Maroc : le procès en appel des militants du Hirak du Rif s’enlise

Une cinquantaine de manifestants, dont le leader contestataire Nasser Zefzafi, comparaissent devant un tribunal de Casablanca, depuis le mois de septembre. Les débats s’éternisent et deviennent de plus en plus houleux.

Le leader de la contestation dans le Rif, Nasser Zefzafi, dans un sit-in  de protestation, le 18 mai 2017 à El Hoceima. © Aboussi Mohamed/AP/SIPA

Le leader de la contestation dans le Rif, Nasser Zefzafi, dans un sit-in de protestation, le 18 mai 2017 à El Hoceima. © Aboussi Mohamed/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 2 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Alors que la contestation dans la province d’Al-Hoceima connaît une accalmie, le procès des 54 membres du Hirak, le mouvement protestataire du nord du Maroc, s’enlise. Ils comparaissent devant la Cour d’appel de Casablanca depuis le mois de septembre avec un rythme de trois audiences par semaine : mardi, jeudi après-midi et vendredi.

« Malgré cette cadence soutenue, on en est encore à l’interrogatoire des accusés. Les plaidoiries des avocats n’ont pas encore commencé », affirme Me Said Benhammani, coordinateur du comité qui rassemble les avocats des jeunes détenus.

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Certains comme Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik, leaders du Hirak, font face à de lourdes accusations comme l’atteinte à la sécurité intérieure de l’État, perception d’un financement étranger en vue de déstabiliser l’ordre public, rébellion armée… Mais la plupart comparaissent pour des délits mineurs de participation à une manifestation sans autorisation ou d’outrage et violences contre les forces de l’ordre.

A la barre, le juge les confronte aux preuves retenues contre eux. Pêle-mêle, il expose des conversations téléphoniques, des vidéos trouvées sur Facebook, des photos de slogans brandis lors des marches de protestation…

Ambiance survoltée

Dans la salle archi-comble, s’entassent avocats, familles des accusés et représentants d’ONG de droits de l’homme. Les discussions sont agitées, parfois surréalistes. Comme ce jeudi 1er février, lorsque le président de la Cour a interpellé l’un des accusés, au détour d’une conversationt : « Es-tu Marocain ? ».

Les accusés se sont levés pour protester contre cette question qu’ils ont jugés attentatoire à leur patriotisme. Ils ont crié leur indignation et leurs avocats ont demandé à la Cour de retirer ses propos.

On est dans la confusion totale, on frise le ridicule

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Deux jours auparavant, le 30 janvier, le juge a confronté un des accusés à une vidéo retrouvée dans son téléphone portable. Elle montrait un barbu brandissant un fusil et un gros couteau, comme on peut le voir sur certaines vidéos diffusées par des réseaux terroristes. Seul bémol : la vidéo a été projetée sans son.

Nasser Zefzafi et ses co-détenus se sont mis à crier, exigeant un procès équitable. Après demande des avocats, le son a été activé. Il s’est avéré que le barbu parlait l’arabe du Moyen-Orient. Face au juge, l’accusé a soutenu avoir reçu cette vidéo d’une façon automatique sur son whatsapp, comme beaucoup d’autres destinataires.

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« On est dans la confusion totale, on frise le ridicule », s’emporte Me Mohamed Ziane, ancien avocat de Nasser Zefzafi. Il assure aujourd’hui la défense du journaliste, Hamid Mahdaoui, poursuivi pour « incitation d’autrui à participer à un rassemblement non autorisé ».

Pour lui, les preuves exposées jusque-là par la Cour n’ont apporté aucune confirmation de la volonté des prévenus de faire la révolution ou de s’en prendre à la sécurité de l’État. « Au bas mot, ce tourbillon judiciaire, pourrait prendre encore trois mois avant que les premiers verdicts ne commencent à tomber », ajoute-il.

Malaise social

En attendant, les accusés restent en prison dans le centre de Oukacha à Casablanca. L’administration pénitentiaire marocaine communique régulièrement sur les conditions de leur détention afin de tenter de dissiper toute accusation de maltraitance. De même pour le parquet général, qui publie souvent des communiqués sur le déroulement des audiences.

En 2017, la région du Rif a été secouée par un mouvement populaire suite au décès tragique d’un poissonnier en octobre 2016 dans la ville d’Al-Hoceima. Les manifestants ont demandé des investissements, des emplois et la fin de la marginalisation.

Depuis, des protestations similaires ont éclaté à Zagora, dans le sud du Maroc, contre les pénuries d’eau et tout récemment dans l’ancienne cité minière de Jérada, dans l’Est du pays.

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