Putsch déjoué en Guinée équatoriale : qui sont les « chiens de guerre » arrêtés par Malabo ?

Qui sont les « mercenaires » arrêtés par les autorités équato-guinéennes fin décembre ? Tchadiens, Centrafricain ou Équato-guinéens, tous ont en commun un passé de militaire et certains ont des liens au plus haut niveau dans leur pays d’origine.

Teodoro Obiang Nguema, en juin 2011 lors d’une visite en Russie (archives). © Mikhail Metzel/AP/SIPA

Teodoro Obiang Nguema, en juin 2011 lors d’une visite en Russie (archives). © Mikhail Metzel/AP/SIPA

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Publié le 16 janvier 2018 Lecture : 5 minutes.

Le président Obiang Nguema. © Justin Lane/AP/SIPA
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Putsch déjoué en Guinée équatoriale : qui voulait la chute d’Obiang ?

Fin décembre, Malabo a affirmé avoir déjoué un coup d’État. Des « mercenaires » ont été arrêtés, des personnalités politiques interpellées et accusées d’avoir fomenté cette tentative de putsch. Enquête sur les dessous de cette « opération Obiang » qui a fait long feu.

Sommaire

• Mahamat Kodo Bani : Tchadien, ex-mercenaire de la Séléka

C’est la figure centrale des mercenaires arrêtés au Cameroun. Mais qui est-il ? Contacté par Jeune Afrique, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Mahamat Chérif Zène, préfère ne pas s’étendre sur son compatriote et se borne à nier l’appartenance passée de l’homme à l’armée de son pays. « Il n’a jamais été ne serait-ce qu’un officier subalterne et se faisait sans doute appeler général pour promouvoir ses activités de mercenaire », nous déclare-t-il.

Membre de la garde rapprochée de Idriss Déby Itno

Selon plusieurs sources concordantes, les faits sont pourtant tout autres. Mahamat Kodo Bani s’illustre ainsi au Darfour au sein du Mouvement patriotique de salut (MPS), à la fin des années 1980. Né en 1970 dans la région du Guera, il n’a pas encore 20 ans, et c’est à la faveur de la victoire du MPS face au régime de Hissène Habré, en 1990, qu’il rentre dans le rang.

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Idriss Déby Itno construit alors une « garde présidentielle » disparate, incorporant les anciens rebelles dans plusieurs unités commandées par le chef d’état-major Daoud Soumaïn, lui aussi originaire du Guera et dont il est proche, jusqu’à sa mort en 2008. Mahamat Kodo Bani y accède au grade de commandant, y est envisagé comme général (l’acte ne sera en réalité jamais signé) et y sert jusqu’en 2003.

Mercenaire en Centrafrique aux côtés de la Séléka

Emprisonné à la suite d’une condamnation dans une affaire financière, il rebondit ensuite au sein de la Garde nationale nomade du Tchad du général Mahamat Saleh. Le Hadjerai, qui a entre-temps participé à la prise de pouvoir de François Bozizé en Centrafrique, se rapproche alors peu à peu des opposants des Forces unies pour le changement (FUC, créées en 2005) de Mohammed Nour Abdelkerim et finit par faire défection, intégrant le regroupement rebelle de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD, 2006) puis l’Union des forces pour le changement et la démocratie (UFCD, 2008) et l’Union des forces pour la résistance (UFR, 2009).

Avec ces groupes, Mahamat Kodo Bani participe notamment à l’attaque de N’Djamena en 2008, lorsque les rebelles parviennent à menacer le palais présidentiel d’Idriss Déby Itno – en vain.

Défait, Mahamat Kodo Bani est incarcéré de 2010 à 2013. Une fois libéré, il multiplie ses missions de mercenaire, en particulier en Centrafrique aux côtés de la Séléka, notamment lors de la prise de pouvoir de Michel Djotodia en 2013. Les autorités tchadiennes affirment dès lors avoir perdu sa trace, bien qu’un passeport à son nom soit émis par N’Djamena en 2016, le qualifiant étrangement d’« informaticien ».

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Il avait tout de même été aperçu une dernière fois au Tchad en septembre 2017. Arrêté à Douala le 29 décembre, Mahamat Kodo Bani serait détenu à Yaoundé, dans l’enceinte du Groupement spécial des opérations.

