Suisse-Afrique : les ports francs, citadelles offshores au cœur de l’Europe ou outil de fluidification des échanges?

Les ports francs de Genève, créés à l’origine pour les échanges de céréales, voient désormais transiter l’or, les diamants et les oeuvres d’art en provenance d’Afrique – et du reste du monde. La persistance de ces enclaves « sous douane » est-elle justifiée, à l’heure de la chasse aux paradis fiscaux ? Le débat est posé.

Vue de Genève. © Patrick Nouhailler/CC/Flickr

Vue de Genève. © Patrick Nouhailler/CC/Flickr

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  • Olivier Caslin

    Spécialiste des transports et des questions économiques multilatérales. Il suit également l’actualité du Burundi, de Djibouti et de Maurice.

Publié le 7 février 2018 Lecture : 2 minutes.

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Depuis leur création en 1849, les ports francs de Genève font rarement parler d’eux, sauf lorsqu’ils défraient la chronique pour des histoires de trafic d’œuvres d’art ou de blanchiment. Sans vraiment provoquer le débat en Suisse. De telles zones « sous douane » existent dans le monde entier. Mais dans la confédération, avec les banques à Zurich et le marché de l’art à Bâle, ces ports francs constituent un « petit écosystème ».

Leurs défenseurs estiment qu’ils fluidifient les échanges de marchandises en évitant le paiement de certaines taxes à l’importation ou à la consommation. « Il s’agit d’une activité parfaitement légale et économiquement utile », estime Stéphane Graber, ancien responsable au sein du canton genevois, devenu secrétaire général du syndicat professionnel des négociants.

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Les autres déplorent que ces ports constituent « une forteresse offshore au cœur de l’Europe », selon l’expression d’un membre de l’ONG Public Eye, installée à Lausanne. L’ex-ministre des Finances français Michel Sapin avait lui-même pointé du doigt ces entrepôts de plusieurs milliers de mètres carrés utilisés en toute discrétion et dans le plus parfait anonymat pour, entre autres, contourner l’impôt.

Du blé aux diamants

Il faut dire que les ports francs genevois ne stockent plus depuis longtemps le blé pour lequel ils sont nés. Leurs coffres-forts aux murs épais renferment aujourd’hui des denrées moins périssables : de l’or, des diamants, des grands crus, des tableaux de maître… Des sources autorisées estiment qu’une fortune de plus de 80 milliards d’euros y serait entreposée. Par le passé, les juges y ont retrouvé des diamants du sang, de l’or sorti clandestinement d’Afrique ou encore des œuvres archéologiques en provenance d’Irak ou de Syrie.

Les conclusions du rapport réalisé en 2014 par l’organisme fédéral de contrôle des finances ont dénoncé l’absence de transparence dans les inventaires et, surtout, le dévoiement d’un système qui s’est transformé en outil d’optimisation fiscale. Au point que les autorités helvétiques ont été contraintes d’intervenir. « Le risque de fraude ou de blanchiment d’argent existe, reconnaît David Hiler, le président du conseil d’administration des Ports francs et entrepôts de Genève (PFEG), qui gère les installations. C’est pour cela que nous renforçons les moyens de contrôle et la traçabilité des marchandises. » Le débat, pourtant, n’est pas clos.

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