Afrique du Sud : Irene Charnley, celle par qui la 4G arriva
Femme métisse issue d’un milieu pauvre, la fondatrice de Smile Telecoms est un symbole de la réussite postapartheid.
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C’est une histoire comme l’Afrique du Sud postapartheid aime en raconter. Celle d’une femme métisse de 54 ans, partie de rien, qui s’est hissée à la tête de l’un des rares opérateurs 4G LTE (très haut débit mobile) panafricains. Smile Telecoms, déjà présent dans trois pays du continent, vise plus haut. « Nous sommes des pionniers. Nous avons lancé les premiers services 4G africains en Tanzanie, puis au Nigeria et en Ouganda. Smile a aussi acquis des fréquences en RD Congo. Nous avons le potentiel pour toucher 300 millions de personnes », affirme Irene Charnley en prélude à AfricaCom, la grand-messe des télécoms organisée mi-novembre, au Cap.
Née dans les quartiers métis défavorisés du Cap, elle est élevée par sa mère, femme de ménage, après l’assassinat de son père. « Nous n’avions pas d’argent, nous habitions dans un endroit qu’on avait honte de montrer. Mais j’ai appris à survivre et, surtout, à accomplir ce que je voulais accomplir », explique-t-elle dans A Gentler Capitalism: Black Business Leadership in the New South Africa, un ouvrage de Linda A. Hill et Maria Farkas (2006).
Irene Charnley fait partie des 10 femmes les plus riches du continent.
Avec une fortune estimée à 150 millions de dollars (plus de 118 millions d’euros, ce qui la place dans le top 10 des femmes les plus riches du continent), Irene Charnley incarne la réussite du Black Economic Empowerment, la politique de discrimination positive mise en place après 1994.
« Son parcours constitue une source d’inspiration pour de nombreuses femmes d’affaires en Afrique en s’imposant dans un milieu très masculin », relève Thecla Mbongue, analyste senior en télécommunications pour Ovum.
Dans les années 1980 et jusqu’à la fin de l’apartheid, elle fait ses armes au sein de NUM, le puissant syndicat des mineurs, aux côtés de son mentor, Cyril Ramaphosa, aujourd’hui vice-président de l’Afrique du Sud. En 1996, elle mène les négociations pour le rachat de parts au sein de Johnnic, un holding intervenant notamment dans les télécommunications.
Grâce à son action, plus de 32 000 ouvriers acquièrent des parts de l’entreprise. Irene Charnley délaisse alors peu à peu ses activités syndicales pour entrer au conseil d’administration de Johnnic. « J’étais la première femme et la première personne de couleur à occuper une telle place dans cette société. Je faisais partie de la génération de Noirs qui réussissaient, et il était important que nous gardions une conscience sociale », confie-t-elle.
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Sa carrière s’accélère en 1998, lorsqu’elle intègre le conseil d’administration de MTN, le géant de la téléphonie mobile sur le continent. Deux ans plus tard, elle reçoit même le prix de la femme d’affaires de l’année en Afrique du Sud. Devenue directrice commerciale chez MTN, elle joue un rôle prépondérant dans l’expansion du groupe, notamment au Nigeria et en Iran. En 2007, elle quitte ses fonctions pour créer sa propre entreprise.
Influence
« Smile est indissociable de l’image d’Irene Charnley. Elle a une expérience et un leadership rares dans ce secteur. Elle symbolise l’espoir pour les jeunes générations, qui voient qu’il est possible de réussir même en venant d’un milieu défavorisé », note George Kalebaila, expert en télécoms au sein d’IDC, une société spécialisée dans les études de marché. « Irene Charnley a une énorme influence au sein de Smile », ajoute Thecla Mbongue. D’autant plus qu’elle en est l’un des principaux actionnaires [aux côtés des groupes saoudiens Al-Nahla et Atheeb].
À la tête de Smile, Irene Charnley veut s’imposer comme la référence de la 4G mobile sur le continent. Le pari est cependant loin d’être gagné. « Smile devrait consolider sa position là où il est déjà présent avant de chercher à s’étendre. Car lorsque les fréquences LTE seront libérées dans tous les pays africains, les gros opérateurs comme MTN, Airtel et Orange vont devenir de sérieux concurrents, et ce sera plus dur », tempère George Kalebaila.
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