Le Niger déterminé à combattre la mortalité maternelle

L’État et les organisations humanitaires battent campagne contre la très forte mortalité maternelle au Niger, pays connaissant la plus forte fécondité au monde. En cause, une culture nataliste valorisant les grossesses précoces et à répétition.

Mères nigériennes avec leurs enfants dans un centre de Médecin sans Frontières, à Dogo. © AFP – Issouf Sanogo

Mères nigériennes avec leurs enfants dans un centre de Médecin sans Frontières, à Dogo. © AFP – Issouf Sanogo

Publié le 25 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

"Toutes les deux heures, une Nigérienne meurt de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement", annonce Monique Clesca, la représentante du Fonds de l’ONU pour la population (UNFPA) au Niger.

Une donnée accablante, malgré quelques améliorations. Dès 2006, le Niger a décrété la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les accouchements par césarienne. Les produits contraceptifs sont désormais distribués sans frais.

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"Mourir en donnant la vie est une injustice sociale !", tonne Malika Issoufou, l’épouse du chef de l’État nigérien, qui s’était rendue au chevet de femmes atteintes de complications gynécologiques, à l’hôpital de Taouha. Dans cette ville, près de 3 000 personnes ont assisté à l’opération de sensibilisation menée pour la lutte contre la mortalité maternelle.

Fin d’un tabou

"Les questions démographiques, il y a dix ans, personne ne les abordait. Maintenant, tout le monde en parle, à commencer par le gouvernement, le président", se félicite Isselmou Boukhary, le représentant adjoint au Niger de l’Unicef, l’agence onusienne pour l’enfance.

Avec 535 décès de mères pour 100 000 naissances vivantes – soit une mort toutes les 186 mises au monde -, le pays reste l’un des quinze où ce taux est le plus élevé. En 2006, ce ratio était de 648/100 000, selon le ministère nigérien de la Santé. De son côté, le taux de recours à la contraception s’est accru de 5% à 12% sur la même période.

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Mais la culture "nataliste" reste prégnante au Niger, remarque Monique Clesca, où "plus on a d’enfants, plus on est valorisé". "Quand des filles se marient, elles doivent prouver dans l’année qu’elles sont fécondes."

40% des filles mariées avant 15 ans

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Dans cette société où on se marie très jeune, près de 80% des femmes sont unies à l’âge de 18 ans et 40% avant l’âge de 15 ans.

"À cet âge, l’organisme est fragile et pas mûr pour la maternité", explique Yahaya Mani, médecin de campagne. De fait, un tiers des décès des filles de 15 à 19 ans sont liés à la mortalité maternelle, selon l’ONU. Aucune statistique cependant ne permet de connaître le nombre de celles mortes avant cet âge.

"Les parents connaissent les risques. Mais ils préfèrent marier leurs filles précocement plutôt que de risquer d’avoir une fille enceinte hors mariage. Le déshonneur serait trop fort", poursuit Monique Clesca.

Une fois la première grossesse survenue, les naissances se succèdent. Avec un taux de 7,6 enfants par femme, le Niger connaît la plus forte fécondité au monde.

Celles-ci se retrouvent souvent avec "un enfants au sein, un autre dans le dos et un troisième aux pieds", décrit une source humanitaire, ce qui fragilise énormément leurs organismes.

Les grossesses tardives, très risquées, sont également légion.

Démographie galopante

"À ces particularités socio-culturelles se greffe un manque de structures de soins, surtout en milieu rural. Les naissances se font donc à 70% à domicile, pratiquées par des accoucheuses traditionnelles", déplore Gali Asma, une responsable du ministère de la Santé. 80% des décès maternels se produisant en dehors des services de santé.

Le facteur religieux joue enfin son rôle, dans un pays quasi-intégralement musulman. Certains hommes privent toujours leurs épouses de consultations prénatales.

Des campagnes de planning familial se heurtent également aux réticences des islamistes radicaux, de plus en plus nombreux, qui dénoncent des "moyens dictés par l’Occident" visant à "stopper les naissances".

Si sa fécondité ne s’infléchit pas, le Niger comptera 40 millions d’habitants en 2050, contre 17 aujourd’hui. Un niveau de population que ce pays, abonné aux sécheresses et aux crises de malnutrition, ne pourra pas supporter.

(Avec AFP)
 

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