Union africaine : le Maroc impatient de se faire remarquer

Un an après son adhésion à l’Union africaine (UA), le Maroc commence à jouer un rôle significatif, analyse Liesl Louw-Vaudran, consultante senior chargée du Programme paix et sécurité à l’Institut des études pour la sécurité (ISS) à Pretoria.

Les chefs d’État africains lors du 30e sommet de l’Union africaine (UA) les 28 et 29 janvier 2018 à Addis-Abeba. © Mulugeta Ayene/AP/SIPA

Les chefs d’État africains lors du 30e sommet de l’Union africaine (UA) les 28 et 29 janvier 2018 à Addis-Abeba. © Mulugeta Ayene/AP/SIPA

Liesl Louw-vaudran
  • Liesl Louw-Vaudran

    Consultante Senior chargée du Programme paix et sécurité à l’Institut des études pour la sécurité (ISS) à Pretoria

Publié le 2 février 2018 Lecture : 3 minutes.

À l’entrée du siège de l’UA, où s’est tenu le 30e sommet des chefs d’État et de gouvernement, les 28 et 29 janvier, le royaume a organisé une exposition historique mettant en scène sa contribution aux opérations de maintien de la paix en Afrique, ainsi que ses actions humanitaires au cours des dernières décennies.

Ces derniers mois, les responsables marocains ont multiplié les visites au siège de l’UA. En janvier, ils ont organisé une grande réunion sur la migration à Rabat. Parallèlement, ils ont intensifié leur lobbying auprès des plus importants pays membres de l’UA. Lobbying qui a porté ses fruits avec l’élection du Maroc au Conseil de paix et de sécurité (CPS), le 26 janvier.

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Le CPS est l’une des plus importantes instances de l’UA. Elle délibère et prend des décisions concernant la gestion des conflits en Afrique, dont celui du Sahara occidental, sous-administration marocaine mais dont le Front Polisario revendique l’indépendance. Selon certains responsables, le Maroc a l’intention de réformer les méthodes de travail du CPS – qui comprend 15 membres – et dont les décisions ne sont pas toujours suivies d’effets.

Stratégie de rassemblement

Toutefois, force est de constater que le royaume se montre impatient dans sa façon d’agir. L’UA est une organisation de 55 membres, répartis en cinq régions très différentes les unes des autres, y compris au niveau des sensibilités. C’est aussi une organisation qui a l’habitude de recourir systématiquement au consensus. Tous ces éléments obligent le pays de Mohammed VI à rassembler au-delà de ses soutiens traditionnels s’il veut vraiment atteindre ses objectifs.

Aujourd’hui, le Maroc veut marquer l’UA de son empreinte, mais sa démarche nourrit des réserves

Bien qu’il ait intégré le groupe des contributeurs majeurs au budget de l’organisation, le Maroc reste la cinquième économie du continent après l’Égypte, le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Algérie, arrivant juste devant l’Angola.

L’exemple de l’Afrique du Sud qui a intégré l’Organisation de l’union africaine (OUA, ancêtre de l’UA) en 1994 est édifiant. Il a fallu près de cinq ans et l’accession de Thabo Mbeki au pouvoir pour que le pays, poids lourd du continent, s’impose dans l’organisation continentale. À côté du Nigérian Olusegun Obasanjo et de l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, Mbeki a été l’un des architectes de la transformation de l’OUA en Union africaine. Déjà à l’époque, l’Afrique du Sud était très critiquée pour son « arrogance » et son côté « donneur de leçons », alors qu’elle ne maîtrisait pas vraiment le fonctionnement de l’organisation.

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Premières réserves

Aujourd’hui, le Maroc veut marquer l’UA de son empreinte, mais sa démarche nourrit des réserves. En 2017, il a choqué plus d’un – surtout en Afrique australe – avec ses actions contre la République arabe sahraouie démocratique (RASD), notamment lors d’une réunion au Mozambique entre les pays africains et le Japon (dans le cadre de la TICAD).

Lors de cette rencontre, des responsables du Polisario ont été empêchés d’entrer dans la salle par la délégation marocaine. Cette stratégie de boycott n’est pas judicieuse. Par ailleurs, les bruits selon lesquels le Maroc veut faire expulser la RASD de l’organisation peuvent écorner son image alors même que certains de ses alliés désapprouvent une telle stratégie.

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Cela dit, la participation du roi du Maroc au sommet UA-Union européenne d’Abidjan en novembre dernier, où le représentant sahraoui était également présent, constitue un bon signe pour l’avenir de ce type de sommets avec des partenaires extérieurs. S’ajoute à cela, le rapprochement qui a eu lieu récemment entre le Maroc et l’Afrique du Sud et pendant lequel le président, Jacob Zuma, avait évoqué un éventuel échange d’ambassadeurs entre les deux pays – pour rappel, le Maroc n’a plus d’ambassadeur en Afrique du Sud depuis la reconnaissance par ce dernier de la RASD en 2004.

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