Madagascar – Andry Rajoelina : « Je ne me présenterai que si je pense pouvoir favoriser le développement du pays »
Si l’ancien président de la transition malgache, Andry Rajoelina, continue d’annoncer à demi-mot sa candidature à l’élection présidentielle, prévue fin 2018, celui-ci présente à Jeune Afrique son Initiative Emergence Madagascar (IEM), avec laquelle il espère convaincre les principaux partis d’opposition qu’il peut incarner leur leader unique.
Quelques mois avant l’élection présidentielle, attendue pour la fin de cette année à Madagascar, Andry Rajoelina a pris l’initiative et tient à le faire savoir. Après s’être tenu à l’écart de la scène politique pendant quatre ans, l’ancien président de la transition (de 2009 à 2013) a rompu le silence, pour dévoiler le 26 janvier, à Paris, les contours de son Initiative Emergence Madagascar (IEM). Un projet qui pourrait bien lui servir de base programmatique, s’il décide de se lancer dans la course à la succession de l’actuel chef de l’État, Hery Rajaonarimampianina.
Officiellement, Andry Rajoelina n’est candidat à rien. Avant de se prononcer, il veut expliquer sa démarche à la population et aux membres de son parti, le MAPAR. Il doit surtout convaincre les responsables de l’Alliance républicaine de Madagascar (Armada) qu’il peut être le leader unique derrière lequel doit se ranger cette plateforme constituée, dès la fin 2014, des principaux partis d’opposition.
L’ancien maire de la capitale doit également compter avec le retour au premier plan et les ambitions retrouvées de Marc Ravalomanana. L’ancien président rêve tout haut de réendosser le costume qu’il a porté de 2002 à 2009. Il aurait déjà tendu la main à Andry Rajoelina, et proposer une alliance à celui qui, pourtant, avait contribué à le renverser.
Je ne suis pas en précampagne. […] La question de ma candidature n’est pas d’actualité
Avant de rentrer au pays, où l’attend ce qui ressemble à un long marathon électoral, le promoteur de l’IEM a accordé un entretien à Jeune Afrique, « pour partager notre vision de Madagascar ». Même si ce n’est encore qu’une esquisse.
Jeune Afrique : L’initiative que vous avez présentée à Paris ressemble beaucoup à un programme présidentiel. Êtes-vous candidat à l’élection attendue pour cette fin d’année 2018 ?
Andry Rajoelina : Ce qui intéresse les Malgaches aujourd’hui, c’est de connaître les solutions que peuvent proposer les politiciens à leurs problèmes. Je ne suis pas comme les deux autres candidats déclarés. Je ne suis pas en précampagne. Je cherche la solution et j’espère la trouver avec l’IEM. La question de ma candidature n’est pas d’actualité. Je ne me présenterai que si je pense pouvoir favoriser le développement du pays.
Le développement est justement l’objet de votre initiative. Qu’est-ce que l’Initiative Emergence Madagascar (IEM) ?
Elle regroupe des experts internationaux, sur un grand nombre de secteurs, qui ont pour mission de contribuer au développement de Madagascar. Nous travaillons avec certains partenaires depuis plus de trois ans. Nous pouvons déjà proposer des solutions très concrètes, en matière d’électrification, d’agriculture, d’éducation, etc.
Il faut sortir de l’improvisation qui a caractérisé les mandats précédents, à commencer par le mien
Nous avons dévoilé notre démarche à Paris, et le lancement officiel de l’initiative se tiendra le 16 mars, lors d’un forum organisé à Antananarivo, en présence des experts de l’IEM.
Tous les mois et demi se tiendra un forum similaire à travers le pays, organisé autour de thématiques très précises, de l’éducation à la bonne gouvernance, avec l’objectif de rattraper notre retard de développement et de faire venir les investisseurs. Dans le même temps, je veux également rencontrer la population, comprendre ses problèmes. Je souhaite qu’elle s’approprie le processus.
Qui finance l’IEM ?
Moi-même. Les investissements à réaliser dans le cadre de nos programmes seront financés par les investisseurs. Nous rencontrons de nombreux fonds, en leur présentant des cadres très précis pour expliquer nos besoins en financement et la rentabilité qu’ils sont en droit d’attendre de leurs investissements.
