Il faut favoriser la croissance de l’informel
Pour Alain Faujas, forcer les entreprises informelles à officialiser leur existence et à payer des impôts est un combat perdu d’avance, et ses effets peuvent être contre-productifs. Mieux vaut les aider, d’abord, à se consolider.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 19 février 2018 Lecture : 2 minutes.
Éditorial. Qu’elle s’appelle grise ou noire, souterraine ou de l’ombre, l’économie informelle est un souci pour les gouvernements. Les entreprises familiales non déclarées, comme les plombiers, les taxis, les maçons ou les petits commerçants, mais aussi les entreprises déclarées qui dissimulent une partie de leur production privent l’État de recettes fiscales et leurs salariés d’une juste rémunération et d’une protection sociale.
Difficile d’apprécier le poids d’une économie par définition cachée. Le FMI a publié à la fin de janvier une étude qui tente d’apprécier son poids dans 185 pays entre 1991 et 2015. On y apprend que l’informel représente en moyenne 31,9 % des économies analysées et que les trois pays les plus touchés par le phénomène sont la Géorgie (64,9 %), la Bolivie (62,3 %) et le Zimbabwe (60,6 %), les trois pays les plus transparents étant la Suisse (7,2 %), les États-Unis (8,3 %) et l’Autriche (8,9 %). En Afrique, sans surprise, les moins informels sont Maurice (22,5 %), l’Afrique du Sud (25,9 %) et la Namibie (28,1 %). Plus une économie est développée, plus faible est sa part informelle.
Plus de 50 % d’informel dans cinq pays africains
Bonne nouvelle, l’économie « grise » a reculé de 5,3 % en vingt ans. En Afrique, sa part dans l’économie est passée de 42,36 % entre 1991 et 1999 à 39,99 % entre 2000 et 2009, et à 36,16 % entre 2010 et 2015. Ce qui confirme l’importance de la croissance pour la réduire.
L’informel pèse lourd. Dix-huit pays africains affichent un taux supérieur à 40 %, et cinq pays figurent parmi les 10 qui sont au-dessus de 50 % : le Zimbabwe (60,6 %), le Nigeria (56,6 %), le Bénin (53,6 %), le Gabon (52,4 %) et la Tanzanie (52,2 %).
Un filet de sécurité pour les précaires
Pendant des années, gouvernements et FMI ont essayé de forcer ces entreprises et ces productions non déclarées à s’officialiser pour accroître les recettes de l’État. Tâche quasi impossible, car les causes des dissimulations sont multiples et surtout vitales pour elles : impossibilité de payer des charges fiscales, sociales et salariales, crainte de la bureaucratie excessive et de la corruption que celle-ci génère, pas d’accès au crédit, manque de professionnalisme, etc.
Tout le monde reconnaît aujourd’hui que les entreprises informelles et les « petits boulots » sont un filet de sécurité pour ceux qui, sans leur apport, seraient au chômage et privés de revenus. Tant qu’ils n’ont pas atteint une robustesse suffisante, il est donc essentiel de favoriser leur croissance et leur productivité par des prêts bancaires, une simplification administrative et des formations. Et pas de chercher à leur soutirer des impôts !
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