Assassinat d’Henri Curiel : la « piste algérienne » sera-t-elle confirmée ?

Alors que l’enquête sur le meurtre du militant franco-égyptien, tué à Paris le 4 mai 1978, a été rouverte en France. Ses proches continuent de considérer que c’est au soutien du FLN algérien que le commando d’assassins s’en est pris.

Henri Curiel © DR / International institute of social history

Henri Curiel © DR / International institute of social history

CRETOIS Jules

Publié le 18 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

Henri Curiel, juif franco-égyptien, né au Caire en 1914, un temps proche du Parti communiste, a animé un réseau de « porteurs de valises » en soutien au Front de libération national algérien (FLN) et fondé Solidarité, un réseau d’appui aux luttes de libération nationale, notamment à l’ANC sud-africaine, possiblement financé en partie par Alger. Le militant tiers-mondiste a été tué à Paris le 4 mai 1978, dans des circonstances encore non élucidées.

L’affaire avait été classée en 1992, puis le dossier rouvert et refermé en 2000 et en 2008 à la suite de nouvelles révélations. Le 9 janvier, l’enquête a été rouverte. La juge d’instruction Laurence Lazerges a été désigné pour rouvrir ce « dossier non résolu », comme le révélait Médiapart le 16 janvier. Fils du militant assassiné, Alain Gresh, directeur du journal en ligne OrientXXI, espère que l’annonce permettra de relancer l’intérêt de l’opinion publique pour une affaire dont il dit qu’elle est « avant tout politique ».

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Des zones d’ombres sur les commanditaires

La famille de Curiel a saisi la justice en octobre 2015, forte de nouveaux éléments : les aveux posthumes du militant d’extrême-droite René Resciniti de Says, contenus dans un livre paru en avril de la même année, Le roman vrai d’un fasciste français (La Manufacture) de Christian Rol.

L’auteur, qui a recueilli les propos de Resciniti de Says, assure que ce dernier a abattu Curiel de trois balles à bout portant en compagnie d’un complice, alors que le militant franco-égyptien sortait tout juste de l’immeuble où il vivait, rue Rollin, à Paris.

« Les discussions avec le parquet ont duré un certain temps », concède Me William Bourdon, avocat de la famille Curiel depuis plusieurs années et qui préfère rester discret pour le moment, comme il l’explique à Jeune Afrique, à propos d’une affaire « très sensible ».

L’avocat reste confiant, persuadé que cette nouvelle enquête « permettra de faire avancer la vérité sur les circonstances de l’assassinat ainsi que les donneurs d’ordre. »

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Car la zone d’ombre de l’affaire Curiel est bien le commanditaire de son assassinat. Dans le livre de Rol, Resciniti de Says confesse aussi sa proximité avec Pierre Debizet, dirigeant du Service d’action civique (SAC), organisation et service d’ordre gaulliste qui entretenait des accointances avec le pouvoir.

La piste algérienne

Paul Aussaresses, aux côtés de son avocat Gilbert Collard, en novembre 2001 à Paris. Il était alors poursuivi pour apologie de crimes de guerre pour avoir défendu la pratique de la torture en Algérie. © REMY DE LA MAUVINIERE/AP/SIPA

Paul Aussaresses, aux côtés de son avocat Gilbert Collard, en novembre 2001 à Paris. Il était alors poursuivi pour apologie de crimes de guerre pour avoir défendu la pratique de la torture en Algérie. © REMY DE LA MAUVINIERE/AP/SIPA

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Pour Alain Gresh, si la justice a longtemps piétiné, c’est peut-être parce que, « dans ce crime, le rôle de l’État est flou… » En juillet 2017 à Alger, lors d’une conférence, Philippe Aghion, cousin de la famille Curiel désigne le général Paul Aussaresses, décédé en 2013, connu pour ses états de service en Algérie, comme un des cerveaux de l’assassinat.

Gresh avait alors appuyé ces propos. « Aussaresses lui-même avait admis avoir été au courant de l’assassinat dans le documentaire consacré à Henri Curiel réalisé par Emilie Raffoul », rappelle Gresh. Au final, le général était revenu sur ses propos et avait demandé à ne pas apparaître dans le film diffusé en France en 2008 sur Canal+.

À la suite de la conférence algéroise de son lointain cousin Aghion, Gresh avait précisé son sentiment à la presse algérienne. « Pour moi, l’Élysée, ou du moins certaines personnes à la tête de l’État, étaient au courant », répète-t-il aujourd’hui.

Dans le documentaire de Raffoul, le général Aussaresses laissait entendre que le président français Valéry Giscard d’Estaing était lui aussi impliqué dans l’affaire.

Un temps, les proches d’Henri Curiel ont imaginé que son assassinat avait pu être pensé par l’Afrique du Sud de l’apartheid, que le réseau Solidarité dérangeait en procurant des faux passeports aux opposants, et dont les services maintenaient le contact avec les Français.

Mais depuis plusieurs années, de nouveaux indices convergent. « L’arme de calibre 11.43 qui a servi à tuer Curiel avait aussi été utilisée pour tuer Laïd Sabaï, gardien de l’Amicale des Algériens en Europe en 1977 », rappelle Gresh. Dans le livre de Rol, Resciniti de Says précise bien que Curiel, en Algérie s’était comporté comme un « traître à la France. »

En 2013, Sylvie Braibant, la fille de Guy Braibant, un cousin germain de Curiel signait sur un blog du site de TV5 monde un billet intitulé « Mandela, l’Afrique du Sud, Curiel, Aussaresses et Giscard d’Estaing ». Elle écrivait alors : « Au sommet de l’État giscardien régnaient d’anciens militants de l’Algérie française qui n’avaient pas fait leur deuil de cette guerre-là. »

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