Maroc : l’inquiétant chômage des jeunes s’inscrit dans la durée

Au Maroc, le chômage touche plus de quatre jeunes urbains sur dix, selon les dernières données officielles. Une problématique au centre des préoccupations sociales qui nourrit frustration et mécontentement populaire.

Marche du pain noir à Jérada  le 31 décembre 2017. © YouTube/Ali Kharroubi

Marche du pain noir à Jérada le 31 décembre 2017. © YouTube/Ali Kharroubi

Publié le 12 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Sept ans après le Mouvement du 20 février, version marocaine du Printemps arabe, l’avenir de la jeunesse est plus que jamais d’actualité dans le royaume, agité ces derniers mois par des mouvements de protestation menés le plus souvent par des jeunes au chômage.

Selon les données du Haut-commissariat au plan (HCP) publiées au cours de la semaine écoulée, le Maroc a enregistré à la fin de 2017 un taux de chômage de 10,2% contre 9,9% une année auparavant. Surtout, celui-ci touche principalement les jeunes âgés de 15 à 24 ans (26,5%), avec un taux qui culmine à 42,8% en milieu urbain.

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Ce chômage des jeunes « n’est pas un phénomène récent, mais il a tendance à devenir structurel avec la déperdition scolaire et la faible diversification du tissu productif national », explique Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire au plan.

« La précarité de l’offre d’emploi n’encourage pas l’investissement des ménages dans l’enseignement de leurs enfants. Cela participe à la déperdition scolaire », ajoute-t-il.

« C’est la faute du gouvernement ! »

Pour l’économiste Larbi Jaidi, ce fort taux de chômage est aussi lié à « la transition démographique » de ce pays de près de 35 millions d’habitants, qui tend « à recomposer la pyramide des âges (…), avec de plus en plus de jeunes arrivant sur le marché du travail ».

L’économie marocaine, bien que portée par une croissance de 4% en 2017 contre 1,2% l’année précédente, « n’a pas créé suffisamment d’emplois par rapport au nombre de jeunes arrivés sur le marché du travail », poursuit l’économiste.

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Selon les données du HCP, les diplômés sont, par ailleurs, davantage exposés que les personnes n’ayant suivi aucune formation.

Au tournant de la décennie, les gouvernements ont tenté d’apaiser les tensions sociales avec la promesse d’embauches dans la fonction publique. Et, dans les rues de la capitale Rabat, entre bâtiments administratifs et immeubles Art-déco, les « diplômés chômeurs » continuent, des années plus tard, à réclamer leur « droit » à intégrer cette fonction publique, gage de sécurité de l’emploi.

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Diplômés mais souvent peu qualifiés, ils pâtissent des défaillances du système éducatif et de son inadéquation avec le marché du travail.

« Tu fais des études, après tu te retrouves à la rue! « , se lamente Achraf, 25 ans, titulaire d’une licence en gestion. « C’est la faute du gouvernement ! », accuse ce diplômé sans emploi qui dit manifester depuis deux ans « sans résultat ».

Le chômage touche aussi de plein fouet les femmes, avec un taux de 14,7% contre 8,8% chez les hommes. Un écart qui s’explique en partie par la tendance des parents à « favoriser les garçons au détriment des filles », sans compter les discriminations en termes de salaires, décrypte Ahmed Lahlimi.

« Système D »

La presse locale tire régulièrement la sonnette d’alarme sur le chômage des jeunes, qui nourrit « mécontentement et frustration ».

Le roi Mohammed VI a lui-même reconnu dans un discours en octobre que les progrès enregistrés ne profitent pas aux « jeunes, qui représentent plus d’un tiers de la population ». « Parmi eux, nombreux sont ceux qui souffrent de l’exclusion, du chômage », a-t-il déclaré.

Le mois dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a de son côté appelé les autorités du royaume à « réduire les niveaux toujours élevés de chômage, notamment chez les jeunes ». Une question à prendre « très au sérieux », a prévenu la Banque mondiale.

In fine, les demandeurs d’emploi, diplômés ou pas, découragés par d’interminables recherches infructueuses, optent souvent pour le « système D ».

« La seule possibilité d’insertion des jeunes, quand ils arrivent à s’insérer, c’est le marché de l’informel, avec une très grande précarité en termes d’emploi et de revenu, ainsi qu’une absence de protection sociale », soutient Larbi Jaidi.

C’est le cas de Mehdi, 28 ans, qui distribue dans le vieux Rabat des prospectus deux demi-journées par semaine, pour une cinquantaine d’euros par mois, tout en déposant ici et là son CV.

« Je n’ai pas de contrat de travail, pas de couverture médicale », souffle ce jeune Marocain qui a suivi une formation en cuisine il y a quelques années, mais qui n’a jamais trouvé d’emploi dans « son domaine ».

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