RDC-Sénégal : quand l’affaire Chebeya rebondit à Dakar

Au quatrième anniversaire de l’assassinat de Floribert Chebeya et de la disparition de Fidèle Bazana en RDC, leurs deux familles, épaulées par les avocats de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), viennent de déposer à Dakar une plainte avec constitution de partie civile contre l’un des policiers congolais présumément impliqués dans ce double assassinat, Paul Mwilanbwe.

Le président de VSV, Floribert Chebeya, le 7 avril 2005 à Bruxelles. © AFP

Le président de VSV, Floribert Chebeya, le 7 avril 2005 à Bruxelles. © AFP

Publié le 4 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Quatre ans jour pour jour après l’assassinat du Congolais Floribert Chebeya, c’est à Dakar que l’affaire judiciaire rebondit. Le 1er juin 2010, ce défenseur des droits de l’homme, fondateur de l’ONG la Voix des sans-voix, était retrouvé mort dans sa voiture dans un faubourg de Kinshasa, tandis que Fidèle Bazana, l’un de ses proches collaborateurs, était porté disparu. La veille, les deux homme s’étaient présentés à la Direction de la police nationale congolaise pour y rencontrer son directeur, l’inspecteur-général John Numbi. À l’époque, l’affaire avait fait grand bruit, à tel point que qu’une enquête avait été ouverte à Kinshasa, aboutissant à la suspension, à titre conservatoire, du général John Numbi et à l’inculpation, pour assassinat, de huit policiers dont un certain Paul Mwilambwe, alors en fuite. 

Le 23 juin 2011, la cour militaire de Kinshasa a reconnu la responsabilité civile de l’État congolais dans l’assassinat de Floribert Chebeya et dans l’enlèvement et la détention illégale de Fidèle Bazana, condamnant cinq des huit policiers accusés : quatre à la peine capitale et un à la prison à perpétuité – trois policiers, dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition d’éléments de preuve, ont été acquittés. Mais en mai 2013, la Haute-Cour militaire, saisie en tant que juridiction d’appel, s’est déclarée incompétente et a renvoyé la balle à la Cour suprême de justice, ce qui a, de fait, suspendu la procédure judiciaire en RDC. Remplacé à la tête de la police nationale congolaise, le principal suspect, le général John Numbi, n’a jamais été inquiété.

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Le rôle central de John Numbi

En 2012, l’un des policiers présumés impliqués, le major Paul Mwilanbwe, accordait une interview au réalisateur belge Thierry Michel, puis à France 24 et RFI depuis le pays d’Afrique où il avait trouvé asile, racontant avoir été témoin du double assassinat. Outre sa propre implication, il évoquait le rôle et l’implication de hauts gradés de la police congolaise, dont John Numbi, dans l’assassinat et la disparition forcée des deux défenseurs des droits humains.

Entre-temps, Paul Mwilambwe aurait rejoint Dakar. "Depuis novembre 2013, il se trouve sur le sol sénégalais, affirme Florent Geel, responsable du Bureau Afrique de la FIDH. Nous avons d’ailleurs indiqué à la justice sénégalaise le lieu où il réside." En janvier 2014, au noms des familles des victimes, les avocats de l’ONG ont déposé une plainte simple à Dakar contre l’intéressé. Mais la justice sénégalaise n’a, jusque-là, pas réagi. Six mois plus tard, une nouvelle plainte vient d’être déposée, cette fois avec constitution de partie civile. "La FIDH n’est pas partie dans la procédure, la loi sénégalaise ne prévoyant pas la constitution des ONG, précise Florent Geel. Mais trois de nos avocats, Mes Patrick Baudouin, Clémence Bectarte et Assane Dioma Ndiaye, représenteront les familles Chebeya et Bazana."

Compétence extra-territoriale

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Avec quelles garanties de succès ? "Nous invoquons la compétence extra-territoriale qui découle de la convention des Nations unies contre la torture, précise Florent Geel. Le président Macky Sall a fait de la lutte contre l’impunité un pilier de son mandat présidentiel, comme on l’a vu dans l’affaire Habré." "Mwilambwe ne peut être extradé vers la RDC, où la peine de mort n’a pas été abolie, analyse Me Assane Dioma Ndiaye, de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme, qui défend les deux familles. Il n’a pas voulu être sacrifié à la raison d’État et a refusé de se prêter à une parodie de justice en RDC, mais nous pensons qu’il en ira autrement au Sénégal, pays qui est devenu une référence en matière de justice internationale."

Pour Paul Nsapu, secrétaire général de la FIDH pour l’Afrique et président de la Ligue des électeurs au Congo, présent à Dakar en ce début juin, "l’impunité a été institutionnalisée en RDC, où les assassinats d’activistes et de journalistes n’ont jamais donné lieu à un jugement impartial. Le principal enjeu, c’est de faire en sorte que ce genre de dossiers soient jugés sur le continent au lieu d’être sous-traités à la justice européenne."

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Mehdi Ba, à Dakar

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