Lee Fields : le miraculé de la soul
Après plus de 47 ans de carrière, le sexagénaire a prouvé samedi, sur la scène de l’Olympia, qu’il avait toujours le feu divin. Rencontre avec un pilier du soul-revival très mystique.
On s’y croirait. Ce samedi 27 janvier 2018, la salle de l’Olympia, à Paris, s’est changée en machine à remonter le temps. Dès les premiers accords de la formation The Expressions, avec sa section cuivre pétaradante et son orgue vintage, nous voilà propulsés loin en arrière, à la fin des années 1960, quelque part sur une grande scène américaine de Détroit ou d’ailleurs.
Costumes bleus parsemés de strass, précision millimétrée, les musiciens chevronnés déroulent le tapis rouge à Lee Fields qui surgit enfin, le visage illuminé d’un gigantesque sourire. Le ténor américain de 67 ans (qui semble avoir la quarantaine) en impose avec sa chemise à jabots et sa veste dorée. « Are you ready to feeling good tonight ? » lance le crooner devant la salle comble – 2000 spectateurs ayant payé leur place entre 40 et 60 euros – avant d’entonner quelques-uns de ses derniers hits, dont le vibrant « Work to do. »
Après plus de 47 ans à arpenter les scènes, et un come-back fracassant au début des années 2000 épaulé par The Expressions, en plein retour de flammes de la soul, les tours de magie du chanteur fonctionnent toujours. Peut-être parce que la générosité de l’artiste reste intacte.
Physiquement, il étonne par sa performance, entre petits pas de danse, accélérations d’un bout à l’autre du plateau, pirouettes, méritant son surnom de « Little James Brown. »
Mais le showman virevoltant donne beaucoup plus : une émotion sincère, âpre, qui charrie à longueur de rimes sont lot de bleus à l’âme et d’amours perdus… et qui fait vibrer la foule à l’unisson. Le petit homme s’impose au fil du concert comme un géant de la soul, l’un des derniers après le décès de Charles Bradley, le 23 septembre 2017.
Croisé de la soul
On se demande où le chanteur va puiser son énergie… et l’on a un début de réponse dans les loges, où il nous accorde un long entretien. Une énorme croix en argent dépassant de son survêtement, affalé sur un canapé, le dernier roi de la soul révèle un profond mystique.
« Je lis la Bible tous les jours, j’en ai toujours une à portée de main », sourit-il avant de lancer comme un avertissement : « The Book is real, it is no joke ! » (« La Bible n’est pas une plaisanterie »). On se souvient alors que sa mère était chanteuse de gospel, et que lui-même a commencé à donner de la voix dans des églises.
On se rappelle aussi qu’au milieu de ses (très) nombreuses chansons d’amour, apparaissent des pépites comme « Money is king » (issu de My world, certainement son meilleur album, sorti en 2009). Ce texte, qu’il a écrit comme la quasi totalité de ses chansons, pourrait aisément passer pour un prêche anti-matérialisme.
https://www.youtube.com/watch?v=NEZ2vuWJaeI
« Mais je ne veux pas être prêtre… je suis juste un croyant qui tente de diffuser le message de Dieu, et un pêcheur comme la plupart des hommes », souligne l’artiste. Quelques soient nos questions, il revient toujours à Dieu.
« On ne voit que le chanteur de rengaines soul, mais je ne suis pas que ça. J’ai décidé depuis quelques temps qu’en entretien je parlerai de spiritualité. Ceux qui veulent m’écouter m’écouteront. »
L’on apprend donc de sa bouche que le Très-Haut, qui est le père de Jésus, mais qui a créé aussi les autres divinités (ainsi que Bouddha) a tout planifié dans l’univers. Son succès, par exemple, était écrit, tout comme l’entretien qu’il nous accorde.
On espère que Dieu a prévu également quelques décennies supplémentaires de carrière pour le fidèle, ce qui lui laisserait le temps d’aller se produire sur le continent africain. « Pour l’instant je n’ai été jouer qu’une fois là-bas, à Casablanca… j’aimerais aller en Afrique subsaharienne, mais je l’on ne m’a jamais invité. » Un petit coup de pouce céleste serait vraiment le bienvenu.
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