Côte d’Ivoire : quelle est la vraie force électorale du PDCI ?

Alors que les tensions sont fortes avec son allié, le RDR, et qu’il revendique le pouvoir en 2020, le PDCI doit s’interroger sur son véritable poids et se réformer s’il veut avoir une chance de retrouver la tête du pouvoir ivoirien.

Le président du PDCI, Henri Konan Bédié, votant lors du référendum sur la nouvelle Constitution ivoirienne, le 30 octobre 2016, à Abidjan. © Diomande Ble Blonde/AP/SIPA

Le président du PDCI, Henri Konan Bédié, votant lors du référendum sur la nouvelle Constitution ivoirienne, le 30 octobre 2016, à Abidjan. © Diomande Ble Blonde/AP/SIPA

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  • André Silver Konan

    Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Publié le 15 février 2018 Lecture : 3 minutes.

C’est un fait récurrent. À la veille de chaque scrutin, une frénésie béate s’empare des responsables et des militants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), enthousiasmés – aveuglés, diront certains – par des chiffres issus de consultations menées en interne.  Pourtant, la réalité tranche avec la théorie, et ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est davantage, c’est que le parti d’Henri Konan Bédié est aujourd’hui engagé dans un bras de fer avec le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara dans la perspective de la présidentielle de 2020, et personne ne gagnera à se faire des illusions sur la réalité de sa capacité de mobilisation.

Mais revenons en arrière et examinons les chiffres. Décembre 2000. Les législatives débouchent sur une victoire du PDCI face au Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Faut-il en déduire que le parti fraîchement chassé du pouvoir disposait à l’époque d’une solide base électorale ? Pas nécessairement. S’il a obtenu ce score, c’est surtout parce que le RDR a boycotté le scrutin.

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Les alliances de 2013

Lors des élections locales d’avril 2013, c’est au tour du FPI d’appeler sa base à s’abstenir, mais cela n’avantage pas le PDCI, qui doit s’incliner face au RDR. Celui-ci remporte onze conseils généraux et 95 communes, quand le PDCI doit « se contenter » de quatre conseils généraux et 48 communes.

Certes, c’est compter sans les performances réalisées sous la bannière du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui fédère plusieurs partis, dont le PDCI et le RDR. Mais si l’ancien parti unique s’était senti suffisamment fort, il n’aurait pas eu besoin de constituer des listes communes. Dans ses bastions du Nord, le RDR n’a d’ailleurs pas jugé nécessaire de nouer des alliances.

2018 : fin de l’union ?

Et en 2016 alors ? Le PDCI a glané des succès électoraux dans les fiefs traditionnels de Gbagbo – c’est un fait. Les cadres du parti s’en réjouissent mais omettent de rappeler qu’ils ont indirectement bénéficié d’un nouveau boycott – celui du FPI. Surtout, le décompte final est resté en faveur du RDR, qui a profité d’un découpage électoral avantageux.

Fin janvier 2018, Jean-Louis Billon a affirmé que « le parti unifié [n’était] pas la priorité ». Si Bédié avait voulu dire, par l’entremise de son porte-parole, qu’il souhaitait que les partis du RHDP ne nouent pas d’alliance pour les élections locales à venir, il ne s’y serait pas pris autrement.

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Des mauvais choix

Le PDCI s’est restructuré et espère que cela lui permettra de s’imposer. Il peut désormais revendiquer plus de 200 délégations quand le RDR en totalise 120. Mais tout cela restera théorique tant que le PDCI n’aura pas fait la preuve de sa capacité de mobilisation populaire – et à cet égard, il n’y a rien eu de notable ces derniers temps, à part un rassemblement en faveur de la paix en juin 2017, à Yamoussoukro.

Les défaites électorales du PDCI ont des noms : orgueil lié à l’illusion de posséder une vraie-fausse base électorale et indiscipline née de mauvais choix. Ces maux ne se sont pas envolés avec la restructuration, bien au contraire. « Quand vous lancez cent candidats, que cent indépendants se présentent contre eux et que trente indépendants sont élus, cela veut dire que vos choix n’étaient pas bons », admet Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif du PDCI.

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Même schéma qu’en 2010

En définitive, les derniers chiffres qui font foi restent ceux issus du premier tour de la présidentielle de 2010. Bédié s’était alors incliné avec 1 165 532 voix, contre 1 481 091 pour Ouattara et 1 756 504 pour Gbagbo. Il n’est pas sûr que la configuration politique ait radicalement évolué depuis.

La seule façon de mesurer la vraie force électorale des uns et des autres est que chacun aille aux élections locales sous sa propre bannière

Certes, ces dernières semaines, une tendance (minoritaire) au sein du FPI a tenté un rapprochement avec le PDCI. Mais il s’agit avant tout d’un chiffon rouge que Bédié se plaît à agiter sous le nez du RDR, pour obtenir « une alternance en faveur d’un cadre issu du PDCI » en 2020.

La seule façon de mesurer la vraie force électorale des uns et des autres, avant la présidentielle de 2020, est que chacun aille aux élections locales sous sa propre bannière, que le FPI toutes tendances confondues accepte de revenir dans le jeu et que la compétition ne soit pas biaisée par des commissions électorales encore largement dominées par le RDR.

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