Heureux comme un Africain en Suisse ?
La Suisse fait figure d’eldorado pour les milliardaires africains qui cherchent à mettre leur fortune à l’ombre des banques de Zurich. Mais le secret bancaire suisse n’est plus ce qu’il était, et les révélations de type Panama Papers ou Offshor Leaks mettent au jour les magouilles financières.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 7 février 2018 Lecture : 2 minutes.
Grand Format – Suisse-Afrique : un partenariat en or
La confédération entretient un lien particulier avec le précieux métal. Mais pas que. Ses entreprises jouent aussi un rôle non négligeable dans le secteur du cacao ou encore dans celui du pétrole.
La Confédération helvétique n’est pas particulièrement accueillante pour les Africains. Dans sa générosité – et surtout à cause de la raréfaction de sa main-d’œuvre –, elle va augmenter d’un poil son quota d’immigrés hors Union européenne en 2018 : 500 personnes de plus, soit un total annuel de 8 000 individus à se partager avec le reste de la planète. Cela ne fait pas lourd pour les Africains qui rêvent de s’installer dans le plus clean des meilleurs des mondes.
Pour tenter de forcer la porte de ce luxueux bunker, ils peuvent choisir la rude voie de l’immigration illégale. Comme ce Nigérian débarqué clandestinement en 1999 et renvoyé dans son pays l’année suivante, mais revenu en 2003 et aujourd’hui à la tête de la première webtélévision communautaire du pays, soutenue qui plus est par la ville de Berne. Un choix risqué…
Les sages du Groupe d’experts de la confédération prédisent une croissance de 2,3 % en 2018, après 1 % en 2017, grâce à la reprise mondiale et malgré les lubies de Donald Trump. Médiocre ? Oui, vu depuis l’Éthiopie, qui galope à 7 % l’an. Mais une hausse de 2,3 % de beaucoup, c’est tout de même mieux que 7 % de peu, d’autant que le chômage en Suisse devrait chuter à 2,9 %, taux stupéfiant ailleurs sur la planète, a fortiori sur le continent. Sans oublier que le prix astronomique de l’immobilier helvétique devrait se modérer sous l’effet d’une baisse de la demande. Alors, heureux comme un Africain en Suisse ?
Des ressources qui valent de l’or:
Pour relativiser cette image d’eldorado, certains avanceront que le pouvoir d’achat du salarié n’y bougera guère et que l’affaiblissement du franc suisse par rapport aux autres monnaies (– 6 % en 2017) réduira la valeur des envois au village en francs CFA, son petit-cousin, via Western Union. Si l’on n’adopte pas le point de vue du travailleur africain, mais celui du milliardaire nigérian ou de la femme angolaise la plus riche du continent, qui cherchent à mettre leurs sous à l’ombre des banques de Zurich et dans les ports francs de Genève, il est vrai que des nuages pointent là aussi à l’horizon.
Le formidable marché suisse de l’or est de plus en plus transparent, et le « métal des dieux » venu du Burkina Faso ou de Mauritanie y est raffiné sans trucage ni dissimulation. Mieux : à partir de l’automne 2018, le fisc helvétique échange automatiquement des informations bancaires avec ses partenaires étrangers.
On rétorquera que les fiscs de Tunis ou de Victoria (Seychelles) ne sont encore ni très réactifs ni bien équipés pour débusquer les fraudeurs et les « blanchisseurs » de tout poil.
Il n’empêche : les valises de dollars, d’or et de diamants trimballées en Suisse par le Nigérian Abacha ou le Zaïrois Mobutu sont à ranger définitivement au rayon de la préhistoire financière du continent.
Les fortunes africaines qui reviennent à Genève après avoir transité par les sociétés-écrans des paradis fiscaux peuvent se faire du souci à terme. Le secret bancaire helvétique n’est plus ce qu’il était. En plus, plane toujours la menace d’un enquêteur des Paradise Papers ou des Offshore Leaks traquant les magouilles fiscales et financières. Et c’est tant mieux pour le développement du continent.
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