« Usines à bébés » : une vingtaine de personnes arrêtées au Niger

Une source policière nigérienne a annoncé mercredi soir qu’une vingtaine de personnes, dont des épouses de personnalités du pays, ont été arrêtées depuis lundi dans le cadre du démantèlement d’un trafic présumé de nouveau-nés venant du Nigeria voisin.

Le trafic de nouveaux-nés se passe entre le Nigeria, le Bénin et le Niger. © AFP

Le trafic de nouveaux-nés se passe entre le Nigeria, le Bénin et le Niger. © AFP

Publié le 26 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

"Plus d’une vingtaine de personnes, en majorité des femmes, sont interpellées depuis lundi [23 juin] dans le cadre d’une enquête internationale relative à un trafic de bébés", a indiqué, le 25 juin, une source policière nigérienne.

Dix-huit d’entre elles ont été inculpées pour "supposition d’enfant", un délit qui consiste à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui n’en a pas accouché, "faux et usage de faux" et "déclaration mensongère". Treize autres ont été relaxées, de même source, tandis que les auditions, débutées en début d’après midi, se poursuivaient encore jusque tard dans la nuit de mercredi.

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Un " trafic triangulaire"

"C’est un trafic triangulaire Nigeria-Bénin-Niger. L’enquête est menée depuis plusieurs mois par les polices de ces trois Etats voisins", a précisé la source policière.

Parmi les personnes interpellées figurent une des épouses du président du Parlement, Hama Amadou, le principal opposant au président Mahamadou Issoufou, et celle de l’actuel ministre d’Etat à l’Agriculture, Abdou Labo. Des agents de l’état-civil et des agents de santé sont également arrêtés.

"Le réseau concerne plutôt des femmes ou leurs épouses qui n’arrivent pas à avoir d’enfants et qui ont recours aux trafiquants", a expliqué une source proche du dossier. Et d’ajouter : "Les bébés, dont des jumeaux, viennent du Nigeria et transitent par le Bénin."

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L’affaire, révélée par le bi-hebdomadaire L’évènement, n’était jusqu’à présent qu’une "rumeur", a commenté Mariama Moussa, présidente de l’ONG SOS femmes et enfants victimes de violences. "Personne n’a vu où ces bébés ont été achetés. Maintenant que l’État a pris l’affaire en main, la vérité va certainement être révélée et la justice tranchera. Nul n’est au dessus de la loi", a-t-elle réagi, proposant la mise en place de "tests ADN" pour "s’enquérir de la vérité".

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Ce scandale interpelle alors que le Niger fait face à la plus forte fécondité au monde. Avec 7,6 enfants par femme, ce pays très pauvre, dont la population croît de manière exponentielle, s’expose à une surpopulation à moyen terme qu’il ne pourra supporter.

Dans les "usines à bébés", les garçons plus chers que les filles

"Nous avons plein d’enfants ici. Ceux qui en veulent peuvent en adopter. C’est plus honorable que d’entrer dans un trafic illicite", a réagi pour sa part Mohamed Anmansour, cadre de l’ONG Timidria, spécialisée dans la lutte contre l’esclavage.

Des "usines à bébés", sortes de cliniques privées accueillant des femmes enceintes avant de vendre leurs bébés, sont régulièrement démantelées au Nigeria voisin. Les nouveaux-nés sont vendus plusieurs milliers d’euros, les garçons valant plus cher que les filles. Les mamans, elles, reçoivent quelques centaines d’euros. En avril 2012, la police nigériane avait découvert un faux orphelinat dont les bébés étaient destinés à la vente pour des rituels de magie noire, au cours desquels ils auraient pu être torturés ou sacrifiés.

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Le trafic d’êtres humains est le troisième crime le plus répandu au Nigeria, derrière la fraude et le trafic de drogue, selon les Nations unies. Des jeunes filles arrivent également au Nigeria en provenance du Niger, d’où elles sont originaires. "Celles qui sont considérées comme serviles sont prises pour servir des familles [nigérianes]. Elles sont utilisées comme des esclaves. On abuse d’elles", se désole Mohamed Anmansour qui qualifie ce trafic de "monnaie courante".

Des cas d’esclavage internes au Niger ont également été relevés, comme fin mai, lorsqu’un homme âgé de 63 ans, a été condamné à quatre ans de prison dans l’ouest du pays, pour avoir pris "une femme esclave", adulte à l’époque des faits, comme "cinquième épouse".

(Avec AFP)

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