Shams Din : redécouverte d’un artiste marocain, pionnier du rap en arabe

Fan des gnaouas d’Essaouira et de Public Enemy, Shams Din a rappé en arabe dès les années 1980, avant que sa carrière naissante soit rattrapée par la guerre du Golfe. Un label californien édite sous format vinyle ses chansons, pour la plupart inédites.

DR / Smiling C © Shams Din, de son vrai nom Mohamed Ben Bouchta

DR / Smiling C © Shams Din, de son vrai nom Mohamed Ben Bouchta

CRETOIS Jules

Publié le 20 janvier 2018 Lecture : 2 minutes.

Un son funk, des scratchs typiques du hip-hop et une voix qui s’écrit : « Zid la guitare, zid ! » Sleke Machine, une des chansons de l’album de Shams Din sorti ce 17 janvier, fait penser aux belles heures du groupe français Zebda ou à du Kurtis Blow du milieu des années 1980.

Et pour une bonne raison : le CD qui sort du marocain Shams Din, Mohamed Ben Bouchta de son vrai nom, n’est pas « nouveau » à proprement parler. Sans être plus précis dans les dates, Henry Jones, discret co-fondateur du label californien Smiling C, dont l’album de Shams Din est la première sortie, nous retrace le parcours musical du rappeur marocain, qui appartient bien aux eighties et offre un aspect rétro charmant au projet.

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Du raï et du breakdance

Ce dernier n’est pas sans rappeler d’ailleurs la redécouverte par le public de Fadoul, chanteur marocain des années 1970. Ce dernier, vieille gloire longtemps oubliée, connaît depuis quelques années une deuxième vie très « branchouille » grâce aux labels Jakarta Records et Habibi Funk et figure sur une toute récente compilation de musique arabe.

Mais une décennie environ sépare les tournées de Fadoul des freestyles de Shams Din, « très marqués par une culture raï et hip-hop », comme le souligne Henry Jones. À en croire ce dernier, féru de musique, Shams Din, fan de Grandmaster Flash et Public Enemy ainsi que de la musique des gnaouas d’Essaouira, peut être considéré « comme un pionner du rap arabe. »

Mohamed Ben Bouchta, né à Oujda au début des années 1960 a été élevé par sa mère et son grand-père, un homme pieux et pétri de mystique. À dix ans, sa mère l’envoie en France. Il découvre le break dance, la funk, une culture hip-hop balbutiante et se lance sur le sol pour disputer des concours de danse.

Chanter en arabe pendant la guerre du Golfe

Dans sa vingtaine, il monte sur Paris. Là, il se rapproche du célèbre Patrick Duteil, dit DJ Sidney, figure du rap français. Ben Bouchta rappe dans des bars et des auberges de jeunesse. En arabe. Le public ne comprend pas toujours, mais apprécie. Alors Shams Din se lance.

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Et enregistre une chanson, « Hedi Bled Noum » (c’est le pays du sommeil), avec le soutien de Jemel Dif, batteur du groupe Carte de séjour, emmené par Rachid Taha. La chanson au ton optimiste tourne, de Paris à Casablanca. « Il faut dire qu’elle est incroyable cette chanson. On l’entend crier, rire, geindre… », s’enthousiasme Henry Jones. Shams Din a ses entrées dans des clubs prisés et discute avec des artistes réputés de possibles collaborations. Un label le démarche. Tout est prêt pour un beau contrat. « Mais avec la première guerre du Golfe, le producteur lui demande de ne pas chanter en arabe… » raconte Jones. La mère de Ben Bouchta tombe malade. Assez vite, il s’éloigne de la musique. Pour mieux se lancer dans le kung-fu.

L’album de Sham Din, disponible en ligne et à la vente sous format vinyle rassemble des titres enregistrés pour un projet de CD jamais abouti, « Double Kif », la fameuse « Hedi Bled Noum », des « démos » et « deux chansons qu’il avait enregistré avec un cousin », détaille Jones.

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