Tunisie : l’administration, ce fardeau pour le budget de l’État
L’année 2018 s’annonce comme celle de la réforme de l’administration tunisienne. Le gouvernement Chahed a lancé un programme de départ volontaire dans la fonction publique ainsi que le gel des recrutements, afin d’alléger le poids d’une administration ayant pris des proportions démesurées.
Identifiée comme la « principale cause de la crise des finances publiques dans le pays », par le Fonds monétaire international (FMI), l’administration tunisienne et ses quelques 650 000 fonctionnaires en 2017, font l’objet d’une réforme de grande envergure. La masse salariale de l’administration représente 14,4% du PIB, soit les deux tiers des revenus fiscaux et la moitié du total des dépenses de l’État, selon un rapport de l’organisation.
En comparaison avec le reste des pays de la région, selon les chiffres du FMI, la masse salariale de la fonction publique représente respectivement en Algérie et au Maroc, 11% et près de 12% du PIB. En terme de dépenses gouvernementale, les salaires du secteur public représentent 27% du budget en Algérie et 39.4% au Maroc.
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Une stratégie en trois points
Pour remédier à cette situation, le gouvernement a opté pour une stratégie en trois points : la suspension de tout recrutement dans la fonction publique, l’incitation au départ volontaire des fonctionnaires et le redéploiement du surplus de l’effectif existant vers des départements qui souffrent du manque de personnel.
Adoptée à l’Assemblée mercredi 10 janvier, la loi relative au départ des agents publics prévoit ainsi une indemnité de départ pour ceux qui accepteront de quitter volontairement leurs postes. L’objectif étant de réduire le nombre de fonctionnaire à environ 450 000 ainsi la part de la masse salariale de la fonction publique à 12% du PIB d’ici 2020. Un premier programme de départs volontaires a conduit au dépôt de 4000 demandes de retraites anticipés.
Acheter la paix sociale
L’ex ministre de la fonction publique, Kamel Ayadi considère que l’administration tunisienne « a payé la facture de la paix sociale ». Recrutements exceptionnels, intégration des blessés de la révolution et des bénéficiaires de l’amnistie générale – au total 7 616 personnes – ont été le lot du service public dès le début de la transition démocratique.
D’après une étude publiée par l’Institut national de la statistique (INS), l’administration tunisienne a employé 604 200 salariées en 2015 contre 444 900 salariées en 2011, soit une augmentation de plus de 35% en seulement quatre années.
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2012, l’année suivant la révolution, a concentré à elle seule la moitié de l’ensemble des recrutements effectués sur l’ensemble, avec 88 200 milles salariées en plus. Ces fonctionnaires ont donc été embauchés du temps de la Troïka.
Une masse salariale exponentielle
Mais l’augmentation du nombre de fonctionnaires s’est aussi accompagnée de l’augmentation des salaires. Une telle combinaison a mené à l’explosion de la part de la masse salariale dans le budget de l’État.
En 2016, par exemple, suite aux négociations entre le gouvernement et l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), les salaires moyens de la fonction publique ont augmenté de 12%, soit environ 7 point de plus que la moyenne d’inflation.
8 minutes de travail effectif par jour
Malgré l’augmentation des salaires et des effectifs, l’administration tunisienne souffre tout de même de problèmes d’efficacité. En 2015, une étude réalisée par l’Association tunisienne de lutte contre la corruption a révélé qu’un fonctionnaire tunisien travaille de manière effective en moyenne 8 minutes par jour.
Le taux d’absentéisme est alarmant : toujours selon la même étude, il s’élève à 60% pour un total de 105 jours travaillés par an. l’Association affirme également que seul un fonctionnaire sur cinq présents physiquement travaille véritablement.
Un chiffre qui ne semble pas faiblir : en 2016, le ministère de la Fonction publique révélaient que les absences répétées des fonctionnaires représentaient 4,5% de la masse salariale et 2% du budget de l’État.
En mai 2016, le baromètre de la chambre tuniso-française du commerce et d’industrie (CTFCI) a révélé que la lourdeur administrative a contribué à la détérioration du climat des affaires en Tunisie. Seuls 7,7 % des dirigeants interrogés sont satisfaits de l’efficacité des services fournis par l’administration.
Plus récemment, en novembre 2017, le Centre des jeunes dirigeants d’entreprises (CJD) a organisé une conférence autour de la nécessité de la réforme de l’administration.
Wafa Laamiri président du CJD a déclaré à propos de l’édition 2018 de l’indice Doing Business, dans laquelle la Tunisie a perdu 11 places pour se retrouver à la 88e place mondiale sur 96, perdant 46 places en 7 ans. « L’analyse de cet indice montre que la Tunisie fait face à un problème structurel, celui de la bureaucratie», conclut-elle.
Une bureaucratie qui « doit être allégée », selon Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT. « Le secteur public est saturé, seul l’investissement privé peut relancer l’emploi. Les banques doivent accompagner l’économie et les entreprises, la bureaucratie doit être allégée. Il faut devenir attractif », déclarait le syndicaliste dans une interview à Jeune Afrique.
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