Banque mobile : les opérateurs bientôt en solo ?
Dans le sillage de Safaricom, les acteurs du secteur des télécoms envisagent désormais de se passer de partenaires bancaires pour proposer seuls des services financiers de base.
TIC : des régulateurs télécoms sous influence
Alors que le prix des communications continue de baisser, les opérateurs ont trouvé avec les services financiers mobiles un relais pour poursuivre leur développement.
Transfert d’argent, y compris à l’international, paiement de factures, microcrédit… À mesure qu’ils innovent, les revenus tirés de ce segment explosent. Selon Ecobank, ceux-ci pourraient passer de 477 millions d’euros à 2,7 milliards d’euros entre 2012 et 2017 dans les pays subsahariens (hors Afrique du Sud). Pour pousser plus loin leur avantage, les compagnies sont désormais de plus en plus tentées d’évincer leurs partenaires bancaires, encouragées en cela par l’assouplissement des exigences réglementaires.
Le rapport de force pourrait tourner en la défaveur des banques, avertissent des professionnels du secteur.
« La tendance des banques centrales est à l’ouverture », confirme Karim Koundi, associé responsable des médias et des télécoms chez Deloitte Afrique francophone. « Le rapport de force pourrait tourner en la défaveur des banques », constate également un cadre de la I&M Bank, alliée à MTN Rwanda dans le domaine du mobile banking.
Si l’inquiétude monte au sein des établissements financiers, c’est parce que certains opérateurs pionniers ont montré la voie.
Au Kenya, Safaricom a à l’origine pu lancer M-Pesa seul, évitant de partager les copieux dividendes de son service de transfert d’argent. C’est aussi le cas du service Tigo Cash opéré par le groupe Millicom au Rwanda. Ce dernier, pour renforcer sa présence dans le domaine financier, a pris le contrôle en juin de Rswitch, une société spécialisée dans les paiements interbancaires.
Émancipation
Des exemples qui font des envieux. Il y a quelques semaines, Jeune Afrique a révélé qu’Orange espérait prochainement obtenir une licence de type bancaire lui permettant d’émettre de la monnaie électronique. Comment ne pas voir dans cette démarche la volonté de s’émanciper, au moins en partie, de la tutelle de ses partenaires bancaires que sont Bank of Africa ou le groupe français BNP ?
Hasard du calendrier, Stéphane Richard, le PDG de l’opérateur français, a annoncé, début octobre, qu’Orange Money proposerait des microcrédits à partir de novembre. Au Mali dans un premier temps, « un pays où le volume des transactions effectuées par Orange Money représentera 20 % du PIB d’ici à la fin de l’année », précise Alban Luherne, le directeur d’Orange Money pour la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie. Quant à l’opérateur Econet Wireless, soucieux d’avoir les coudées franches, il avait carrément racheté la banque zimbabwéenne Steward Bank, l’année dernière.
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L’irrésistible ascension de la banque mobile
En 2013, dans une étude intitulée « Partenariats dans les services financiers mobiles : les facteurs de succès », la Société financière internationale (IFC) envisageait déjà cette tendance. « Dans certains cas, les fournisseurs gagneraient à opérer seuls », concluait le document.
Défaillance
Une solution que tempère cependant Babacar Bâ, associé au cabinet de conseil en stratégie Performances Group, pour qui « les banques apportent l’expertise indispensable » – l’activité de banque mobile posant selon lui des « risques financiers spécifiques ». En d’autres termes, si les opérateurs peuvent jouer en solo pour offrir des services de base, les banques ne sont pas hors jeu. « Dans le domaine du crédit, par exemple, Orange n’a pas vocation à évaluer seul le risque de défaillance d’un emprunteur », confirme Alban Luherne.
Pour le cadre dirigeant d’Orange, « entre banques et opérateurs, c’est avant tout une question de complémentarité ». Ce qui ne l’empêche pas d’observer que « les évolutions actuelles pourraient amener une redéfinition du rôle des opérateurs en matière de mobile payment« . En attendant, certaines banques répliquent. Fidèle à sa réputation de franc-tireur, la kényane Equity Bank a décroché, en 2014, l’une des trois licences d’opérateur mobile virtuel (MVNO), proposant ainsi ses propres prestations bancaires par téléphone, au nez et à la barbe du secteur télécom.
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