L’œil de Glez : Robert Bourgi, tonton flingueur autoproclamé de la politique française

Incarnation des méthodes de la Françafrique, Robert Bourgi fait son show médiatique à l’occasion du premier anniversaire du Penelopegate qui fit dérailler François Fillon lors de la dernière campagne présidentielle française. L’avocat revendique l’orchestration de « l’assassinat politique » du candidat.

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

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Publié le 30 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

Début 2017, manifestement grisé par sa victoire inattendue à la primaire de la droite et du centre, le présidentiable favori des sondages, François Fillon, avait manifestement oublié le sens de l’expression « tailler un costard » : « se moquer de quelqu’un, dire du mal de lui, lui jouer un mauvais tour ». Il ne se méfia pas lorsque Robert Bourgi envoya un tailleur prendre ses mesures, en vue d’un don « désintéressé » de trois costumes, pour la modique somme de 13 000 euros.

Opportunément fuitée dans la presse, l’information conduira le Parquet national financier à accorder aux juges chargés d’une affaire Fillon déjà débutée l’ouverture d’un réquisitoire supplétif contre X pour « trafic d’influence ». Si l’affaire de l’emploi présumé fictif de l’épouse Penelope Fillon aura été le cercueil de la candidature républicaine, celle des costumes en aura été le clou, finissant de semer, dans l’esprit des électeurs, le doute sur le désintéressement de l’ancien Premier ministre réputé moins bling-bling que Nicolas Sarkozy…

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« Appuyer sur la gâchette »

Ce 29 janvier, sur les antennes de la chaîne française BFMTV, Robert Bourgi prétendait avoir ourdi une sorte d’assassinat politique. Il l’avait déjà déclaré au magazine Vanity Fair, en 2017, indiquant alors que le cadeau empoisonné des costumes avait consisté à « appuyer sur la gâchette ». Étonnant anniversaire 2018 où les organes de presse instruisent moins le public sur les suites judiciaires qu’ils n’agitent la nostalgie précoce d’une campagne électorale désarticulée. Dans cette ambiance digne de la saga des Parrains ou de la série Baron noir (dont la saison 2 commençait justement ce lundi), l’avocat français aux origines libano-sénégalaises apparaît comme le personnage le plus truculent qui soit, dézingueur désuet de série B qui, pour toucher un public plus jeune, s’autoproclame « niqueur de Fillon » ; un terme trivial qu’il avait prêté, un temps, à cet ami Nicolas Sarkozy qu’il entendait venger avec les costumes Arnys « empoisonnés ».

Rien de bien nouveau sous le soleil des us « foccartiens », le méchant du jour se plaisant encore à rappeler, au journaliste Jean-Jacques Bourdin, qu’il fut un élève de Jacques Foccart. Non, l’étonnement ne vient pas de la resucée du scénario politique de 2017, ni des incohérences dans le récit de Bourgi. Comme le met en lumière cette référence de l’avocat à son propre curriculum vitae françafricain, il est effarant que des pontes de la droite française aient accordé tant de confiance récente à ce personnage controversé. Au cas où François Fillon aurait omis ce qu’évoque dans l’imaginaire collectif le nom « Bourgi » – des djembés bourrés de liasses occultes à la gestion d’enfants cachés -, il aurait dû garder en mémoire la tendance du porteur de valises à en déverser les souvenirs sur la place publique, via des auteurs comme Pierre Péan ou directement, pour peu qu’il se sente humilié ou simplement délaissé.

Il faudrait mieux enseigner la fable du scorpion et de la grenouille…

Ali Bongo, mais aussi Dominique de Villepin, Jacques Chirac ou Jean-Marie Le Pen auraient pu témoigner que le si-peu-avocat a la rancune tenace et la vengeance froide. Cet acteur médiatique incontrôlable que Karim Wade appelait « tonton » aurait sans doute pu jouer dans Les tontons flingueurs, long-métrage en noir et blanc où l’on se dégommait dans la bonne humeur. Pourtant, pendant toutes ces années, en dépit de condamnations de Robert Bourgi pour diffamation ou dépassement des plafonds de dons aux partis, les hommes politiques français, à l’exception du prudent François Hollande, auraient continué à déjeuner avec lui, Sarkozy allant jusqu’à le décorer de la Légion d’honneur en 2007. Il faudrait mieux enseigner la fable du scorpion et de la grenouille…

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