Mauritanie : beaucoup de rose, un peu de gris dans l’économie
Grâce à une croissance solide, à une inflation maîtrisée et à des projets audacieux, le pays a retrouvé des couleurs. Cependant, le taux d’endettement et la misère restent très élevés.
Mauritanie, cinq ans pour tout changer
Réélu en juin 2014 pour un dernier mandat, Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en mains pour atteindre ses objectifs. Même si plusieurs inconnues subsistent, à commencer par la menace terroriste ou la mise en place du dialogue avec l’opposition.
Donateurs, hommes d’affaires et experts ne tarissent pas d’éloges. « Depuis l’arrivée du président Aziz, les choses se sont considérablement améliorées », affirme l’un. « Je n’en reviens pas du dynamisme de Nouakchott ; ce pays est sur une trajectoire de développement », dit l’autre. « Certes, pour la transparence des affaires, ce n’est pas la Suisse, mais c’est nettement mieux que le Cameroun, et même que le Maroc ! » renchérit un troisième. « Il possède une économie plus diversifiée que celle du Sénégal », s’étonne un quatrième.
>>> Voir aussi – Mauritanie : une croissance économique peu partagée
Effectivement, la croissance y est robuste. Au cours des dix dernières années, elle s’est établie à 3,6 % par an en moyenne puis s’est accélérée, pour atteindre 6,9 % en 2012, grâce aux pluies qui ont favorisé l’agriculture, et 6,7 % en 2013. Les augures lui prédisent encore plus de 6 % en 2014. Des chiffres bien meilleurs que ceux des pays voisins, malgré la baisse du prix du minerai de fer et de l’or, et malgré certaines désillusions dans le domaine des hydrocarbures.
Avec une hausse des prix de 2,9 %, en août, l’inflation semble d’une sagesse remarquable. Les réserves en devises dépasseraient 1 milliard de dollars (780 millions d’euros) : de quoi assurer huit mois d’importations. La croissance démographique, elle, paraît se modérer, avec un taux de 2,49 % en 2013, quand celui des autres pays du Sahel oscille entre 3 % et 4 %.
Irrigation
Le climat des affaires aussi s’améliore. « Le pays va dans le bon sens, explique Vera Songwe, directrice des opérations de la Banque mondiale pour la région. Un guichet unique pour les entreprises a été créé et un tribunal de commerce se met sur pied. Pas étonnant que cet État ait progressé de vingt-quatre places en deux ans au palmarès de Transparency International. » La passation des marchés publics se déroule de façon assez satisfaisante, et la concurrence n’est pas un vain mot, comme le prouve un appel d’offres perdu par l’entreprise de BTP Bouygues, et nullement sous des prétextes fallacieux.
Surtout, la Mauritanie regorge de projets. Certains sont en bonne voie, comme la mise en valeur de 10 000 ha de terres supplémentaires dans la vallée du Sénégal grâce à l’irrigation. D’autres sont sur les rails, tel le transport vers le Sénégal de l’électricité produite à partir du gaz naturel extrait en haute mer, un projet de 1 milliard de dollars. D’ailleurs, les centrales électriques se multiplient, y compris les hybrides, qui auront recours aux énergies thermique et solaire.
Après la ratification de l’accord sur la pêche avec l’Union européenne, en octobre 2013, des entreprises commencent à transformer le poisson sur place, à Nouadhibou. La Société nationale industrielle et minière (Snim) et Glencore Xstrata caressent l’espoir de quadrupler la production de fer. Il est même question d’exploiter des gisements de phosphate et de terres rares.
>>>> Mauritanie : santé de fer ou petite mine ?
Restent pourtant quelques ombres au tableau. Tout d’abord, la misère recule peu : 48 % de la population perçoit des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, cette proportion s’élevant à plus de 60 % dans la vallée du Sénégal.
À l’évidence, la belle croissance de la Mauritanie n’est pas « inclusive », comme disent les experts pour constater qu’elle ne profite pas au plus grand nombre. Signe de ce dénuement, le pays ne parviendra pas à atteindre, en 2015, les Objectifs du millénaire pour le développement fixés par l’ONU en matière de mortalité maternelle et infantile.
Feu vert
Mais le plus gros souci du pays, c’est sa dette. Certes, Mercedes Vera Martin, chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour la Mauritanie, certifie que la structure de cette dette est satisfaisante « car elle est surtout constituée de prêts concessionnels apportés par l’aide multilatérale et qu’il n’y a pas de problèmes avec la finance islamique ». « Une mission du FMI, ajoute-t-elle, permettra d’en analyser la soutenabilité » d’ici à la fin de l’année, ce qui débouchera éventuellement sur un appui financier du Fonds.
Il n’empêche : cet endettement représente plus de 87 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, un taux inhabituellement élevé.
« Cette mission sera la bienvenue, commente le représentant d’un organisme donateur, car la Mauritanie n’est plus sous programme du FMI depuis juin 2013, ce qui gêne considérablement l’action des bailleurs. Ceux-ci n’ont plus de visibilité budgétaire et financière et ne peuvent donc financer de nombreux projets comme ils le souhaiteraient, car il leur faut, au préalable, le feu vert du Fonds. Il y aurait des désaccords sur la façon de calculer la dette mauritanienne, faute d’une bonne perception des apports des fonds arabes. »
Espérons que ce débat, qui n’est pas seulement technique, ne cassera pas l’élan que Nouakchott a su donner à sa machine économique.
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Mauritanie, cinq ans pour tout changer
Réélu en juin 2014 pour un dernier mandat, Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en mains pour atteindre ses objectifs. Même si plusieurs inconnues subsistent, à commencer par la menace terroriste ou la mise en place du dialogue avec l’opposition.
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