Ce jour-là : le 11 février 2011, Hosni Moubarak quitte le pouvoir face à la révolte populaire

Le président égyptien Hosni Moubarak est au pouvoir depuis trente ans lorsque le soulèvement débute. Après 18 jours de contestations, le chef d’État de 82 ans est contraint à la démission le 11 février 2011.

Le président égyptien Hosni Moubarak, au Caire en 2006. © MEIGNEUX/SIPA

Le président égyptien Hosni Moubarak, au Caire en 2006. © MEIGNEUX/SIPA

Publié le 11 février 2018 Lecture : 4 minutes.

Début 2011, la grogne sociale persiste depuis plusieurs mois déjà en Égypte. Les inégalités, le blocage politique et institutionnel dû à l’état d’urgence – en vigueur depuis la guerre des Six Jours de 1967, avec une seule courte interruption en 1980 – et aux velléités de népotisme du président Hosni Moubarak contribuent à ce climat sociétal instable.

Le taux de chômage important, la vie chère et les bas salaires entraînent des grèves et des manifestations de plus en plus fréquentes.

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À l’instar de la révolution tunisienne quelques semaines plus tôt, le soulèvement égyptien débute par l’immolation successive de cinq personnes en plusieurs jours. Le 25 janvier 2011, des milliers de personnes se rassemblent sur la place Tahrir, et des slogans, rappelant la chute de Zine el-Abidine Ben Ali onze jours auparavant, commencent à se faire entendre.

Montée des tensions

Comme pour l’ensemble du Printemps arabe, les réseaux sociaux contribuent grandement à l’essor de ces rassemblements. Mais les manifestations dégénèrent très rapidement : les rixes entre protestants et forces anti-émeutes débutent et des portraits d’Hosni Moubarak sont arrachés.

Des manifestants égyptiens fuient la police anti-émeutes qui leur tirent du gaz lacrymogène au Caire, le vendredi 28 janvier 2011 © Ahmed Ali/AP/SIPA

Des manifestants égyptiens fuient la police anti-émeutes qui leur tirent du gaz lacrymogène au Caire, le vendredi 28 janvier 2011 © Ahmed Ali/AP/SIPA

La répression se poursuit les jours suivants : le 28 janvier, 62 personnes meurent dans des affrontements. Le couvre-feu est décrété au Caire, à Suez et à Alexandrie. Hosni Moubarak promet alors des réformes et un changement de gouvernement. Mais le calme ne revient pas, malgré un impressionnant déploiement des forces armées.

J’ai entendu votre revendication de liberté, mais c’est une nécessité absolue de maintenir la sécurité et la stabilité du pays

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Le 1er février devient le jour de la « Marche du million », dont le nombre de manifestants sera même dépassé. À partir de ce jour, l’armée indique qu’elle ne tirera plus sur la foule. Sous pression, Moubarak annonce également qu’il ne sera pas candidat aux élections présidentielles prévues à la fin de l’année 2011 : « J’ai entendu votre revendication de liberté, mais c’est une nécessité absolue de maintenir la sécurité et la stabilité du pays ». S’il indique qu’il acceptera un dialogue avec les Frères musulmans, il persiste néanmoins et refuse de démissionner.

Les partisans du président choisissent ce moment pour apporter leur soutien en investissant à leur tour la place Tahrir. Les affrontements qui s’en suivent sont sanglants. En deux jours, ceux-ci font huit morts et 900 blessés. Cela ne décourage pas les opposants, qui décrètent la date du 4 février comme le « Vendredi du départ » d’Hosni Moubarak.

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Couverture « Égypte : bye bye Pharaon » – Jeune Afrique (n°2613 – 6 au 12 février 2011) by jeuneafrique on Scribd

Finalement, le raïs prononce un discours le 10 février, où il réitère sa volonté de se maintenir à la présidence jusqu’aux élections, tout en déléguant ses pouvoirs à son vice-président Omar Souleiman, conformément à la Constitution : « C’est ma patrie, comme c’est la patrie de tout égyptien et égyptienne. J’y ai vécu, combattu. J’ai défendu sa terre, sa dignité et ses intérêts. Sur sa terre, je mourrai ». Des milliers de manifestants menacent alors de prendre le contrôle des bâtiments officiels et de marcher sur le palais présidentiel.

C’est ma patrie, comme c’est la patrie de tout Égyptien et Égyptienne. J’y ai vécu, combattu. J’ai défendu sa terre, sa dignité et ses intérêts. Sur sa terre, je mourrai

Résignation

Le lendemain, comme le 1er février, environ un million de manifestants défilent dans toute l’Égypte. Devant le palais d’Hosni Moubarak au Caire, les chars de la garde présidentielle montrent leur soutien au soulèvement.

Sous l’influence du vice-président, lui-même pressé par les militaires, Hosni Moubarak cède le pouvoir. Lorsque la nouvelle tombe, le président et sa famille ont déjà quitté Le Caire pour Charm el-Cheikh.

La place Tahrir explose de joie : en dix-huit jours, les manifestants ont mis fin à trente ans de règne. Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix égyptien, déclare qu’il faut désormais « faire le meilleur usage possible » de la liberté gagnée.

La place Tahrir célèbre toute la nuit le départ du président. Certains manifestants, qui ont campé sur place plusieurs semaines, commencent à rentrer chez eux. D’autres refusent, estimant que la chute de Moubarak n’est que le début d’un long travail.

Des Égyptiens tenant un soldat sur la place Tahrir après la démission du président Hosni Moubarak et la remise du pouvoir à l'armée au Caire, le 11 février 2011 © Ahmed Ali/AP/SIPA

Des Égyptiens tenant un soldat sur la place Tahrir après la démission du président Hosni Moubarak et la remise du pouvoir à l'armée au Caire, le 11 février 2011 © Ahmed Ali/AP/SIPA

L’arrivée des militaires au pouvoir

À l’annonce du départ, le Conseil suprême des forces armées égyptiennes félicite le désormais ex-chef d’État pour sa décision prise « dans l’intérêt de la nation ». Il salue ceux qui ont perdu la vie pendant les manifestations, et assure ne pas pouvoir se substituer à la « légitimité voulue par le peuple ».

Si les mesures à venir restent incertaines, les militaires promettent une « élection présidentielle libre et transparente », et de mettre fin à l’état d’urgence dès le retour au calme. Ces résolutions seront détaillées dans un communiqué constitutionnel deux jours plus tard.

Égypte – Communiqué constitutionnel du Conseil suprême des forces armées (13 février 2011) by jeuneafrique on Scribd

À l’international, la démission du Président est salué de toute part. Tandis que les Nations unies se réjouissent que la « voix du peuple égyptien ait été entendue », Barack Obama, alors président des États-Unis, allié de l’Égypte, salue une décision « qui a répondu à la soif de changement des Égyptiens ».

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Le bilan reste néanmoins lourd : la répression de la révolution a officiellement provoqué la mort de 890 morts, dont 26 policiers, et plus de 6 460 blessés, pour la période du 25 janvier au 16 février 2011.

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Policiers usant de gaz lacrymogènes au Caire, le 25 janvier. © AFP

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