde, moins incongrue qu’il n’y paraît à première vue, est composée d’Africains : ceux qui se satisfont de voir un OPNI (Objet politique non identifié) révéler son vrai visage, mais aussi ceux qui se réjouissent de voir révélé le vrai visage de… leur pays.
>>> A LIRE – « Pays de merde » : l’Union africaine condamne les propos de Trump, le Botswana convoque l’ambassadeur
Présenté sur un grand organe de presse français, à contre-courant de la vague d’indignation internationale mais pas isolé, un Libérien tranche : « Je me sens insulté, mais c’est juste un rappel de ce que nous sommes ». Même maladroitement, Donald Trump a-t-il davantage secoué le cocotier du club des chefs d’État mal-gouvernant, qu’injurié les populations ?
« Dérapage scatologique »
Bien sûr, en écho aux diplomates américains qui jettent l’éponge – comme l’ambassadeur au Panama démissionnaire John Feeley –, il y a ceux qui se doivent de réagir à ce dérapage scatologique présumé par l’indignation que leur impose leur position diplomatique étrangère. Bien sûr, il y a les professionnels sincères de la traque anti-raciste qui sont échaudés après l’affaire du tee-shirt simiesque d’H&M et le projet de réédition des « aventures de Bamboula ».
« Pays de chiottes », « merdiers », « trous à rats », « trous paumés », « mauvais pays », pays d’« arriérés »
Bien sûr, il n’est ni question de feindre qu’on ne connaissait pas les propensions verbales du locataire actuel du bureau « orale » ni de remettre en cause sa légitimité démocratique. Il n’est pas plus utile d’écouter sa déclaration du week-end selon laquelle il est « la personne la moins raciste jamais interviewée ».
Ni même de perdre du temps à contrebalancer les nuances de traductions de « shithole countries » compilées par l’Agence France-Presse : « pays de merde », « pays de chiottes », « merdiers », « trous à rats », « trous paumés », « mauvais pays », pays d’« arriérés »…
Humour contre président indécrottable
Dans les pays formellement invectivés, il y a ceux qui préfèrent s’arrêter davantage sur le fond des propos que sur le vocabulaire et ceux qui en plaisantent déjà. Ici ou là, les vœux résiduels de nouvel an prennent souvent la forme de « bonne année dans un pays de merde ». Vœux largement illustrés par des émoticônes qui en prouvent le second degré. Peut-on encore s’approprier les mots cruels pour mieux les déminer, comme l’écrivain Aimé Césaire mettait en bouche le mot « nègre » ou comme l’humoriste Coluche lançait « enfoirés » à ses meilleurs amis ?
Le milliardaire, qui tweete du fond d’un lit célibataire parsemé de miettes de cheeseburger
Comme l’humour est la meilleure réponse à la trivialité d’un président indécrottable, autant le déployer avec art. Buzz pour buzz, happening pour happening, l’artiste activiste Robin Bell vient de projeter « Shithole » (« endroit de merde ») et des émojis « caca » sur un hôtel de Donald Trump, à Washington.
Comme pour finir de nous attirer aux confins d’une cour d’école primaire, le milliardaire, qui tweete du fond d’un lit célibataire parsemé de miettes de cheeseburger, a dit que c’est même pas vrai qu’il a dit ce qu’on dit qu’il a dit. Après avoir joué au jeu du « mon bouton nucléaire est plus gros que ton bouton nucléaire », il devrait nous faire rapidement le coup de « c’est celui qui dit qui est »…
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