Il y a urgence à retranscrire à l’écrit le patrimoine oral du Maghreb et du Proche-Orient

Le Salon du livre à Casablanca devra faire face à une tradition orale encore très présente dans le quotidien des habitants

Des étudiants marocains devant l’université de Hassan II de Casablanca, le 31 mai 2006 (photo d’illustration). © Abdeljalil Bounhar/AP/Sipa

Des étudiants marocains devant l’université de Hassan II de Casablanca, le 31 mai 2006 (photo d’illustration). © Abdeljalil Bounhar/AP/Sipa

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  • Ali Benmakhlouf

    Professeur des universités et membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie, à Paris.

Publié le 1 février 2018 Lecture : 2 minutes.

Des étudiants en filière Éducation à l’université de Porto-Novo, au Bénin, en  mai 2017. © Flickr / Creative Commons / World Peace Intiative
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Éducation : le match privé – public

Dans nombre de pays d’Afrique francophone et du Maghreb, l’éducation nationale est en crise. Les établissements privés sont convaincus de pouvoir prendre la relève. Est-ce le cas ? À vous de juger.

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Fin janvier au Caire, début février à Casablanca, le Salon du livre mettra en avant l’écrit dans des sociétés qui restent profondément orales. Une visite aux centres de documentation et d’information (CDI) – quand ils existent – des écoles publiques au Maroc donnera l’image exacte de l’indigence des livres proposés aux élèves. Un grand déficit de lecture résulte de cet accès restreint au livre. Il ne s’agit pas de dire que les portables ont pris le dessus. La lecture numérique ne se porte pas mieux que la lecture sur papier.

Le Salon du livre devient un moment majeur de fête et d’ouverture au livre. L’expression « foire du livre » est plus commune que celle de « salon du livre », à Casablanca. Qu’y voit-on ? Des enfants, des adolescents qui s’approchent du livre et qui l’appréhendent avec inquiétude comme un objet étranger. Les réflexes qui consistent à lire la quatrième de couverture, à poser des questions, sont loin d’être acquis.

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Pousser les gens à lire

Au niveau du supérieur, je me souviens d’une intervention dans le master « genre, culture, société » de l’université Hassan-II de Casablanca, il y a trois ans. Des jeunes gens, très bien disposés dans leurs études pour apprendre de nouvelles méthodes et de nouveaux textes, m’ont demandé ce que je pensais de l’approche de la culture par l’Allemand Norbert Elias.

Dans ma réponse, j’ai mis en liaison les vues de ce philosophe avec le riche patrimoine des proverbes et des adages de la culture marocaine. Les visages se sont éclairés, les comportements dans la salle ont été modifiés : les étudiants ont commencé non seulement à évoquer des proverbes entendus autour d’eux, mais aussi à s’animer en prenant conscience d’un savoir incorporé dans leur chair, puis à enchevêtrer les références orales et écrites.

De fait, dans des pays où la culture orale, cette « expérience retravaillée », selon l’expression de Jack Goody, est si prégnante, l’enjeu, pour pousser les gens à lire, est d’aménager des formes d’aller-retour entre les cultures orale et écrite, à l’instar de ce qu’avait fait cet anthropologue britannique dans le nord du Ghana. Quand il a enregistré sur magnétophone, puis transcrit, le mythe du Bagré, considéré comme l’archive du peuple ghanéen, il a donné aux dépositaires de la culture de ce pays un texte écrit susceptible d’interagir avec les variantes orales que la récitation du mythe continuait de produire.

Le patrimoine culturel oral dans les pays du Maghreb et du Proche-Orient est gigantesque. Le transcrire patiemment et le proposer en livre redoublerait l’intérêt spontané porté à la reproduction orale de ce patrimoine par l’intérêt distancié qu’offre l’écrit.

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