Perspectives 2018 : la BAD met en garde contre « une croissance sans emploi »
Selon la Banque africaine de développement (BAD), qui a publié son rapport mercredi, la majorité des pays africains a réussi à surmonter en 2017 la mauvaise passe de 2016. Elle invite néanmoins les États à accompagner la restructuration du marché du travail pour éviter « une croissance sans emploi ».
En ce début d’année, l’heure est aux prévisions pour les différentes institutions, cabinets d’analystes et autres agences de notation. Ainsi, quelques jours après la parution des perspectives 2018 de la Banque mondiale, qui annonçaient une croissance moyenne de 3,2 % dans les pays subsahariens, c’est au tour de la Banque africaine de développement (BAD) de dévoiler chiffres et recommandations.
Dans ce rapport 2018, publié le 17 janvier, l’institution panafricaine annonce une croissance moyenne de 4,1 % en 2018 et 2019. Si cette annonce paraît plus optimiste que celle de la Banque mondiale, les deux chiffres ne couvrent pas tout à fait le même périmètre. Celui de la BAD couvre ainsi les pays du Maghreb, alors que la Banque mondiale le classe avec le Moyen-Orient.
Pour la BAD, l’année 2018 consolidera donc une reprise amorcée en 2017, après une année 2016 à l’économie ralentie par les chocs mondiaux et intérieurs. Seuls quelques pays, notamment en Afrique centrale, ont enregistré des « résultats décevants malgré le rétablissement des prix du pétrole ». C’est le cas de la République du Congo, dont le PIB a reculé de 4 % et de la Guinée équatoriale (-7,3 %).
« Toutefois, les taux de croissance élevés qui ont récemment été enregistrés en Afrique ne se sont pas accompagnés de taux élevés de croissance de l’emploi », regrette la BAD, précisant que seuls cinq pays, l’Algérie, le Burundi, le Botswana, le Cameroun et le Maroc, ont enregistré une croissance de l’emploi de plus de 4 %.
La BAD recommande aux États de soutenir la croissance des secteurs nécessitant davantage de main-d’œuvre
Le manque de création d’emplois a retardé la réduction de la pauvreté et accentué les inégalités et ne manque pas d’inquiéter, alors que quelque 12 millions de personnes intègrent chaque année la population active du continent.
Miser sur les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre
En cause, le manque de transformations structurelles et les caractéristiques du marché du travail en Afrique, qui reste majoritairement orienté vers des secteurs de faible productivité. La BAD recommande donc aux États de soutenir la croissance des secteurs nécessitant davantage de main-d’œuvre, par l’assouplissement du cadre réglementaire et l’investissement dans des industries à haut rendement et forte intensité de main-d’œuvre, comme les industries agroalimentaires.
L’investissement dans les infrastructures peut lui aussi se révéler efficace, alors qu’« un cinquième des entreprises africaines figurant dans l’enquête de McKinsey ont cité l’absence d’électricité comme l’un des trois principaux obstacles au bon déroulement de leurs activités », souligne la BAD, qui met cependant en garde contre la tentation de programmes d’investissements trop lourds par rapport à la capacité d’absorption des pays.
Le risque de surendettement reste faible ou modéré dans plus de 60 % des pays africains
Pourtant, assure l’institution panafricaine, « il ne faudrait qu’une petite partie de l’excès d’épargne au niveau mondial pour combler le gap de financement de l’Afrique [qu’elle estime entre 68 et 108 milliards de dollars] et pour financer des infrastructures productives et rentables ».
Des réformes fiscales « nécessaires mais politiquement difficiles »
L’endettement peut être une solution pour le financement du développement et des infrastructures, à la condition que les fonds soient employés à des fins d’investissements productifs, estime l’institution. Or, le rapport de la BAD souligne qu’après une longue période de déclin, soutenue en partie par l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) et l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM), les ratios de la dette publique sont repartis à la hausse, sans toutefois atteindre des niveaux d’endettement antérieurs à l’initiative PPTE.
« Le risque de surendettement reste faible ou modéré dans plus de 60 % des pays africains », assure l’institution. La BAD revient également longuement sur les nécessaires réformes fiscales, qui « constituent le plus important levier d’action de la politique budgétaire ».
En effet, même si la mobilisation des revenus intérieurs s’est substantiellement améliorée au cours des dernières décennies, les ratios de l’impôt sur le PIB restent inférieurs au seuil des 25 % jugé suffisant pour amplifier les dépenses d’infrastructures.
« Il devient urgent d’améliorer les régimes fiscaux – notamment en éliminant, de manière progressive, la vaste gamme d’exonérations et de pertes qui grèvent les systèmes fiscaux – pour enregistrer des gains de croissance et permettre l’évolution structurelle rapide que connaissent certains pays », affirme l’institution, tout en reconnaissant qu’« aucune de ces orientations fiscales n’est aisée » et que l’imposition de taxes marginales plus importantes pourrait « se révéler contre-productive et provoquer des distorsions en favorisant les transferts vers le secteur informel ».
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