La presse nigériane fait les frais de l’impuissance du gouvernement face à Boko Haram

Alors que le gouvernement nigerian est impuissant face aux violences du groupe islamiste Boko Haram, le pouvoir multiplie les attaques contre la presse.

Vente de journaux à Lagos. © Pius Utomi Ekpei

Vente de journaux à Lagos. © Pius Utomi Ekpei

Publié le 19 juin 2014 Lecture : 2 minutes.

Désormais, les chaînes de télévision et les stations radio nigérianes ne pourront plus organiser de débat politique en direct de manière impromptue. Il leur faudra en informer la Commission nationale de diffusion (NBC) au moins 48 heures à l’avance. C’est ce qu’a annoncé cette semaine l’organe de régulation de l’audiovisuel du Nigeria.

Dans un communiqué, la NBC explique que cette mesure a été prise pour "contrôler des cas de plus en plus fréquents de traitement non professionel" de débats politiques qui contenaient "des commentaires provocants, qui divisent profondément l’opinion". Sur le site internet de la NBC, il est d’ailleurs possible d’écrire pour dénoncer un programme pas assez professionnel, au nom du "droit à la qualité".

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Vives réactions

Cette annonce a provoqué de vives réactions parmi les journalistes. Pour eux, le président nigérian Goodluck Jonathan et son administration, sous le feu constant des critiques pour n’avoir pas su juguler l’insurrection islamiste qui a fait des milliers de morts depuis cinq ans, cherchent à museler les dissidents.

Il s’agit d’"une censure effrénée, où les médias sont bâillonnés, ce qui va à l’encontre de l’esprit et de la lettre de toutes les lois électorales au Nigeria", a estimé l’Organisation de la presse nigériane (NPO), qui appelle le gouvernement à revenir sur "cette décision odieuse et anti-démocratique".

Plus tôt ce mois-ci, quatre quotidiens et un hebdomadaire nigérians avaient annoncé que leur édition du jour n’avait pu être distribuée dans plusieurs villes du pays, à cause d’une "opération de sécurité" de l’armée visant des véhicules de livraison de journaux.

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Lire aussi >> Opération de l’armée contre les journaux au nom de la sécurité

Deux de ces journaux avaient publié des enquêtes embarrassantes pour les militaires.

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Des restes de la dictature militaire

Cette opération est "une réminiscence de la dictature militaire" ,a dénoncé le journal Punch. faisant référence à la censure imposée aux médias par les dirigeants Ibrahim Babangida et Sani Abacha pendant les années de dictature militaire, du milieu des années 1980 à la fin des années 1990.

L’armée nigériane fait face à des critiques de plus en plus pressantes de l’opinion publique, relayées par les médias, pour son impuissance face à Boko Haram, en particulier depuis l’enlèvement de plus de 200 lycéennes en avril dans le Nord, qui a provoqué l’indignation du monde entier.

À l’approche de la présidentielle de février 2015, ces atteintes à la liberté de la presse sont jugées préoccupantes par Ralph Akinfeleye, le directeur du département de communication de l’Université de Lagos. "Les médias sont l’huile qui lubrifie le moteur de la démocratie, et toute tentative de faire taire les médias serait contre-productive", estime-t-il.

D’autant que si les médias traditionnels sont restreints de façon excessive dans leur couverture de l’actualité, les gens vont se rabattre sur les résaux sociaux, bien moins fiables, avance-t-il.

Le Nigeria est 112e sur 180 pays dans le classement sur la liberté de la presse 2014 réalisé par l’ONG Reporters sans frontières.

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