L’Afrique du Sud durcit ses lois sur l’immigration

Les pays européens ne sont pas les seuls à limiter les conditions de délivrance de leurs visas aux étrangers. Sous l’impulsion d’un Jacob Zuma fraîchement réélu, l’Afrique du sud s’engage sur le même chemin. Une nouvelle législation migratoire qui pourrait avoir des conséquences économiques néfastes.

Dépasser son temps de séjour en Afrique du sud est passible de 5 ans d’interdiction du territoire. © AFP

Dépasser son temps de séjour en Afrique du sud est passible de 5 ans d’interdiction du territoire. © AFP

Publié le 3 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Depuis le 26 mai, il est difficile pour les étrangers de s’installer en Afrique du sud. Pressentie depuis plusieurs mois, la réforme des lois sur l’immigration est entrée en vigueur quelques jours à peine après le début du second mandat de Jacob Zuma. Principale conséquence : il est désormais impossible de passer par un intermédiaire pour faire sa demande de visa, chacun doit se rendre en personne dans l’ambassade d’Afrique du Sud de son pays d’origine pour déposer son dossier.

Les résultats indésirables n’ont pas tardé à se faire sentir : les producteurs de la série Homeland qui devaient venir tourner la quatrième saison au Cap ont repoussé leur venue, les acteurs n’ayant pas tous le temps d’aller déposer leur dossier en personne.

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Autre conséquence de la nouvelle loi : une personne ayant dépassé son temps de séjour en Afrique du sud pourra être bannie du pays pour une durée de 2 à 5 ans. Par ailleurs, les étrangers en attente d’un renouvellement de visa ne peuvent plus voyager hors du pays avant d’avoir obtenu le sésame en bonne et due forme. Une procédure longue, qui peut prendre parfois plus de 6 mois.

Situations kafkaïennes

L’application à la lettre de cette dernière mesure a d’ores et déjà occasionné des situations kafkaïennes. Olivia Lock, une britannique de 39 ans, mariée à un Sud-Africain en attente du renouvellement de son visa s’est rendue en Angleterre, la semaine dernière. Avec le changement de loi, elle n’a plus le droit de revenir sur le territoire sud-africain pour les douze prochains mois.

Le gouvernement semble avoir voulu favoriser l’emploi des Sud-Africains alors que le taux de chômage dépasse les 25%.

"Les droits constitutionnels autorisant une famille à vivre ensemble sont clairement violés ici", estime l’avocat Julian Pokroy, spécialiste de l’immigration. Le nouveau ministre des Affaires intérieures, Malusi Gigaba, a tenté de justifier ces changements lors d’une conférence de presse jeudi dernier, mais il est resté assez vague. "Nous avons pris ces mesures pour renforcer la sécurité nationale. Les précédentes lois étaient trop ouvertes aux abus", a t-il affirmé.

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>> Voir aussi notre carte interactive : Voyagez en Afrique sans visas

"Une chose est sûre : la nouvelle législation a été faite dans la précipitation, sans que tout ce qu’elle implique ne soit pris en compte", relève Julian Pokroy. Le gouvernement semble avoir voulu favoriser l’emploi des Sud-Africains alors que le taux de chômage dépasse les 25%. Pourtant, "le pays a un grand besoin de main d’œuvre qualifiée. Par exemple, il n’y a pas assez de médecins sud-africains et les Congolais ou les Nigérians sont fortement présents dans ce domaine. En outre, il n’y a pas de disposition spécifique pour attirer ce genre de profil", explique Aline Mugisho, chercheuse sur l’immigration à l’université du Wits.

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Liste de "business indésirables"

Les particuliers ne sont pas les seuls concernés par ces changements. Désormais, pour créer une entreprise dans le pays il faudra employer au minimum 60% de Sud-Africains. Une liste de "business indésirables" doit même être publiée très prochainement au journal officiel. Pour de nombreux spécialistes des questions d’immigration, ces nouveautés pourraient avoir des conséquences désastreuses pour l’investissement étranger en Afrique du sud.

"Les investisseurs vont maintenant y réfléchir à deux fois avant de venir s’installer car les conditions ne sont plus vraiment favorables", juge Aline Mugisho. Un groupe d’avocats a néanmoins contesté, mardi 3 juin, la légalité des nouveaux textes devant la cour du Cap. Seule une décision de justice pourrait amener le gouvernement à faire machine arrière.

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