Musique : Williams Brutus, retour à la source haïtienne
Le chanteur et guitariste d’origine haïtienne, adopté en France, lance un premier album solo aux couleurs afropop, « L’Éstère », marqué par son retour au pays natal.
Qui comprendra hors d’Haïti le titre de son disque ? L’Éstère est le nom de la petit ville dans laquelle Williams Brutus est né, il y a 32 ans. C’est aussi celui de la rivière qui la traverse, et dans laquelle il a puisé une partie de son inspiration quand il s’est décidé, en 2014, à revenir dans ce bout d’île de la mer des Caraïbes.
Pourquoi ce retour ? Peut-être avait-il besoin de faire le point sur lui-même, alors que son duo dans le groupe de chanson acoustique SAÏ prenait fin.
Peut-être aussi voulait-il affronter un passé tenu longtemps à distance. Celui d’un petit garçon arraché à l’orphelinat pour être adopté dans une famille française à Mâcon, dans l’est de l’Hexagone.
En tout cas, ce retour aux sources était aussi nécessaire que perturbant. « J’ai retrouvé de la famille… une sœur, un oncle, deux cousines. Mes parents ont disparu dans les années 1990, mais j’ai compris pourquoi ma mère, qui élevait seule ses trois enfants dans une extrême pauvreté, a dû m’abandonner… »
L’atterrissage en France n’est pas forcément plus aisé : « Je me demandais pourquoi j’avais été épargné et pas eux… je me sentais fautif, ça m’a valu quelques séances de psy. »
Yoruba en phonétique
Le virage musical pris par le trentenaire suite à cet épisode haïtien est en tout cas impressionnant. Dans une palette de styles assez large (reggae, world, ballade…), mais unifié par la belle voix enrayée du chanteur aux interminables dreadlocks, l’album joue l’efficacité sans jamais céder à la facilité.
Et si Haïti n’apparaît pas directement dans les paroles, Williams Brutus convoque son héritage africain. Comme dans la chanson qui clôt l’album, « African Dream », évoquant le rêve brisé qui attend beaucoup de migrants au nord… en yoruba !
« C’est un vieil ami qui m’a écrit les paroles. Je ne comprends pas la langue, je chante donc tout en phonétique », révèle l’artiste dans un large sourire. Sur le titre « Dilé », également en yoruba, l’artiste a invité un joueur de kora, « un musicien de rue originaire du Mali avec qui j’ai discuté à Dijon et fini par sympathiser. »
On ne doute pas de la capacité de cet enthousiaste, débordant de vibrations positives, à se connecter aux autres artistes (le rappeur américain Beat Assaillant apparaît d’ailleurs sur l’album) et styles musicaux. En témoignant la reprise ska surprenante de « Girls just want to have fun »… très éloignée de celle de Cindy Lauper.
Un deuxième album solo est déjà planifié, début 2019. Et cette fois, Williams Brutus veut s’essayer au kompa, ce genre musical qui fait swinguer Haïti depuis plus d’un demi-siècle. L’artiste a trouvé la source, il veut maintenant durablement s’y baigner.
L’Éstère, de Williams Brutus, Garvey Drive Records / Musicast, 9,99 euros en digital.
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