Melinda Gates : « Le planning familial, c’est la clé du développement »
C’est l’une des femmes les plus riches et les plus influentes au monde. Avec sa fondation, Melinda Gates, l’épouse du fondateur de Microsoft, Bill Gates, œuvre dans 45 pays africains. Militante pour l’émancipation des femmes dans le monde et pour un meilleur accès à la contraception, elle arrive ce lundi à Ouagadougou pour deux jours au Burkina Faso.
Le pays est l’un des signataires du « Partenariat de Ouagadougou », conclu en 2009. Regroupant neuf pays ouest-africains et financé notamment par la Fondation Bill et Melinda Gates, celui-ci s’était fixé pour premier objectif de rendre les contraceptifs accessibles à un million de femmes. Désormais, le but est de parvenir à fournir des moyens contraceptifs à 2,2 millions de femmes supplémentaires. Entretien avec Melinda Gates, a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Depuis plusieurs années, vous investissez en Afrique de l’Ouest pour rendre les moyens de contraception plus accessibles. Pourquoi avez-vous décidé de vous engager sur cette question ?
Melinda Gates : Bill (Gates) et moi avons décidé d’investir pour permettre à chacun de vivre mieux et, surtout, de vivre la vie qu’il souhaite. Cela commence avec l’accès aux soins. Si vous êtes en bonne santé, vous pouvez prendre soin de vos enfants, de leur éducation et les aider ensuite à développer leur pays.
Mais avant tout, il faut avoir la possibilité de choisir à quel moment on souhaite avoir des enfants. Si les femmes peuvent espacer les naissances, idéalement de trois ans, on sait que les enfants qui naîtront seront en meilleur santé. Ils auront deux fois plus de chance de survivre pendant les premières années de leur vie. Le planning familial c’est donc la clé du développement.
Il faut expliquer aux femmes que rien ne les empêche d’utiliser des contraceptifs, pas même la religion
Comment développer le planning familial en Afrique de l’Ouest ?
Le plus important, c’est la sensibilisation. Il faut expliquer aux femmes que rien ne les empêche d’utiliser des contraceptifs, pas même la religion. Il y a plusieurs façons de le faire. Dans certains pays, cette mission est confiée au personnel des centres de santé, dans d’autres, comme au Niger, on s’adresse d’abord aux maris, et ensuite on obtient la permission de parler aux femmes.
Ensuite, il faut que les contraceptifs soient disponibles dans les centres de santé. En la matière, le Sénégal, par exemple, a été innovant. Le gouvernement s’est rendu compte qu’il y avait souvent un problème d’approvisionnement, alors cela a été transféré du système public vers une petite entreprise privée qui parvient mieux à gérer le stock de médicaments.
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Vous vous êtes déjà rendue plusieurs fois en Afrique de l’Ouest : outre le Sénégal, vous êtes allée au Niger. Lorsque vous venez prôner la contraception, comment les femmes réagissent-elles ?
C’est toujours très intéressant. Dans les grandes villes, les femmes nous disent qu’elles savent très bien ce qu’est le planning familial et beaucoup d’entre elles utilisent déjà des moyens de contraceptions.
Dans les milieux ruraux, c’est très différent. Par exemple, dans des villages nigériens où je me suis rendue, beaucoup de femmes avaient déjà entendu parlé de planning familial, grâce à une amie ou à une infirmière dans un centre de santé par exemple, mais ça restait quelque chose de nouveau pour elles et elles avaient besoin d’en savoir plus.
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Et celles qui ne souhaitent pas prendre de contraception, que vous disent-elles ?
Souvent, elles me disent que cela va contre la volonté de Dieu. Elles me disent que le Coran ne leur permet pas, ce qui n’est pas vrai, mais c’est ce qu’on leur a raconté. Elles disent aussi que leur mari ne veut pas qu’elles prennent des contraceptifs.
Certaines femmes parviennent à passer outre cette pression. Certaines nous ont raconté qu’elles profitaient de l’absence de leur mari pour aller chercher des contraceptifs. Elles savent que cela peut changer leur avenir et celui de leurs enfants. Une femme qui a déjà deux enfants à nourrir préfère parfois prendre plus soin de ceux-là que d’avoir d’autres enfants.
C’est un sujet très sensible. En juillet dernier, les mots du président français, Emmanuel Macron stigmatisant la démographie dans certains pays d’Afrique, ont fait polémique. Comprenez-vous que cela puisse heurter ?
Je comprends très bien que ce sujet soit polémique. Je pense d’ailleurs que c’est à chaque mère et à chaque père de décider combien d’enfant il veut avoir. C’est une décision intime, qui appartient à chaque famille et à personne d’autre.
Mais c’est important que les femmes puissent être informées. C’est un fait : avoir moins d’enfants permet de sauver les vies des femmes qui trop souvent meurent encore pendant les accouchements. Utiliser des moyens de contraception c’est aussi une bonne chose pour les enfants, car ils sont en meilleure santé. Il faut sensibiliser les hommes et les femmes et, ensuite, les laisser choisir.
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