La Tunisie retirée de la liste des pays musulmans par Al-Azhar ?
La rumeur affirmant que les autorités de la mosquée Al-Azhar, en Égypte, avait retiré la Tunisie de la liste des pays musulmans a enflammé la toile la semaine dernière. Si les autorités religieuses égyptiennes ont démenti, cette poussée de fièvre n’est que la dernière d’une longue série.
La position avant-gardiste de la Tunisie notamment, et surtout, en matière de droits et libertés des femmes n’ont pas toujours été du goût des rigoristes exégètes du Coran. Avec une certaine virulence, des cheikhs, un peu partout dans le monde musulman, lancent régulièrement des fatwas contre le mode de vie des Tunisiens.
Depuis la révolution de 2011 et le lancement du processus démocratique après la chute de Ben Ali, le phénomène prend de l’ampleur, et devient récurrent. Aussi, personne ne s’est étonné lorsque les réseaux sociaux ont relayé, mercredi 24 janvier, le fait que la Tunisie aurait été « excommuniée » par Al-Azhar, en Égypte, après que Mohamed Chahat El Jondi, cheikh de l’institution religieuse égyptienne, l’ait accusée de « s’attaquer aux constantes de l’Islam ».
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L’épineuse question de l’héritage
Le cheikh égyptien dénonce l’initiative du président tunisien, Béji Caïd Essebsi, qui voudrait que le principe d’égalité inscrit dans la Constitution s’applique pleinement aux Tunisiennes. Il a chargé, en août 2018, une commission des libertés individuelles et de l’égalité d’examiner les conditions d’octroi aux citoyennes des mêmes droits que leurs homologues masculins avec, notamment, une révision du droit successoral.
Un point sensible auquel Bouguiba s’était heurté à la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP) en 1957, qui dote les Tunisiennes des droits les plus larges dans le monde arabe. Partant du fait que l’héritage était clairement codifié dans le Coran et la sunna, l’opposition sur le principe d’égalité dans l’héritage a été si forte que la question a été remisée.
Aujourd’hui, avec la remise en février du rapport final de la commission, elle est de nouveau d’actualité, tout comme l’abrogation de la dot et la transmission du patronyme de la mère à ses enfants.
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Une vieille rivalité
De quoi alimenter la controverse chez les oulémas d’Al-Azhar qui ont toujours vu d’un mauvais œil les avancées de la Tunisie en matière sociale.
L’imam Ahmed El-Tayeb, qui fait autorité, crie à l’hérésie, fustige depuis le mois d’août Béji Caïd Essebsi et considère que la parité dans l’héritage, le mariage des musulmanes avec des non-musulmans et les droits des homosexuels sont des « attaques contre l’islam» et contraires à la charia islamique.
L’autorité religieuse égyptienne a démenti avoir retiré la Tunisie de la liste des pays musulmans. Mais l’ampleur de la polémique ne s’explique pas uniquement par le précédent que pourrait créer la Tunisie. Elle est aussi due à la rivalité qui a longtemps opposé le pôle religieux et universitaire de la Zitouna, à Tunis, à Al-Azhar qui, paradoxalement, a été fondée par les Fatimides venus de Tunisie en 970.
Comme par atavisme historique, les relations entre Égyptiens et Tunisiens sont souvent à lire à l’aune de cette concurrence. Habib Bourguiba et Gamel Abdel Nasser y ont également contribué en leur temps, en voulant se positionner dans les années 1960 comme leader du monde arabe et des indépendances.
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