Élections locales en Guinée : « 80 % des cartes d’électeurs ont été retirées »

Sans cesse reportées depuis 2010, les élections communales se tiendront finalement ce dimanche 4 février. Dans un entretien exclusif à Jeune Afrique, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Me Salif Kébé, assure que les conditions d’un bon déroulement du scrutin sont réunies.

Des électeurs attendent pour voter dans l’un des bureaux de la commune de Matam, en Guinée, en 2013 (photo d’illustration). © Émilie Raignier pour Jeune Afrique

Des électeurs attendent pour voter dans l’un des bureaux de la commune de Matam, en Guinée, en 2013 (photo d’illustration). © Émilie Raignier pour Jeune Afrique

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Publié le 31 janvier 2018 Lecture : 5 minutes.

À la vieille des élections locales qui se tiennent ce dimanche 4 février, Me Salif Kébé, président de la Ceni (le cinquième à occuper ce poste depuis 2010), revient pour Jeune Afrique sur les principaux enjeux logistiques de ce scrutin attendu de longue date.

Il assure que le budget a bel et bien été abondé pour permettre l’organisation de l’élection, se félicite de la mobilisation citoyenne – il assure que les électeurs se déplacent en masse pour récupérer leurs cartes – et réponds à quelques-unes des inquiétudes exprimées par les partis en lice, notamment sur la visibilité des logos et sigles sur les listes de vote.

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Jeune Afrique : À J-5, la CENI est-elle prête pour les communales ?

Salif Kébé : On est prêt. Tout ce que nous avons prévu jusque-là est en train de se dérouler dans les délais impartis, de la manière que l’on a prévu.

Jusqu’à présent, nous n’avons pas de problème majeur qui bloquerait le processus, tant sur le plan financier, technique, de la mobilisation ou encore de la formation des personnes et de la sécurisation des lieux de vote. Tout se déroule de sorte que nous atteignions notre objectif le 4 février.

Les difficultés liées au décaissement du budget ont-elles été réglées ?

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En réalité, à l’interne, nous savions que ce problème n’en était pas un. Ce qui vous est destiné lundi à dix-sept heures, si vous l’avez mardi à huit-heures, c’est dans le délai. Il n’y a pas eu beaucoup de problèmes – et j’en profite pour remercier le gouvernement qui a pris les dispositions idoines pour que l’on ait l’intégralité du budget alloué aux élections. A un mois du scrutin, tout le budget était viré dans le compte de la Ceni.

À combien s’élève-t-il ?

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A 350 milliards de francs guinéens (environ 31 295 089 d’euros).

Décompte des procès verbaux à la mairie de Matam, lors du scrutin de 2013 en Guinée. © Émilie Raignier pour Jeune Afrique

Décompte des procès verbaux à la mairie de Matam, lors du scrutin de 2013 en Guinée. © Émilie Raignier pour Jeune Afrique

 Notre pays compte 224 magistrats de l’ordre judiciaire, alors que 342 sont nécessaires pour couvrir toutes les circonscriptions

Les bulletins de vote ont-ils d’ores et déjà été acheminés ? 

Nous avons à pourvoir 342 circonscriptions électorales, avec des bulletins différents. À ce jour, tous les bulletins sont arrivés dans toutes les communes urbaines. Le dispatching continue dans les communes rurales, les districts, quartiers et secteurs. Chaque entité aura son bureau ou son groupe de bureaux de vote avant dimanche.

Pour cela, nous avons travaillé avec des professionnels sud-africains sur la base d’un contrat cadre qui nous lie depuis 2010. Quatre de nos techniciens sont partis en Afrique du Sud pour la confection des bulletins qui ont été convoyés à Conakry par deux cargos. Au total, 1 300 listes de candidatures seront en compétition.

Il  n’y a pas assez de magistrats pour présider les commissions de centralisation des votes. Comment allez-vous régler ce problème ? 

C’est vrai que la loi prévoit que les magistrats président les commissions administratives de centralisation des votes. Notre pays compte 224 magistrats de l’ordre judiciaire, alors que 342 sont nécessaires pour couvrir toutes les circonscriptions.

La Cour suprême met les magistrats à notre disposition, avec des propositions d’affectation que nous validons. Vu la proximité de certaines communes, un magistrat peut présider deux commissions administratives de centralisation.

Surtout qu’il n’est pas seul : il est assisté d’un administrateur territorial comme vice-président, d’un rapporteur désigné par la Ceni et de deux autres assesseurs choisis parmi les partis en lice.

