Daniel Biyaoula, écrivain iconoclaste

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  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 11 juin 2014 Lecture : 2 minutes.

En 1997, un nouveau nom apparut dans le paysage littéraire africain : Daniel Biyaoula, natif du Congo-Brazzaville. Auteur alors d’un premier roman, L’Impasse, ambitieux aussi bien dans la forme que dans le ton de l’écriture, ce romancier congolais montrait un nouvel horizon et peut-être définissait ce qu’était désormais un écrivain africain : un créateur indépendant et soucieux de dire la marginalité, de prendre pour thématique les turbulences de l’immigration. Son personnage principal, Kala, devenait ce sujet postcolonial aliéné par la culture occidentale et inadapté aux moeurs qu’il avait laissées dans son pays d’origine. À ce titre, L’Impasse est considérée comme le chef-d’oeuvre de Daniel Biyaoula, qui nous a quittés le 25 mai à l’âge de 60 ans.

Résidant en Europe depuis plus d’une trentaine d’années, Biyaoula était le prototype de l’auteur opiniâtre, sans concession. Notre première rencontre dans les locaux de Présence africaine en 1997 me mit face à un homme méticuleux qui écrivait tout à la main, hurlait lorsque, par souci de perfection, son éditeur souhaitait déplacer une virgule ou suggérait de raccourcir son texte. Biyaoula concevait la création comme un souffle transcendant, et il était aberrant de « corriger » ce qui était arrivé par la grâce de la transe et la bénédiction des muses. L’auteur estimait que son oeuvre, qui compte trois romans, formait un bloc indissociable, un triptyque, comme il se plaisait à la définir lui-même.

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Son deuxième roman parut en 2003 sous le titre apocalyptique d’Agonies, une sorte de regard sur la banlieue, avec en arrière-plan deux histoires d’amour parallèles. Le troisième, La Source de joies (2003), se présentait sous le signe d’un retour au pays natal, avec une exaltation de l’amitié, du temps qui érige un mur dans nos rapports avec les personnages de notre enfance ou les lieux que nous avions quittés depuis des décennies. C’est certainement son titre le plus « joyeux » au regard de ce que symbolisaient les deux premiers. On est émerveillé par la lecture de cet auteur qui réinventait une langue, brisait la phrase et réduisait les distances entre le langage parlé et la forme écrite. Assurément, il demeurera l’un des plus puissants romanciers que les Congolais aient connus depuis l’irremplaçable et tonitruant Sony Labou Tansi. C’est en cela que sa perte ternit les nuages des lettres africaines d’expression française. Mais nous nous réjouissons à l’idée que ses trois romans auront contribué à l’essor de la littérature africaine.

    

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