Un dixième anniversaire réussi pour le festival Ciné droit libre de Ouagadougou
La dixième édition du festival Ciné droit libre s’est clôturée samedi soir à Ouagadougou (Burkina Faso). Le film « Sept jours à Kigali », de Mehdi Ba et Jérémy Frey, a reçu le premier prix du jury.
C’est dans une ambiance festive et militante que s’est terminé, samedi 7 juin au soir, la dixième édition du festival Ciné droit libre à Ouagadougou. Sur la quarantaine de films projetés du 1er au 7 juin, c’est le documentaire Sept jours à Kigali, signé Mehdi Ba – également journaliste à Jeune Afrique – et Jérémy Frey qui a reçu le grand prix "Sergio Vieira de Mello" du jury.
Ce film documentaire poignant revient sur la première semaine du génocide rwandais, du 6 au 13 avril 1994. Il tire sa force des témoins interrogés (mère de famille tutsi, génocidaire hutu, journalistes occidentaux, soldats belges…), qui ont tous vécu cette tragédie. "C’est un sujet qui me tient à cœur depuis vingt ans, explique Mehdi Ba. Il y a un vrai déficit de connaissance sur le génocide des Tutsis du Rwanda en Afrique de l’Ouest. Le fait d’être primé dans un festival burkinabè et reconnu comme Ciné droit libre est donc une grande satisfaction, d’autant plus en cette vingtième année de commémoration."
Les Enfants sorciers de Kinshasa, du réalisateur belge Marc Henri Wajnberg, a quant à lui reçu le prix du public ainsi qu’une mention spéciale du jury.
Projection de films, débats, concerts
La remise des prix à l’Institut français de Ouagadougou terminée, les participants se sont une dernière fois regroupés au "village" du festival. Après une rediffusion du film Sankara, l’homme intègre, qui a de nouveau montré l’impressionnante cote de popularité de l’ancien président auprès du public burkinabè, le reggaeman Sana Bob a fait danser les près de 5 000 personnes présentes jusqu’à deux heures du matin.
Selon les organisateurs, environ 40 000 festivaliers ont participé à Ciné droit libre, assistant gratuitement à une projection, à un débat ou à un concert. "Ce dixième anniversaire a été un grand succès, se félicite Abdoulaye Diallo, coordinateur du festival. Pendant une semaine, tout Ouaga a vibré au rythme de Ciné droit libre. La venue de l’ancien président ghanéen, John Jerry Rawlings, pour la cérémonie d’ouverture prouve aussi que nous avons franchi un pas en terme de crédibilité internationale."
Il a par ailleurs été largement question de l’élection présidentielle de 2015 au Burkina Faso. Au pouvoir depuis 27 ans, le président Blaise Compaoré envisage d’organiser un référendum dans les mois à venir pour modifier l’article 37 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Une initiative dont l’opposition ne veut pas entendre parler.
"Non au référendum"
Défendant les droits humains et la liberté d’expression, le festival a servi de caisse de résonnance à la fronde qui monte contre "Blaise". Les différents évènements – concours de débat, réunions publiques – organisés à l’université de Ouagadougou ont démontré l’engagement d’une majorité d’étudiants contre une nouvelle candidature de l’actuel président. Les différents artistes qui ont défilé sur la scène du Village ont également farouchement relayé le message du "Non au référendum". Les Burkinabè et initiateurs du "Balai citoyen" Smockey, Sams K le Jah et Humanist, soutenus par les Sénégalais Keurgui, fondateurs du mouvement "Y’en a marre", ont également rappelé au pensionnaire du palais de Kossyam qu’il faudrait compter sur leur détermination.
"La place du débat d’idées, et inévitablement du débat politique, est centrale dans notre festival, souligne Abdoulaye Diallo. Il faut pousser les gens à s’exprimer, mais aussi à ne rien laisser passer si leurs droits sont menacés." Le chef d’orchestre du festival reconnaît volontiers que l’actualité politique bouillonnante au Burkina a dynamisé cette dixième édition. Et attend déjà avec impatience l’édition 2015 qui, dit-il, "se déroulera forcément dans un contexte particulier"…
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Benjamin Roger, envoyé spécial à Ouagadougou
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