RDC : pourquoi Kabila et cinq de ses proches sont condamnés à un demi-million de dollars aux États-Unis

Près de quatre ans après les faits, l’État congolais, son président Joseph Kabila et cinq autres membres de son entourage ont été jugés le 16 janvier responsables de l’agression de manifestants aux États-Unis. Verdict : plus de 560 000 dollars de dommages et intérêts.

Joseph Kabila, président de la RDC, le 25 septembre 2013, à Washington. © Seth Wenig/AP/SIPA

Joseph Kabila, président de la RDC, le 25 septembre 2013, à Washington. © Seth Wenig/AP/SIPA

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Publié le 22 janvier 2018 Lecture : 4 minutes.

Sans doute se croyaient-ils tout permis. « Ils », ce sont les gardes du corps du « raïs » Joseph Kabila. Seulement, ce 6 août 2014 en question, ces derniers avaient oublié un détail : ils n’étaient pas sur le territoire congolais, mais sur le sol américain. Sinon, comment comprendre la brutalité de leur agression sur des manifestants venus protester contre le régime de Kinshasa ?

La scène se déroule le 6 août 2014 à Washington, devant l’hôtel Capella de Georgetown, dans lequel le chef de l’État congolais, invité au sommet États-Unis – Afrique, loge. Des « combattants », ces opposants radicaux de la diaspora congolaise, improvisent alors une manifestation pour dénoncer « les violences sexuelles, la corruption, le génocide, la dictature et les violations des droits de l’homme » en RDC.

Jacques Miango est alors « renversé au sol, battu, étranglé, piétiné » par les agents de sécurité congolaises

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Selon le récit de la plainte déposée en 2015 et dont Jeune Afrique a pu consulter une copie, le premier accrochage avec des agents de sécurité de Joseph Kabila a lieu quelques instants après le passage de Jean-Marie Kassamba, présenté par les plaignants comme étant le « chargé de la presse de la RDC ». Des gardes du président de la RDC commencent alors à « insulter, menacer, intimider et bousculer » les manifestants.

Retour sur un passage à tabac à Washington

Lorsque le chef de l’État congolais arrive à l’hôtel, la situation dégénère. Des mots laissent place aux violences physiques. Le réfugié politique Jacques Miango, principal plaignant, est alors « renversé au sol, battu, étranglé, piétiné » par les agents de sécurité congolais. L’extrait de ce passage à tabac est filmé par un piéton et diffusé dans la foulée sur YouTube.

Jacques Miango s’en sort avec « plusieurs dents » en moins, une « commotion cérébrale », la colonne vertébrale et le cou cassés.

Les agents de sécurité [n’ont] fait que leur travail », maintient Jean-Marie Kassamba

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« Il s’était précipité sur l’escorte présidentielle pour agresser le chef de l’État. Les agents de sécurité n’avaient fait que leur travail », maintient alors Jean-Marie Kassamba, qui invoque la « légitime défense ». Une ligne de défense qui n’a cependant pas été entendue lors de l’instruction de l’affaire par la Cour du district de Columbia, les accusés ne s’étant pas présentés à la barre.

C’est en effet depuis le 22 mars 2017 que cette cour a acté l’absence des réponses de l’État congolais, de son président Kabila et de cinq membres de l’entourage de ce dernier (Jean-Marie Kassamba, Jacques Mukaleng Makal, Raymond Tshibanda, Sam Mpengo Mbey, Séraphin Ngwej), poursuivis dans le dossier. Les juges ont toutefois mis hors de cause les forces de sécurité américaine, la police du district de Columbia et l’hôtel Capella cités, eux-aussi, dans la requête initiale des plaignants.

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460 000 euros de dommages-intérêts

Près de quatre années après les faits, la Cour fédérale de Columbia a reconnu le 16 janvier dernier (jugement en copie ci-dessous) les sept accusés restants responsables de l’agression de Jacques Miango et de deux autres manifestants. En clair, l’État congolais mais aussi Joseph Kabila, Jean-Marie Kassamba, Jacques Mukaleng Makal, Raymond Tshibanda, Sam Mpengo Mbey, Séraphin Ngwej doivent verser quelque 562 660, 06 dollars (environ 460 000 euros) aux plaignants au titre de dommages et intérêts. À en croire ces derniers, leurs biens personnels auraient également été volés par les agents de sécurité de Kabila après l’agression.

« C’est une condamnation in absentia puisque le gouvernement n’était pas là pour évoquer le cas de légitime défense, réagit un proche conseiller de Kabila. Ces « combattants » ont attaqué la garde présidentielle pour se frayer un passage et atteindre le président. »

L’ambassade de la RDC aux États-Unis et nos services sur place sont déjà à pied d’œuvre pour dissiper ce malentendu judiciaire

De son côté, Jean-Marie Kassamba, cité et condamné dans l’affaire, ne comprend pas la décision du juge fédéral américain à son encontre. « Qui suis-je pour donner un quelconque ordre aux agents de sécurité du chef de l’État ? » interroge-t-il. « Qu’à cela ne tienne, l’ambassade [de la RDC aux États-Unis, ndlr] et nos services sur place sont déjà à pied d’œuvre pour dissiper ce malentendu judiciaire. Il ne faut pas oublier que le président Kabila était en mission officielle aux États-Unis et que sa protection incombait d’abord aux services de sécurité américains », poursuit le communicant du pouvoir de Kinshasa, qui n’écarte pas l’hypothèse d’un éventuel appel de ces condamnations.

En attendant, cette affaire prend une résonance particulière en RDC, dans le contexte des récentes répressions sanglantes par les forces de l’ordre contre des manifestants anti-Kabila. Des responsables de ces « bavures » – reconnues du bout des lèvres par le chef de la police à Kinshasa – répondront-ils un jour de leurs actes ?

Copie du jugement rendu le 16 janvier 2017 par la Cour de Columbia, aux États-Unis

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