Le magistrat peut être à cheval entre deux petites communes pour gérer les résultats. Nous sommes en train d’entériner cette proposition de la Cour suprême et de procéder à la formation dans ce sens. Cela entraîne de moyens de déplacement, de logistique et de sécurité qui ont été mis à notre disposition.

Il y a également la problématique des logos qui se ressemblent entre plusieurs listes, notamment entre les listes UFDG et celles du Renouveau de l’ancien vice-président exclu du parti, Bah Oury. Cela peut perturber le vote. Comment allez-vous trancher cette question ?

C’est nous qui avons soulevé le problème, aucun parti ne l’avait fait. Vous avez un parti légalement constitué qui a présenté des listes dans plusieurs circonscriptions, mais les éléments obligatoires : le sigle, le logo, étaient différents d’une circonscription à l’autre. Un même parti qui présente des demandes dans dix circonscriptions différentes avec dix logos différents.

Nous avons attiré l’attention des partis politiques sur la question. Jusqu’après le délai de dépôt des candidatures, nous n’avons enregistré aucune réclamation.

Du jour au lendemain, l’UFDG [Union des forces démocratiques de Guinée, principal parti d’opposition, NDLR] nous a remonté l’information selon laquelle la liste Renouveau de M. Bah Oury [ancien vice-président exclu de l’UFDG, NDLR] a un logo semblable au sien.

Nous avons examiné la question à l’arrivée des spécimens : le logo du Renouveau représente un arbre et une colombe. Or, celui de l’UFDG, c’est un baobab massif, derrière lequel on voit s’élever le soleil. Le sigle UFDG est incrusté dans l’arbre. A l’unanimité, nous avons conclu que les deux logos ne sauraient nullement être confondus.

Il est reproché également au parti au pouvoir le RPG Arc-en-ciel de ne pas présenter de tête de liste, ni de photo de candidat. Qu’en est-il ?

Il y a la perception publique et le contenu de la loi. La photo ne fait pas partie des éléments obligatoires à paraître sur le bulletin. La photo est un avantage accordé aux partis pour plus de visibilité. Chacun peut présenter son champion pour l’adhésion des militants en raison de sa popularité.

Mais c’est un scrutin de liste correspondant au nombre de conseillers à élire. Personne n’est obligé de désigner une tête de liste. Que le RPG demande à mettre à la place de photo le logo, c’est son droit.

Me Salif Kébé, ancien président de la Ceni de Guinée, en janvier 2018. © Diawo Barry pour JA

Me Salif Kébé, ancien président de la Ceni de Guinée, en janvier 2018. © Diawo Barry pour JA

Il y a un problème dans notre pays : c’est l’opposition farouche de la classe politique à l’utilisation de la technologie

Où en est le processus de retrait des cartes d’électeurs ?

Pour ce scrutin, nos populations agissent avec beaucoup de responsabilité. Nous sommes à environ 80 % de cartes d’électeurs retirées.

La Ceni a toujours publié les résultats des élections en retard. Pourquoi ? Peut-on espérer une publication plus rapide, cette fois ?

Tout sera mis en œuvre pour éviter tout retard dans la publication des résultats. Il y a un problème dans notre pays qui commence à perdurer, je compte rencontrer les acteurs après ces élections pour y trouver solution : c’est l’opposition farouche de la classe politique, toute tendance confondue, à l’utilisation de la technologie dans la remontée des résultats.

Cela est dû au manque de confiance entre les acteurs politiques et l’organe chargé d’organiser les élections. Si dans certains pays huit heures ou cinq heures après les élections, les résultats sont connus ce n’est pas de la sorcellerie, mais grâce à la technologie.

Et on peut l’acquérir. Imaginez qu’il y a des endroits situés à 1000 km de Conakry. Et il faut traverser tout le pays pour ramener les résultats. Il y a des communes qui ont plus d’un million d’électeurs, plus de mille bureaux de vote… Pour que quelques individus examinent procès-verbal de vote par procès-verbal, réunir tout cela et prendre la route… cela prend du temps.

Le retard est dû à cela, et non à un quelconque manque de volonté. Je fais le nécessaire pour ne pas qu’on accuse de retard. Mais si un véhicule tombe en panne en pleine brousse, nous serons en retard.

Nous ne serons néanmoins pas obligés d’attendre les résultats des 342 circonscriptions pour les annoncer en même temps. Nous pouvons les proclamer au fur et à mesure.

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