Bénin : l’administration fiscale confirme les redressements contre Sébastien Ajavon
Depuis le 26 janvier 2018, les trois sociétés de l’homme d’affaires, au cœur d’un vaste trafic d’évasion fiscale, ont reçu une confirmation des redressements fiscaux mis à leurs charges en 2017. Sébastien Ajavon devra payer près de 155 milliards de FCFA.
155 797 277 844 FCFA. C’est la somme infligée par le fisc aux trois sociétés de Sébastien Ajavon (Comon SA, JLR et SCI l’Elite), à la suite de « contrôles sur pièces », effectués sur les exercices 2014, 2015 et 2016 par une équipe de cinq inspecteurs ayant épluché les comptes entre mai et août 2017.
L’affaire avait fait grand bruit en 2017 et l’homme d’affaires béninois avait menacé de déférer le dossier devant la justice. Mais avant de ne pouvoir le faire, le code général des impôts du Bénin lui avait imposé d’engager devant une commission une procédure précontentieuse, en lui laissant un délai de 30 jours (article 1085-A du code).
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De sources proches de l’administration fiscale, Sébastien Ajavon a fait parvenir ses observations trop tard : alors que la notification des redressements lui a été faite le 14 août 2017, l’homme d’affaires a réagi à travers trois correspondances, dont notamment deux envoyées le 28 septembre 2017 et le 16 janvier 2018. Des délais qui ne laissent aucune marge de manœuvre au fisc, si ce n’est de prononcer sa forclusion.
Malgré cela, Sébastien Ajavon peut toujours saisir la justice. Selon les textes, il sera néanmoins obligé de payer 25 % des sommes confirmées par l’administration.
« Aucune chance » d’inverser la situation
Même si ses prétentions avaient été recevables, le roi de la volaille n’avait « aucune chance » d’inverser la situation en sa faveur, selon ces sources, en raison du caractère « très sérieux » des malversations relevées : « défaut de présentation de livres comptables », « défaut de représentations de factures de ventes », « existence de magasins fictifs créés dans le logiciel de tenue des stocks de marchandises », « minoration des marges commerciales et de l’actif par montage », « évasion fiscale », etc.
Les inspecteurs avaient par exemple décelé des pratiques suspectes entre les sociétés d’Ajavon et CASCO, une société de droit français dirigée par Violette Djidjoho, qui n’est autre que la directrice administrative et financière des sociétés de l’homme d’affaires béninois.
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Lors des contrôles effectués dans la société SCI l’Elite, d’importants mouvements de « fonds offshore » ont été découverts, et les employés de cette société n’ont pu les « justifier ». Ces transferts visent à « échapper au fisc », selon un inspecteur qui a souhaité rester anonyme. Une des sociétés du groupe ayant réalisé en 2016 un chiffre d’affaires de 110 milliards de FCFA n’a ainsi liquidé que 600 millions d’impôt, d’après sa liasse fiscale disponible à l’Institut national de la statistique appliquée à l’économie (INSAE).
Des précédents
Ce n’est pas la première fois que Sébastien Ajavon est confronté à un redressement fiscal au Bénin. En 2012, il avait déjà subi une telle procédure à hauteur de 35 milliards de francs CFA, concernant le paiement de la TVA. En 2012, comme en 2017, il avait alors crié à la « persécution politique ».
Classée 3e à l’issue de la présidentielle de 2016, dont il avait soutenu, lors du second tour, l’actuel président Patrice Talon, la deuxième fortune du Bénin selon le classement Forbes en 2015 n’avait finalement rien versé dans les caisses publiques en 2012, suite à une médiation du clergé catholique, dont il est très proche.
Difficile d’imaginer aujourd’hui un tel cas de figure avec le régime de Talon, notoirement considéré à Cotonou comme irréconciliable avec le magnat de la chaîne de distribution du poulet au Bénin.
Suite à la publication de cet article, la cellule communication de Sébastien Ajavon nous a adressé la mise au point suivante :
L’administration fiscale béninoise se dédit pour s’acharner contre Sébastien Ajavon
« Le mardi 30 janvier 2018 – et non le 26 janvier -, les sociétés JLR, SCI L’ELITE et COMON SA ont reçu trois confirmations de redressement qui marquent l’épilogue d’un long feuilleton mal scénarisé, commencé depuis le mois d’avril 2017.
