Cyclisme – Gabon : la Tropicale, une course défricheuse de talents
Depuis le départ de Kango lundi 15 janvier, les coureurs amateurs africains dynamitent le peloton de la 13e Tropicale Amissa Bongo, dont l’arrivée est prévue dimanche à Libreville. Si pour le moment aucune échappée n’a été couronnée de succès, nombre d’entre-eux tentent leur chance, en espérant se faire remarquer par les recruteurs des équipes professionnelles.
À Fougamou, au départ de la troisième étape de la Tropicale, Léris Moukagni, le capitaine de route de la formation gabonaise, a un espoir : réussir à se glisser dans les échappées du jour et tenter de devancer les sprinteurs à l’arrivée à Lambaréné.
« La Tropicale est une course de très haut-niveau, qui accueille des coureurs professionnels. Nous savons que nous sommes moins forts, et que nous n’avons pas encore, face à eux, les capacités de remporter ce tour. Mais tous les Africains du peloton ont un objectif : se faire remarquer afin de taper dans l’œil d’un manager qui nous donnera notre chance. »
Si le cyclisme africain se développe énormément depuis une dizaine d’années, et que de nombreuses épreuves sont organisées sur le continent – le Maroc, l’Algérie, le Cameroun, le Burkina Faso et l’Érythrée ont leur tour respectifs -, seule la Tropicale offre une confrontation entre équipes professionnelles habituées du Tour de France et l’élite du cyclisme amateur africain.
Un baromètre du cyclisme continental
J’aime cette course, elle permet de repérer de nouveaux talents
Et cette confrontation permet parfois à ces sportifs de passer professionnel. C’est le cas par exemple de Natnael Berhane, l’ Érythréen recruté en 2013 dans l’équipe Europcar de Jean-René Bernaudeau : « Je l’avais découvert sur la Tropicale l’année précédente, il m’avait impressionné. J’aime cette course, elle sert de baromètre au cyclisme africain et permet de repérer de nouveaux talents. Ce continent est un vivier ! »
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La majorité des sportifs africains passés professionnels ces dernières années se sont d’abord illustrés sur l’épreuve. La Tropicale a permis à près d’une cinquantaine d’entre-eux de prendre pied dans le monde professionnel depuis 2006, date de la première édition. Une quinzaine ont intégré une équipe World Tour, dont la plupart au sein de la formation Dimension Data (ex MTN – Qhubeka), basée en Afrique du Sud.
L’équipe était une habituée de la course gabonaise à ses débuts, mais boude la compétition depuis son accession à la première division. « C’est un regret pour nous, mais ils ne donnent plus suite à nos sollicitations », explique, amer, Philippe Crépel, en charge de la direction sportive de la course. « C’est dommage pour la première équipe africaine professionnelle de l’histoire ! »
« On a l’impression d’être à l’écart, car peu d’équipes professionnelles viennent courir sur notre continent. Même une équipe africaine de World Tour comme Dimension Data ne se déplace pas… », regrette également Clovis Kamzong, le leader de l’équipe nationale du Cameroun.
Dimension Data, le prétexte africain ?
Si Dimension Data a en partie renié ses principes, on trouve heureusement d’autres formations qui s’intéressent au continent
Il semble loin, le temps où Veit Hammer, le manager, affirmait que l’identité africaine de l’équipe était primordiale. Si en 2015, la formation sud-africaine participait pour la première fois au Tour de France avec un effectif composé pour moitié de coureurs africains, l’an dernier il n’y en avait que deux, sur les neuf coureurs engagés.
Pire, plusieurs sportifs africains n’ont pas vu leur contrat prolongé cette hiver, sans aucune explication. C’est notamment le cas de Daniel Teklehaimanot, l’emblématique coureur Érythréen, premier coureur noir africain à participer à la Grande Boucle et à porter le maillot de meilleur grimpeur.
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Si Dimension Data a en partie renié ses principes, on trouve heureusement d’autres formations qui s’intéressent au continent, et sont présentes sur le Tour du Gabon. C’est le cas par exemple de l’équipe Sovac – Natura4ever, émanation d’un club algérien et d’un sponsor belge. Elle a pour effectif des coureurs algériens, belges, français et italiens.
