Proparco veut miser davantage sur les entreprises africaines

Forte d’une augmentation de capital, la filiale de l’Agence française de développement consacrée au secteur privé compte investir plus dans des prises de participation au sein des sociétés du continent.

Proparco, filiale de l’Agence française de développement, est dirigé par Claude Périou. © Glez

Proparco, filiale de l’Agence française de développement, est dirigé par Claude Périou. © Glez

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 1 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Le constat est clair et n’a guère échappé aux spécialistes du secteur. Parmi les principales agences de développement européennes actives en Afrique, Proparco est la moins exposée en matière de prises de participation dans les entreprises. Les chiffres le confirment : alors que son alter ego britannique, la CDC, consacre la quasi-totalité de ses interventions à cette activité et que ses homologues allemande (DEG) et néerlandaise (FMO) lui destinent entre 30 et 40 % de leurs actifs, cette part tombe à 12 % pour la filiale de l’agence française de développement (AFD) consacrée au secteur privé. L’essentiel de ses engagements se fait sous forme d’octroi de crédits, au secteur financier notamment.

Mais à Paris, où est basée la direction générale de l’institution, on assure que cette donne va bientôt changer. La nouvelle stratégie adoptée au début de l’année par le conseil d’administration de Proparco permet en effet à l’agence de prendre un peu plus de risques sur le continent. Autrement dit, « dans les prochaines années, la croissance de nos actifs sera axée sur le développement des activités fonds propres et quasi-fonds propres, explique Claude Périou, son directeur général. Pour ces produits, nous devrions atteindre facilement 30 % du total de nos actifs à l’horizon 2019-2020 ».

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C’est notamment ce virage stratégique qui a conduit à l’augmentation de son capital, annoncée par l’agence le 3 novembre. Menée en plusieurs étapes depuis le début de cette année, l’opération lui a permis de porter son capital social à 693 millions d’euros (contre 420 millions d’euros précédemment), et ses fonds propres à 800 millions d’euros.

Risquée

Au-delà des fonds, « nous voulons apporter de la valeur ajoutée à nos opérations, notamment avec de l’assistance technique », poursuit Claude Périou. Au sein de la filiale de l’AFD, on assure qu’une réorganisation est en cours pour mettre en place des équipes taillées pour ce type d’activité. Mais pour un ancien cadre d’une autre agence de développement européenne, « il s’agit aussi pour Proparco d’assurer la soutenabilité de ses activités sur le continent. Car même si elle est plus risquée, l’activité fonds propres est plus rentable. Plus on fait des bénéfices, plus on peut réinvestir et plus vite on grossit ».

Avec 4 milliards d’euros d’actifs dans son portefeuille, soit une taille équivalente à celle de la CDC, la filiale de l’AFD est de loin plus petite que la DEG allemande et le FMO néerlandais qui pèsent chacun quelque 6 milliards d’euros d’actifs. Par ailleurs, d’après notre financier, « à terme, les institutions financières de développement vont s’orienter vers une structure identique de leurs actifs (autour de 30 et 40 % d’activité fonds propres). De fait, la CDC britannique est en train de réduire son activité fonds propres pour faire un peu plus de dette ».

Mais nombre de financiers voient cette évolution stratégique d’un oeil circonspect et s’interrogent sur sa signification précise. « La filiale de l’AFD veut-elle investir directement dans les entreprises ou passera-t-elle un peu plus par des fonds d’investissements actifs sur le continent ? » questionne un gestionnaire de fonds. Du côté de Proparco, où on annonce pour cette année près de 1 milliard d’euros de nouveaux engagements (un montant qui devrait atteindre 1,5 milliard en 2019), on affirme que les deux canaux seront utilisés.

Paradis fiscal, la question qui fâche

En juin, Anne Paugam, directrice générale de l’Agence française de développement (AFD), a dû répondre aux questions du Sénat au sujet des investissements que sa filiale Proparco aurait réalisés dans des fonds et sociétés basés dans des paradis fiscaux.

L’article du Canard enchaîné à l’origine de l’affaire parle de plus de 400 millions d’euros. Il n’en fallait pas plus pour relancer le débat sur le statut fiscal de certains pays, dont Maurice. Siège de la majorité des fonds d’investissements opérant en Afrique, l’île n’est pourtant pas considérée comme un paradis fiscal par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Et si ses détracteurs dénoncent ses très bas niveaux d’imposition, ses défenseurs mettent en avant l’entraide judiciaire et les conventions fiscales qu’elle a conclues avec de nombreux pays d’Afrique, attractifs pour les investisseurs.

Dans le domaine des prises de participation directes, les bureaux régionaux de Lagos, Douala et Abidjan ont reçu pour consigne d’être encore plus prospectifs en identifiant les entreprises avec lesquelles Proparco pourrait travailler. « De plus en plus, on trouve sur le continent des sociétés dont le mode de gouvernance et de reporting correspond aux critères de sélection de Proparco. Nous avons ainsi pu toucher, ces dernières années, des entreprises qui répondent à nos exigences », explique Claude Périou.

Critiqué

Par exemple, Proparco a déjà participé (à hauteur de 10 millions d’euros) au rachat du groupe de produits laitiers ouest-africain Fan Milk, en partenariat avec Danone et le gestionnaire de fonds Abraaj.

Quant au canal des fonds d’investissements, récemment, l’agence a injecté 32 millions d’euros, en partenariat avec ses homologues CDC et FMO, dans le fonds Injaro installé à Abidjan et spécialisé dans le financement des PME actives sur toute la chaîne de valeur agricole.

Conscient que ce canal d’investissement est souvent critiqué – certains fonds d’investissements étant basés dans des paradis fiscaux (lire l’encadré ci-contre) -, le patron de Proparco tient à préciser : « Même si nous ne bénéficions pas de subventions directes de l’État – nous levons nos fonds au prix du marché -, nous allons faire évoluer nos modalités de transparence. »

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