Gambie : l’inculpation d’un universitaire fait craindre le retour des méthodes de Jammeh
L’arrestation et l’inculpation de Ismaila Ceesay pour « incitation à la violence » a déclenché une levée de boucliers au sein de la société civile gambienne, qui craint de voir poindre des méthodes comparables à celles de l’ancien dictateur Yahya Jammeh, un an après sa chute.
La Gambie, un an après Jammeh
Un an après le départ de Jammeh, les Gambiens savourent la liberté retrouvée mais ont surtout soif de changement. Catapulté à la tête du pays, le nouveau président peine à trouver ses marques et craint toujours un coup bas des partisans de son prédécesseur.
La nuit a été longue pour le Dr Ismaila Ceesay. Après des heures d’interrogation par la police et une nuit en détention, l’universitaire a été libéré tôt, ce jeudi matin, sous les cris et les chants de quelques dizaines de ses étudiants, ainsi que de journalistes et d’activistes, qui s’étaient réunis devant les quartiers de la police nationale à Banjul.
Critiques sur la défiance des militaires envers le nouveau pouvoir
La veille, Ceesay a été inculpé pour « incitation à la violence ». En cause : une interview qu’il a accordé au journal The Voice, dans laquelle l’universitaire a critiqué le manque de confiance entre le président et chef des armées, Adama Barrow, élu en décembre 2016, et les militaires.
« Il y a des soldats qui ne sont pas satisfaits et qui se sentent rejetés par l’administration. Cela peut engendrer des mutineries », a-t-il alors mis en garde.
Depuis janvier 2016, suite à l‘intervention militaire de la Cedeao face au refus de Yayah Jammeh de quitter le pouvoir après avoir été défait aux urnes en décembre 2016, la responsabilité de la sécurité du pays est en effet partagée entre l’armée gambienne et les forces régionales de la Cedeao.
Actuellement, 500 hommes sont toujours déployés sur le territoire gambien. Une présence militaire étrangère qui fait grincer des dents.
Manifestation devant les locaux de la police
Après avoir été convoqué à un poste de police, mercredi en début d’après-midi, Ismaila Ceesay a été interrogé pendant trois heures, puis détenu jusqu’en début de soirée. Là, des étudiants et journalistes se sont réunis devant les locaux de la police pour demander des comptes.
A peine connue, la nouvelle de l’arrestation du Dr Ceesay a enflammé les réseaux sociaux. Le hashtag #FreeDrCeesay était le plus utilisé dans le pays, dans la nuit de mercredi à jeudi.
Les professeurs d’université ont alors appelé à une grève, exigeant la remise en liberté « inconditionnelle » d’Isamaila Ceesay. L’association des étudiants a pour sa part appelé à une manifestation de soutien, et exigé des « excuses » de la police. cédant à la pression, la police a accepté, mercredi soir, la remise en liberté de l’universitaire. Sauf que ce dernier a d’abord refusé de quitter les lieux sans explications ou excuses de la part des forces de police.
Jeudi matin, alors que beaucoup de membres de la société civile attendaient des explications de la part des autorités, le bureau de l’inspecteur général de police a affirmé par voie de communiqué que l’interrogatoire du Pr. Ceesay avait pour but de « clarifier des propos en liens avec une enquête en cours ».
En interpellant l’enseignant, la police a « fait son travail, car elle a de bonnes raisons de croire que la sécurité nationale est en danger », a insisté David Kujabi, son porte-parole.
Nous croyions avoir créé une nouvelle Gambie. Mais il est toujours possible de se faire arrêter pour ses opinions
Près de quarante activistes et journalistes étaient réunis dans la banlieue de Banjul ce jeudi matin pour décider des actions à prendre pour lutter contre ce qu’ils qualifient de « violation de la liberté d’expression ». Ismaila Ceesay, présent à cette réunion après une nuit sans sommeil, se dit déçu : « Après 22 ans à lutter contre une dictature, nous croyions avoir créé une nouvelle Gambie. Mais il est toujours possible de se faire arrêter pour ses opinions. »
Pour les militants présents lors de cette réunion de soutien au Pr Ceesay, l’arrestation présente des similarités déconcertantes avec les tactiques de l’ancien président Yayah Jammeh, connu pour des arrestations arbitraires et les disparitions d’opposants. Un avis qui trouve un large écho sur les réseaux sociaux.
« Cela confirme qu’en Gambie, le système n’a pas changé », affirme ainsi Madi Jobarteh, directeur adjoint de TANGO, l’Association gambienne des organisations non-gouvernementales.
« Les gambiens doivent être préparés à se battre pour un changement réel de système, pour la protection des droits humains et de la démocratie, assène ce militant. toutes les lois qui étaient utilisées pour empiéter sur les droits humains sont toujours en place. »
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La Gambie, un an après Jammeh
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