Un melting pot qui est une chance, selon Mohamed Bouzidi, l’un de ses membres : « C’est un véritable plus pour nous, nos coéquipiers européens vont pouvoir partager leur expérience. Jusque là, nous n’avions couru que sur le continent africain. Avec cette nouvelle collaboration, nous allons aussi pouvoir courir en Europe et engranger de l’expérience ! »
L’autre équipe est la formation allemande Bike Aid, « elle a pour but de promouvoir le cyclisme africain, en engageant des coureurs du continent et en les emmenant sur les plus grandes épreuves africaines, mais aussi en Europe et en Asie, afin qu’ils passent dans de grandes équipes professionnelles », explique Yves Beau, le directeur sportif. Il y a deux ans, Bike Aid a notamment réussi à placer l’Érythréen Mekseb Debesay dans l’équipe Dimension Data.
Coopération internationale
Au delà de ces deux équipes atypiques, des partenariats entre l’Occident et l’Afrique existent également. L’exemple le plus frappant concerne le Rwanda, où l’ancien coureur professionnel Jonathan Boyer a créé une académie il y a une dizaine d’années, avec l’aide de sponsors américains. Depuis, le pays des Milles collines est l’une des meilleures nations africaines dans le cyclisme.
En Éthiopie, une ONG espagnole, soutenue par la formation professionnelle Caja Rural, développe depuis deux ans le même principe. Malheureusement, le miracle n’a pas lieu à chaque fois, comme le prouve l’expérience malheureuse de l’ancien champion basque Abraham Olano.
Recruté au poste d’entraîneur national du Gabon en 2016, grâce au soutien de la fondation Contador – du nom d’un autre champion espagnol -, l’expérience a tourné court. Si les Gabonais avaient fait énormément de progrès en quelques mois, des différents d’ordre financier entre la fédération et l’Espagnol ont privé les coureurs de leurs coach.
Le poids de la filière amateur
Si le peloton africain ne compte que quelques élus à se voir proposer un contrat pro, plusieurs sportifs amateurs sont passés dans des clubs français. C’est le cas du Marocain Mohcine El Kouraji, qui court une partie de la saison au VC Orléans, de l’Éthiopien Temesgen Buru Mebrahtu à Haguenau en Alsace ou encore du Burkinabè Abdul Aziz Nikiema, à Vern en Bretagne.
« C’est un cercle vertueux, en allant courir une partie de l’année en France, cela me permet de progresser et de préparer mes échéances de la saison, comme le Tour du Faso ou la Tropicale ! » explique le champion national 2017.
Au début seules les équipes européennes jouaient les premiers rôles. Aujourd’hui, ce sont les coureurs africains qui animent la course
Et si les problèmes de visas restent le principal frein au développement du cyclisme africain, le futur du vélo passera par ce continent, Bernard Hinault en est convaincu. Le quintuple vainqueur du Tour est le parrain de l’épreuve gabonaise, et voit chaque année l’élite africaine se renforcer.
« Pourtant, en 2000, si on m’avait dit qu’un coureur africain prendrait le départ le Tour de France, je n’y aurais cru ! En quelques années, ils ont eu l’équipement et l’entrainement adéquat, et cela commence à porter ses fruits. Je le vois sur la Tropicale, au début seules les équipes européennes jouaient les premiers rôles. Aujourd’hui, ce sont les coureurs africains qui animent la course ! Ils se font battre par les pros qui maîtrisent mieux la tactique, mais les Rwandais, les Érythréens ou les Marocains les talonnent ! Et c’est normal ! Ils marchent bien en athlétisme, il n’y a pas de raison qu’ils ne marchent pas en cyclisme ! Il faut juste un peu de temps… »
L’ancien champion en est sûr, on verra d’ici une quinzaine d’années un coureur du continent jouer la gagne sur le Tour de France…
#TAB2018 la liste officielle des coureurs de la @tropicale2018 - The official Start List! pic.twitter.com/wV4K582XNe
— Tropicale Amissa Bongo (@tropicale2023) January 14, 2018
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