Tunisie : le gouvernement prévoit de relancer l’ATCE, dissoute après la révolution
Le conseiller politique à la présidence, Noureddine Ben Ticha, a annoncé à la mi-janvier qu’un projet était actuellement en cours d’étude à l’Assemblée pour réactiver et restructurer l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE). Devenue un outil de propagande et de censure sous Ben Ali, elle avait été dissoute après la révolution.
Noureddine Ben Ticha, conseiller politique à la présidence, a annoncé à la mi-janvier l’intention du gouvernement de remettre sur les rails l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE), dissoute le 18 décembre 2012. La nouvelle agence sera refondée autour de sa mission première : promouvoir l’image de la Tunisie à l’étranger, encourageant ainsi le tourisme et les investissements directs à l’étranger (IDE).
Créée en 1990, l’ATCE a très rapidement été détournée pour servir les intérêts du clan Ben Ali, érigée en symbole de la propagande et utilisée comme outil de répression contre les journalistes.
« Autant faire revenir Ben Ali ! »
La refondation de cette institution fait aujourd’hui débat en Tunisie. « Autant faire revenir Ben Ali ! », s’est ainsi exclamé Néji Bghouri, le président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), mardi 16 janvier, sur les ondes de Mosaique FM.
[Ben Ali] est parti et il ne reviendra pas
Également invitée sur la radio cette même journée, Saïda Guarrach, la porte-parole de la présidence, lui a répondu en estimant qu’ils ne se « sont pas encore libérés du syndrome de Ben Ali », alors que celui-ci « est parti et qu’il ne reviendra pas ».
Rapporter chaque décision au spectre de Ben Ali est, selon elle, un « discours populiste ». Elle rappelle notamment que « partout ailleurs, il y a des services qui travaillent l’image des pays », en donnant notamment l’exemple du Maroc.
Si le rôle annoncé de cette agence est de promouvoir l’image de la Tunisie à l’étranger, aucune précision n’a cependant encore été donnée sur les structures et ses fonctions précises.
Outil de propagande sous Ben Ali
Véritable pièce maîtresse de la propagande sous le régime de Ben Ali, l’ATCE a pendant longtemps censuré la presse et muselé les personnalités politiques et les journalistes tunisiens. Abdelwahab Abdallah, à l’époque conseiller du président, en avait d’ailleurs fait son principal organe de répression.
L’Agence était notamment chargée de gérer le budget publicitaire des entreprises étatiques, disposant ainsi d’un moyen de pression considérable sur les médias locaux et étrangers.
Des lois de plus en plus répressives envers les journalistes
Elle contrôlait également l’ensemble des activités en ligne des internautes tunisiens. Bénéficiant d’un accès direct aux adresses IP, elle pouvait ainsi surveiller les courriers électroniques échangés entre l’opposition et les journalistes, notamment au sujet du régime.
Pour promouvoir l’image de Ben Ali et de la Tunisie à l’étranger, l’Agence ne délivrait ainsi des autorisations qu’aux journalistes favorables au régime.
Vers un « retour en arrière » ?
Pour le SNJT, cette décision vient renforcer une attitude gouvernementale de plus en plus hostile vis-à-vis des journalistes. Contacté par Jeune Afrique, Néji Bghouri, président du syndicat, dénonce « des lois de plus en plus répressives », en prenant l’exemple de la loi relative à la protection des forces de l’ordre.
L’ATCE, si elle est restructurée, prépare l’ascension dictatoriale de Béji Caïd Essebsi
En effet, ce projet de loi, toujours en discussion à l’Assemblée, risque de compliquer la couverture médiatique lors des manifestations. Pour utiliser un appareil photo, une caméra, un téléphone ou des enregistrements audiovisuels dans des opérations sécuritaires ou militaires, il faudra au préalable bénéficier d’une autorisation de l’autorité compétente. Une peine de deux mois à deux ans de prison est également prévue en cas d’infraction, et la tentative est également punie.
« C’est simple, l’ATCE, si elle est restructurée, prépare l’ascension dictatoriale de Béji Caïd Essebsi pour 2019 », souligne le président du SNJT, qui dénonce également les propos du président tunisien, qui considère « qu’il y a eu beaucoup d’exagération de la part des médias étrangers », concernant la couverture des dernières manifestations.
Où allons-nous avec ce type de discours et de pratiques ? Vers un retour en arrière ?
De plus, le club des correspondants étrangers en Afrique du Nord a rapporté que plusieurs journalistes étrangers ont été inquiétés par les forces de police. « Où allons-nous avec ce type de discours et de pratiques ? Vers un retour en arrière ? », s’interroge Néji Bghouri.
Mofdi Mseddi, chargé de communication auprès du Premier ministère, assure que les journalistes peuvent travailler en toute quiétude et impute les dysfonctionnements à la non transmission des nouvelles dispositions aux forces de l’ordre par le ministère de l’Intérieur.
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