L’administration fiscale avait séjourné pendant quatre longs mois dans les locaux des entreprises visées, à Djeffa, à l’est de Cotonou. D’avril à août 2017, elle a eu l’appui sans réserve de tous les services des entreprises de Sébastien AJAVON. L’administration en témoigne dans la notification de redressement fiscal adressée le 16 août 2017 – et non le 14 août.
Trois évidences à relever : l’irrecevabilité décrétée est fantaisiste ; aucune condamnation définitive ; les prétendus « précédents » évoqués sont faux..
Les délais ont été respectés
Le Code général des impôts du Bénin accorde un délai maximum de 30 jours aux contribuables pour adresser leurs observations suite à une notification de redressement fiscal. Dans le cas d’espèce, la notification, sur la foi des documents, a été faite le 16 août 2017. Et les sociétés en cause ont fourni leurs observations, par exploit d’huissier, le 15 septembre 2017. Soit au 30ème jour. Délai respecté, donc. Nul ne peut contester le travail d’un huissier en la matière.
Par la suite, l’administration fiscale a sollicité des informations complémentaires qu’elle a obtenues toujours sans réserve des sociétés mises en cause.
Il y a lieu alors de s’interroger : quels documents sont irrecevables ? Ceux déposés dans les délais par exploit d’huissier ou les informations complémentaires sollicitées ? Pourquoi l’administration fiscale proroge le délai de réponse pour étudier des dossiers qui, s’ils sont réputés irrecevables, devraient déjà l’être au moment du dépôt ?
Une administration fiscale aux abois
L’administration qui s’est trouvée dans l’incapacité de démonter les arguments des sociétés n’a trouvé aucune porte de sortie que de décréter une irrecevabilité. Plus curieux, elle a indiqué par écrit qu’elle prorogeait le délai de trois mois comme le lui accorde le Code des impôts afin d’« étudier les observations ». Le recours à l’irrecevabilité apparaît clairement comme une décision politique, plutôt que financière et juridique. L’acharnement est patent.
Une communication médiatique vient en support pour accréditer ce choix politique de l’administration. On décrète qu’il n’existe plus « aucune chance de renverser la situation » pour les sociétés en cause. Or la confirmation d’un redressement n’a jamais été la fin d’une procédure en cette matière.
La situation n’est rendue définitive que par décision judiciaire de dernier degré. Ce qui n’est pas le cas ici. Le Bénin reste un État de droit, malgré tout.
De faux précédents évoqués
La même démarche accusatoire d’un adversaire politique a conduit à parler d’un précédent de redressement de 35 milliards en 2012 et d’une prétendue intervention du clergé catholique. Une pure invention. Ce fut une affaire jugée en dernier ressort par la Cour Suprême qui a donné raison à Sébastien Ajavon contre l’État béninois.
L’hypothèse de l’acharnement confirmée
Le redressement fiscal qui vient d’être confirmé repose sur une erreur monumentale volontaire de l’administration fiscale. N’ayant pu rien retenir contre les sociétés que dirigeait Sébastien Ajavon, l’administration choisit la période de pointe (du 02 au 09 janvier) et un taux de marge sorti de nulle part (66%). Elle décide que les résultats des sociétés ont été constants à leurs chiffres et font une hasardeuse extrapolation sur trois ans. D’autre part, la marge réelle sur ladite période est de 9,45%. Enfin, que comprendre du choix par l’administration d’appliquer des dispositions d’assiette votées en 2018 à des faits de 2014, 2015 et 2016 ?
Autant d’éléments qui prouvent un acharnement délibéré. Aujourd’hui comme hier, en matière de droits fondamentaux, plusieurs droits sont violés. Les institutions compétentes seront saisies. De même plusieurs dispositions de la loi des finances 2018 ont été votées juste pour pouvoir confirmer les impositions envisagées illégalement contre lesdites sociétés dans le seul but de nuire à l’image de Sébastien Ajavon qui devient désormais l’homme à abattre à tout prix. »
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