Football : les clubs algériens n’assurent plus la relève
Ali Fergani, 61 ans, est président de l’Amicale des anciens internationaux de football (AAIF). L’ancien milieu de terrain algérien n’a connu que deux clubs dans sa carrière de joueur : Hussein Dey et la JS Kabylie. Il était le capitaine de l’équipe nationale algérienne, les Fennecs, lors de la Coupe du monde 1982. En Algérie, il a été sélectionneur national (en 1995-1996 et 2004-2005), entraîneur de l’équipe A’ et a dirigé plusieurs clubs (JSK, MC Oran, USM Alger). Il a également entraîné en Tunisie (Béja, La Marsa, US Monastir, Espérance Tunis, CA Bizerte).
L’Algérie est un pays de football. C’est aussi un pays jeune, puisque 75 % de sa population a moins de 25 ans. Il y a ici un formidable vivier. Pourtant, l’Algérie ne forme pas, ou pas bien, ses jeunes footballeurs. C’est un domaine qui a été délaissé ces dernières années, et cela a évidemment des conséquences.
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Tout d’abord, le niveau du championnat algérien est très moyen. Il suffit de regarder les performances de ses clubs dans les coupes d’Afrique. Rares sont ceux qui vont très loin. Par ailleurs, depuis des années, de moins en moins de joueurs algériens partent évoluer en Europe. Hormis Islam Slimani (Sporting Lisbonne, Portugal) et Hillal Soudani (Dinamo Zagreb, Croatie), les exemples sont rares. Ou, alors, certains partent mais reviennent rapidement, ou ne parviennent pas à s’imposer en Europe. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas eu de vraie formation. Et à un moment, cela se paye. Il faut avoir des bases solides pour réussir à un haut niveau.
Je me souviens que dans les années 1970 et 1980 les clubs investissaient beaucoup dans la formation. Si vous prenez l’équipe qui a participé à la Coupe du monde 1982 en Espagne et dont j’étais le capitaine, une nette majorité des joueurs évoluait en Algérie (15 sur 22). Dont moi. J’ai débuté ma carrière à Hussein Dey, un club de la banlieue d’Alger. Parmi les 22 joueurs présents en Espagne, nous étions plusieurs, soit à y avoir été formé, soit à y jouer, comme Rabah Madjer, Chaabane Merzekane, Mahmoud Guendouz, Mustapha Kouici et Yacine Bentalaa.
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Aujourd’hui, si vous prenez la sélection algérienne, il y a très peu de locaux. La plupart des internationaux ont été formés dans des clubs européens, surtout en France, et la tendance ne s’inversera pas tant que les clubs algériens ne décideront pas de mettre des moyens. C’est dommage car en Afrique du Nord, la plupart des autres pays sont en avance sur ce point, comme l’Égypte, le Maroc et la Tunisie, où l’Espérance de Tunis et l’Étoile du sahel sont des clubs formateurs reconnus.
Bien entendu, la fédération ne peut pas se charger de former les jeunes joueurs, mais il faudrait imposer aux clubs d’avoir leur propre centre de formation. En Algérie, il y a de l’argent, et le championnat est officiellement professionnel, même si la gestion des clubs n’est pas très rigoureuse. Or, cet argent va presque toujours à l’équipe senior. Je ne comprends pas pourquoi les clubs algériens délaissent à ce point la formation, qui est pourtant essentiel pour notre football. Un club formateur peut gagner de l’argent en vendant ensuite les joueurs qu’il a formés. Mais il faut d’abord que les clubs se structurent. Certains n’ont même pas de terrain d’entraînement à eux.
Dans certaines régions, le football se meurt, comme du côté d’Annaba. En Kabylie, il y a un gros réservoir de jeunes, et un club comme la JSK pourrait former ses joueurs, avoir une identité kabyle… C’est un exemple parmi d’autres.
Une partie de l’avenir de la formation en Algérie et, donc, de son football, dépend aussi des bonnes volontés. Le cas de l’USM Alger est à mon avis un exemple à suivre. Ali Haddad, son président, veut structurer le club à tous les niveaux. Il met les moyens qu’il faut. Il sait que cela prendra du temps, mais s’il décide de consacrer des ressources à la formation, d’autres clubs le feront. Il faut que les investisseurs comprennent qu’il est important de donner à nos jeunes de bonnes bases. Il en va d’une partie de l’avenir de notre football.
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Propos recueillis par Alexis Billebault
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