• Laban Obama Abesso : Équato-guinéen, exilé aux États-Unis

Il serait proche d’Enrique Nsue Anguesomo, ambassadeur de Guinée équatoriale au Tchad interpellé le 30 décembre

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Il est le principal ressortissant équato-guinéen parmi les mercenaires interpellés au Cameroun. Ancien militaire, le sergent Laban Obama Abesso, âgé aujourd’hui de 63 ans, aurait déserté en 1983, à la suite d’un coup de force tenté contre la transmission du pouvoir aux autorités civiles.

On retrouve ensuite sa trace aux États-Unis, où il s’est exilé. Selon un document de voyage américain qui lui confère le statut de réfugié, il y est aujourd’hui « résident permanent » et dispose d’un visa à entrées multiples, pour « visite familiale », qui lui a permis de rentrer sur le territoire camerounais, via l’aéroport de Douala, le 2 décembre.

Selon nos sources, il serait un proche d’Enrique Nsue Anguesomo, ambassadeur de Guinée équatoriale au Tchad interpellé à Ebebiyín le 30 décembre, et de Hamed « Dada » Yalo, mercenaire centrafricain arrêté à Kyé-Ossi et entré au Cameroun via Douala.

Le 27 décembre, le sergent Abesso est arrêté à Kyé-Ossi. Selon une source à Malabo, il affirme aujourd’hui avoir voulu se rendre dans la région d’Ebebiyín, dont il est originaire, pour visiter sa mère malade.

• Hamed « Dada » Yalo : Centrafricain, frère d’un proche de Touadéra

De Douala, fin 2017, il dépêche un émissaire pour recruter une équipe de mercenaires à Bangui

Au nombre des interpellés du 27 décembre au Cameroun, il attire l’attention. Hamed Yalo, surnommé Dada, est le frère de Sani Yalo, un proche du président Faustin-Archange Touadéra (dont il a soutenu financièrement la campagne).

Cette famille haoussa est bien connue à Bangui. Ses membres ont toujours gravité autour du pouvoir. Selon certaines sources en Centrafrique, les Yalo, dont la mère est tchadienne, auraient d’ailleurs parfois servi d’intermédiaires entre le président tchadien Idriss Déby Itno et son futur homologue centrafricain François Bozizé au début des années 2000.

>>> A LIRE – Centrafrique : qui sont les hommes de Touadéra ?

« Dada » est envoyé au Tchad en formation à l’école des officiers en 2011, au sein du dernier contingent de Centrafricains ayant fait ses classes à N’Djamena. Il y réside jusqu’en 2014.

Mais, entre-temps, Bozizé est tombé. Sa formation achevée, Hamed s’envole donc pour la France, où il aurait obtenu le statut de réfugié. Il s’établit dans les Hauts-de-Seine, tout comme sa sœur Hawa, ce qui ne l’empêche pas de se rendre régulièrement au Tchad et au Cameroun.

Dénoncé par son frère

C’est en France, où il aurait eu des ennuis judiciaires pour escroquerie, que ce mercenaire est associé à l’affaire. Il reçoit une forte somme avant de se rendre au Cameroun, à Douala, fin 2017, d’où il dépêche un émissaire pour recruter une équipe à Bangui.

Ces mercenaires le rejoignent ensuite dans la capitale économique. Ils se rendent à Kyé-Ossi, où ils seront arrêtés en possession d’un gros montant. Ironie de l’histoire, son propre frère, Sani, affirme avoir participé à sa dénonciation.

« Nous avons été informés que des Centrafricains étaient impliqués dans une tentative de déstabilisation. Nous avons donc prévenu les autorités des pays concernés, le Cameroun et la Guinée équatoriale. Si mon frère est un terroriste, il faut le traiter comme tel. Je n’ai pas d’états d’âme », raconte-t-il à JA.

Sani Yalo a-t-il réellement prévenu les services camerounais ? Cherche-t-il à se dédouaner ou à protéger ses connexions au Cameroun, où il est bien implanté ? Sa famille est en tout cas au centre des investigations menées en Guinée équatoriale.

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