Procès Al-Jazira : peine maximale requise contre vingt journalistes et employés de la chaîne
Un procureur égyptien a requis jeudi la « peine maximale » contre vingt journalistes et employés de la chaîne qatarie Al-Jazira, dont quatre étrangers, accusés de soutenir les Frères musulmans du président destitué Mohamed Morsi.
La chasse aux sorcières continue en Égypte. Jeudi 5 mai, un tribunal égyptien a requis la "peine maximale" de prison à l’encontre de 20 journalistes. Ils risquent ainsi entre 15 et 25 ans de prison pour "appartenance à une organisation terroriste" – les Frères musulmans -, ou pour "diffusion de fausses nouvelles" en vue de soutenir la confrérie, dans le cas des quatre étrangers cocnernés. Sur les vingt accusés, 9 comparaissent directement, les 11 autres sont jugés par contumace.
"Tout dans ce procès est une honte (…) nous sommes plus mal traités que si nous étions des violeurs et des assassins. Nous sommes des victimes ! ", a lancé le journaliste égypto-Canadien Mohamed Fadel Fahmy, derrière les barreaux de la cage dans laquelle il a été présenté à la cour criminelle du Caire
Journalistes en cage
Mohamed Fadel Fahmy et son collègue australien Peter Greste, détenus depuis cinq mois, apparaissent à chaque audience derrière ce grillage aux côtés de leurs sept co-accusés détenus. Certains d’entre eux sont encore étudiants et assurent n’avoir collaboré que ponctuellement avec Al-Jazira.
"Nous réclamons que le tribunal leur inflige la peine maximale pour punir les crimes abominables qu’ils ont commis, sans pitié ni compassion", s’est exclamé le procureur, Mohamed Barakat. "Un jugement clément, pour de tels individus, plongerait la société entière dans l’obscurité", a-t-il ajouté, en concluant à propos de la chaîne qatarie qu’elle était "maîtresse dans l’art de la fraude".
Mohamed Fadel Fahmy était le chef du bureau d’Al-Jazira avant que la chaîne ne soit interdite. Bien qu’ayant la double nationalité, il est jugé en tant qu’Égyptien. La justice refuse de reconnaître la double nationalité de toute personne mise en cause sur son territoire. Les trois autres journalistes étrangers -deux Britanniques et une Néerlandaise- travaillant partiellement pour la chaîne d’information qatarie avaient fui l’Égypte après les premières arrestations.
Selon l’un des avocats de la défense, Yousri al-Sayyid, "ce procès ternit la réputation" du pays. Ces lourdes réquisitions surviennent en pleine vague d’une implacable et sanglante répression des pro-Morsi, le président destitué issu des Frères musulmans.L’ancien chef de l’armée Abdel Fattah al-Sissi a été élu triomphalement lors du scrutin des 26, 27 et 28 mai, après avoir éliminé toute opposition de la scène politique -essentiellement les Frères musulmans. Le 4 juin, il a été proclamé vainqueur avec 96,9% des sufrages exprimés. Ce maréchal à la retraite dirigeait déjà de facto le pays depuis le 3 juillet 2013. Il avait chassé du pouvoir son prédécesseur, M. Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte, en le faisant arrêter.
Après la fermeture des locaux d’Al-Jazira par les autorités egyptiennes, Greste et Fahmy avaient dû transformer une chambre d’hôtel au Caire en bureau afin de continuer à suivre les évènements, sans l’accréditation obligatoire pour tous les médias. C’est là qu’ils étaient lorsque la police est venue les cueillir.
"Porte-voix du Qatar"
"Être en possession de vidéos et de photos de manifestations anti-gouvernementales est quelque chose de normal pour tout journaliste. Si l’on juge Mohamed Fahmy pour cela, alors il faut faire un procès à tous les journalistes présents dans la salle", a lancé l’avocat Khaled Abou Bakr. Les accusés dénoncent régulièrement un procès "inique" et "politique" et des preuves "totalement fabriquées". Ils sont soutenus dans le monde entier, une campagne proclamant que "le journalisme n’est pas un crime" ayant été lancée par plusieurs médias.
L’Égypte considère Al-Jazira comme le porte-voix du Qatar. Le nouveau pouvoir égyptien reproche à l’émirat de soutenir les Frères musulmans, tandis que Doha dénonce ouvertement la répression contre les pro-Morsi. La prochaine audience du procès a été fixée au 16 juin.
(Avec AFP)
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