Mort de Camille Lepage en Centrafrique : le point en 5 questions sur une enquête qui piétine
Un mois après la mort de la photojournaliste française Camille Lepage, tuée à 26 ans alors qu’elle effectuait un reportage près de Bouar, dans l’ouest de la Centrafrique, l’enquête piétine à Bangui et à Paris. De nombreuses zones d’ombre entourent les circonstances de sa mort. Le point en cinq questions.
Le 13 mai, le président français François Hollande annonçait la mort de Camille Lepage "sans doute tombée dans un guet-apens". Selon Paris, c’est une patrouille de militaires français qui a découvert ce jour-là la dépouille de la photographe lors d’un contrôle sur un véhicule conduit par des miliciens chrétiens anti-balaka. La photographe avait été touchée à la tête par une ou plusieurs balles.
>> Lire aussi : "Camille Lepage, la mort en face"
Le soir du 13 mai, une source militaire française précisait que la journaliste avait été tuée "deux jours" avant, donc le 11 mai. Mais d’autres sources évoquent le 12 mai. "Je ne sais toujours pas si ma fille est morte le 11 ou le 12 mai, j’aimerais bien le savoir", a confié sa mère Maryvonne, à l’AFP. La famille de Camille n’a toujours pas eu le rapport d’autopsie pratiqué à Paris. L’enquête préliminaire de la gendarmerie centrafricaine, que l’AFP a pu consulter, a retenu la date du 12 mai pour le décès.
Camille Lepage avait réalisé un reportage pour Jeune Afrique en décembre 2013. En voici quelques extraits, reproduits avec l’autorisation de son collectif, Hans Lucas.
- Où en est l’enquête à Bangui ?
La gendarmerie centrafricaine a rédigé le 16 mai un rapport de deux pages sur les circonstances de la mort de la journaliste. Dans les jours qui ont suivi, une dizaine de personnes présumées liées de près ou de loin à la mort de Camille Lepage ont été placées en détention provisoire et auditionnées à Bangui. Mais ces auditions "n’ont rien donné", selon une source proche de l’enquête. Et deux des personnes mises sous écrou se sont évadées début juin.
Vendredi 6 juin, le parquet de Bangui a ouvert une information judiciaire pour assassinat, association de malfaiteurs et détention d’armes de guerre. L’enquête a été confiée au doyen des juges d’instruction de Bangui, Yves Kokoyo. "Nous nous transporterons sur les lieux et nous auditionnerons des anti-balaka", a-t-il indiqué.
- Que s’est-il passé avant l’assassinat de Camille Lepage ?
D’après l’enquête préliminaire, Camille Lepage se déplaçait avec Roka Mokom dit "le colonel Rock", un chef anti-balaka, et plusieurs de ses hommes dans une région située entre Bouar, Berberati et la frontière camerounaise. Apprenant qu’un anti-balaka, un dénommé "Marius", avait fait passer des éleveurs peuls musulmans de Centrafrique au Cameroun contre une rançon, le colonel Rock aurait décidé de mener une expédition punitive contre lui, dans le village de Banga-Bombé.
"Marius a subi des actes de torture", est-il écrit dans le rapport. Après cette séance de torture, "le colonel Rock", quatre de ses hommes et Camille Lepage ont été tués à l’entrée d’un village, selon l’enquête préliminaire. Depuis, le dénommé "Marius", peut-être un témoin clé, n’a pas été interrogé. La zone est isolée et il n’y a pas de téléphone.
- Qui a tué Camille Lepage ?
Pour l’heure, cette question reste sans réponse. "Est-ce que Marius", l’anti-balaka qui aurait été torturé par le "colonel Rock" avec qui se trouvait Camille, "avait des hommes sur le terrain qui l’ont vengé ?", se demande une source proche de l’enquête à Bangui. L’hypothèse d’une embuscade tendue par des Séléka et des peuls armés, évoquée par une source de la gendarmerie locale dans les premiers jours suivant le drame, n’est pas écartée, même si le procureur de Bangui en doute. "Les anti-balaka contrôlaient cette zone, il n’y avait quasiment pas de poche Séléka là-bas", a affirmé à l’AFP le procureur Ghislain Grezenguet.
La possibilité même que Camille Lepage ait pu être visée n’est pas non plus écartée, selon une source française. La voiture dans laquelle le cadavre de Camille a été découvert par une patrouille française a été mise sous scellés à Bangui, a constaté l’AFP. C’est un 4×4 blanc sans plaque d’immatriculation. Ce véhicule occupé par des anti-balaka au moment de la découverte du corps par les Français avait été volé à une entreprise par d’ex-rebelles Séléka, selon une source policière.
- Où en est l’enquête côté français ?
Des juges français sont chargés d’une procédure parallèle à Paris. Les forces françaises déployées en Centrafrique se préparent à se rendre sur les lieux du drame pour de premières constatations. Pour l’instant aucun juge ou officier de police judiciaire français n’a pris l’avion pour Bangui.
(Avec AFP)
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