Cyclisme – Rwanda : « Nous avons le soutien de l’État et du public »
C’est un Rwandais qui a remporté en janvier 2018 une des courses les plus fameuses du continent, la Tropicale Amissa Bongo, au Gabon. Un symbole pour ceux qui ont décidé de faire du cyclisme le sport national rwandais par excellence, autant qu’une vitrine à l’étranger, comme Aimable Bayingana, président de la Fédération rwandaise de cyclisme.
Pendant quelques jours, Aimable Bayingana a remplacé sa « photo de profil » WhatsApp par un cliché de Joseph Areruya, jeune coureur rwandais qui a emporté ce 22 janvier, à tout juste 22 ans, la Tropicale Amissa Bongo sous les couleurs rwandaises, conservant son maillot jaune de la quatrième à la dernière étape. Bayingana s’enorgueillit de connaître tous les coureurs nationaux, « leur nom et leur visage ».
Président de la Fédération rwandaise de cyclisme (Ferwacy) depuis dix ans, membre du comité directeur de la Confédération africaine de cyclisme, il est par ailleurs directeur de communication du Front patriotique rwandais (FPR), parti au pouvoir à Kigali. Avec un ton oscillant entre celui du fonctionnaire patriote et celui du commentateur passionné par le coup de pédales, il sonde l’actualité du cyclisme rwandais.
D’ici trois ans, je vois Joseph Areruya sur de grands tours comme le Tour de France
Visage de la récente volonté rwandaise de hisser le cyclisme au rang de « sport national » et d’en user pour affirmer le soft power rwandais sur le continent, il place au centre du dispositif un événement, le Tour du Rwanda, créé en 1989, et un lieu, le centre de formation dans le nord du pays, sur un terrain mis à disposition par l’État.
Jeune Afrique : Que représente pour vous la victoire de Joseph Areruya ?
Aimable Bayingana : La victoire d’Areruya représente dix ans de travail de la Fédération. Areruya a été découvert par nos programmes de détection de talents. Ce même programme qui a permis de découvrir Valens Ndayisenga, vainqueur du Tour du Rwanda en 2014 et 2016, Jean Bosco Nsengimana, vainqueur du Tour en 2015, ou encore Hadi Janvier, médaille d’or aux Jeux africains de Brazzaville…
>>> A LIRE – Comment le Gabon est devenu un laboratoire du cyclisme africain
Cela fait dix ans maintenant que Jonathan Boyer, premier américain à courir le Tour de France, est venu nous aider à trouver, former et équiper les talents rwandais conformément à notre vision et notre volonté de faire de cette discipline une pièce maîtresse de notre action dans le domaine sportif.
Prédisez-vous un bel avenir à Joseph Areruya ?
Je connais ce jeune coureur depuis que son talent a été « détecté ». Il est d’ailleurs le fils d’un ancien coureur talentueux. Joseph Areruya a un bel avenir devant lui. Gagner une course de cette ampleur à son âge est rare et s’il continue sur cette lancée, je le vois évoluer d’ici trois ans sur de grands tours comme le Tour de France.
Ces victoires favorisent-elles l’intérêt du public rwandais ?
Bien sûr, les récentes performances de nos coureurs, comme celle d’Areruya mais pas seulement, attirent le regard de toujours plus de spectateurs. Pour preuve, chaque année, des millions de Rwandais sont massés sur le bord des routes à l’occasion du Tour du Rwanda.
Nous bénéficions de sponsors variés, nationaux et internationaux, notamment américains
Les entreprises rwandaises sont-elles sensibles au cyclisme, un sport qui attire de nombreux sponsors ?
Les entreprises privées comme publiques soutiennent avant tout le Tour du Rwanda. Le Rwanda Development Board [RDB, puissante agence nationale en charge de la promotion des investissements, ndlr] soutient aussi le Tour : il facilite sa diffusion sur les chaînes internationales comme Canal+, et surtout la populaire Supersport d’Afrique du Sud, regardée dans toute l’Afrique anglophone. Nous bénéficions de sponsors variés, nationaux et internationaux, notamment américains.
L’État rwandais soutient-il l’éclosion de ce sport ?
Je peux dire que nous jouissons du soutien du président Paul Kagamé. Le gouvernement ne lésine pas sur les moyens pour nous soutenir.
Quel est le secret de la réussite rwandaise en matière de cyclisme ?
Il y a beaucoup de données et encore du chemin à faire. Mais au centre de notre dispositif, il y a un centre d’entraînement. Parmi les meilleurs du continent, si ce n’est le meilleur : l’Africa Rising Cycling Center, situé à Musanze, dans le Nord. Il est concentré sur l’entraînement des coureurs rwandais mais accueille également les sportifs africains intéressés.
Le Tour est déjà la course cycliste la plus spectaculaire du continent
Nous avons déjà ouvert nos portes à des sportifs de Tanzanie, d’Ouganda, du Kenya, de République démocratique du Congo, du Burundi… Et dans ce centre, nous nous employons à promouvoir le cyclisme comme secteur : nous y formons des masseurs et des mécaniciens et nous testons l’intérêt du vélo pour le tourisme. Le centre est situé dans une zone touristique et nous y louons des vélos et formons des guides pour ballades touristiques.
Le Tour du Rwanda est au centre de votre vision. Est-il appelé à évoluer ?
Bien sûr. Le Tour est déjà la course cycliste la plus spectaculaire du continent. Le relief du Rwanda y est pour quelque chose. C’est la vitrine de nos efforts et l’occasion pour les visiteurs de découvrir un Rwanda en voie de développement. Mais il est appelé à se transformer : aujourd’hui, il est classé dans la catégorie « 2.2 » de l’Union cycliste internationale.
En Afrique, seule la Tropicale Amissa Bongo est de catégorie « 2.1 », mais en 2019, le Tour du Rwanda sera lui aussi porté à cette catégorie. En attendant, nous espérons que les visiteurs seront nombreux aux Championnats africains de cyclisme sur route, organisés à Kigali au mois de février 2018.
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