Angola : « La présidence du MPLA reviendra à Lourenço cette année, après le départ de Dos Santos »
Manuel Domingos Augusto, ministre angolais des Affaires étrangères répond à JA sur les questions de corruption, de diplomatie, de politique intérieure ou sur l’Union africaine, en marge du Sommet de l’Union africaine, qui se tient à Addis Abeba jusqu’au 29 janvier.
Les enjeux du 30e sommet de l’UA : corruption, financement, gouvernance
L’organisation africaine entend accélérer sa réforme lors du sommet qui se tient en Éthiopie jusqu’au 29 janvier. Retrouvez tous nos articles sur ce 30e sommet, qui verra notammen t l’arrivée de Paul Kagame à la présidence de l’UA.
Corruption, diplomatie, politique intérieure, Union africaine… Le nouveau ministre des Affaires étrangères de João Lourenço, élu en août 2017 à la tête de l’Angola, répond à JA en marge du Sommet de l’Union africaine, qui se tient à Addis Abeba jusqu’au 29 janvier.
Jeune Afrique : Le thème 2018 de l’Union africaine (UA) est la lutte contre la corruption. João Lourenço s’est tout de suite fait remarquer sur ce point, en limogeant des membres de la famille de l’ancien président José Eduardo dos Santos…
Manuel Domingos Augusto : C’est une heureuse coïncidence car la lutte contre la corruption est en effet une priorité du président Lourenço. Nous voulons être cohérent et pragmatique. Le président veut mobiliser toute la société angolaise dans ce combat et la législation sera bientôt renforcée.
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Pourtant, l’Angola refuse d’extrader au Portugal son ancien vice-président Manuel Vicente, actuellement jugé à Lisbonne pour des faits de corruption…
Pour nous il en va de la souveraineté nationale. On ne reconnaît pas le droit d’un pays étranger à juger un ressortissant angolais. De plus, il existe un accord judiciaire entre l’Angola et le Portugal qui prévoit un transfert du processus aux instances judiciaires angolaises. Mais leurs homologues portugais ont refusé, arguant qu’ils ne font pas confiance à l’efficacité de notre justice !
Il n’y a pas de problèmes dans nos relations bilatérales avec le Portugal
Entre deux pays qui entretiennent de bonnes relations, c’est au minimum étrange, sinon offensant. Notre constitution protège la justice, et elle ne permet pas non plus l’extradition d’un ressortissant angolais. Les Portugais insistent sur la séparation des pouvoirs chez eux, mais c’est le cas aussi chez nous !
La brouille diplomatique est donc entamée ?
João Lourenço et António Costa, le Premier ministre portugais, se sont rencontrés avant-hier à Davos, il n’y a pas de problèmes dans nos relations bilatérales, sauf ce petit incident qui doit être résolu par le dialogue. Tant qu’il ne le sera pas, il n’y aura pas de visites officielles entre nos deux chefs d’État.
José Eduardo dos Santos est accusé de s’accrocher à la direction du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), contre la volonté de João Lourenço. Qu’en est-il ?
Il y a trop de bruit sur cette question. L’ancien président avait annoncé qu’il quitterait la vie politique en 2018… L’année vient de commencer, jusque-là tout est normal. Il y a une logique de continuité, donc le président Lourenço prendra les rênes du parti quand M. Dos Santos quittera ses fonctions.
Quand exactement cela est-il prévu ?
La direction du parti s’est réunie avant-hier, une autre réunion – la plus importante – aura lieu demain, le 26. Cette question sera probablement abordée. Elle sera présidée par José Eduardo dos Santos et le président Lourenço sera présent, avant de rejoindre Addis Abeba pour la conférence des chefs d’État.
Au sein de l’Union africaine, le président Lourenço va poursuivre la politique de son prédécesseur
La dernière apparition d’un chef d’État angolais à un sommet de l’UA remonte à 2010, à Kampala… Est-ce la marque de la nouvelle politique angolaise au sein de l’organisation ?
Au sein de l’Union africaine, le président Lourenço va poursuivre la politique de son prédécesseur. C’est-à-dire une stratégie d’engagement total avec l’idée d’affirmer de plus en plus l’UA au sein de la gouvernance globale.
Sous l’ancien président, l’Angola a d’ailleurs augmenté sa contribution financière, et le président Lourenço a réaffirmé cet engagement lors de son investiture, et a promis qu’il ferait tout d’un point financier pour être à jour sur ses contributions.
D’un point de vue financier, le président Lourenço soutient-il la taxe de 0,2 % sur les importations pour financer l’organisation ?
La question de la taxe est un détail : il faut juste que les entités chargées de l’expertise technique se mettent d’accord. Mais nous soutenons le principe d’autofinancement de l’UA. Les gens disent que, plus globalement, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) y est réticente. Ce n’est pas vrai, nous sommes tous d’accord sur le principe.
João Lourenço a réaffirmé qu’il soutenait le programme de réformes de Paul Kagame
Mais l’Angola n’a toujours pas mise en place cette taxe…
Nous rejoindrons très vite le processus, mais comprenez que l’an dernier nous étions dans une période d’élection. Le gouvernement n’a que quatre mois, il faut lui laisser du temps.
Et le reste du programme de réformes proposé par Paul Kagame ?
Lorsque la ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, est venue la semaine dernière remettre en main propre une lettre du président Paul Kagame, João Lourenço lui a réaffirmé qu’il soutenait le programme de réformes. Ce sommet sera l’occasion de discuter des détails, comme la manière de limiter les dépenses de l’UA, ou comment adopter une position commune face aux partenaires internationaux… Des détails.
Paul Kagame prendra ses fonctions de président de l’UA à l’issu de ce sommet. Quelles sont les relations entre João Lourenço et le chef de l’État rwandais ?
Nous avons de très bonnes relations avec le Rwanda. João Lourenço s’est d’ailleurs entretenu avec Paul Kagame hier à Davos. Le hasard a fait qu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre, ils ont donc pu discuter et se mettre d’accord sur un certain nombre de choses, dont une visite officielle de notre président au Rwanda très prochainement.
Propos recueillis par Michael Pauron, envoyé spécial à Addis Abeba
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