Et que pensent les bailleurs de fonds de cette initiative ?
J’ai en effet rencontré les membres de l’OIF et des Nations unies, et ils apprécient notre démarche à sa juste valeur. Nous sommes les seuls aujourd’hui à présenter une initiative concrète. Il faut sortir de l’improvisation qui a caractérisé les mandats précédents, à commencer par le mien. Nous ne pouvons plus commettre les mêmes erreurs. Nous devons nous entourer des meilleurs experts, trouver les partenaires qui nous accompagneront. Venir avec une vision qui suscite l’adhésion de la population.
Êtes-vous en contact avec certains chefs d’État africains ?
Je vais très officiellement commencer à en rencontrer quelques-uns dès les prochaines semaines. L’IEM doit s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs, au Maroc, au Sénégal, au Rwanda, en Éthiopie… Nous devons utiliser les recettes qui ont déjà fait leur preuve en matière de développement.
Quel bilan faites-vous du mandat du président Hery Rajaonarimampianina ?
La situation est aujourd’hui catastrophique à Madagascar. Le pays s’enfonce dans la pauvreté à mesure qu’augmente le coût de la vie. Le pouvoir n’arrive plus à garantir la sécurité de ses citoyens et la corruption est encore plus généralisée que par le passé.
Vous êtes-vous senti trahi par sa volte-face en 2014, en refusant de vous laisser nommer son Premier ministre ?
Le passé ne m’intéresse plus et si je redoutais la trahison, je ne ferais pas de politique. Lui n’est justement pas un homme du sérail. Il a été mon ancien ministre des Finances, avant que moi et mon parti ne le mettions au pouvoir, pour qu’ensuite il nous tourne le dos…
L’Armada s’est engagée à soutenir un candidat unique à l’élection. Il n’y aura donc pas de guerre des chefs
L’actuel chef de l’État a néanmoins renoué le contact avec la communauté internationale et les bailleurs de fonds…
Durant les années de la transition, le pays n’en bénéficiait pas, ce qui ne nous a pas empêché de maintenir le pouvoir d’achat des Malgaches. Il n’a aucune excuse à maintenir le pays dans un tel état de pauvreté, alors qu’il peut s’appuyer sur cette aide extérieure. Madagascar a un potentiel énorme en matière de développement et l’IEM a justement pour but de relever le pays et de redonner aux Malgaches leur fierté.
En plus d’être l’initiateur de l’IEM, vous êtes surtout le leader du MAPAR. Quel sera le rôle du parti dans votre initiative ?
Je ne veux pas mélanger la politique et le développement du pays. L’IEM n’a pas vocation à réunir des politiciens, mais des gens volontaires, des experts… C’est la raison pour laquelle aucun délégué du MAPAR n’était présent à Paris. Son rôle se limite pour l’instant à celui de soutien politique et organisationnel.
Comment ont réagi les autres leaders de l’Armada, dont le MAPAR n’est qu’une composante ?
L’Armada s’est engagée à soutenir un candidat unique à l’élection. Il n’y aura donc pas de guerre des chefs. Si besoin, nous pouvons très bien imaginer un système de primaires. Aujourd’hui, le plus important est que l’Armada et ses différents responsables soutiennent notre démarche et approuvent le contenu de l’IEM.
Si Marc Ravalomanana souhaite m’appuyer à la tête du pays, je ne suis évidemment pas contre
À Antananarivo, la rumeur insiste pour que Marc Ravalomanana ait pris contact avec vous. Que lui avez-vous répondu ?
S’il souhaite m’appuyer à la tête du pays, je ne suis évidemment pas contre. À lui de venir vers moi et de partager ma vision du développement pour notre pays.
Ce n’est pas moi qui aie pris contact avec lui. Je n’ai pas cherché à le voir, mais je ne ferme aucune porte. Je veux rassembler, autour de ma personne, toutes les bonnes volontés qui permettront de reconstruire le pays.
Pourquoi ne déclarez-vous pas votre candidature maintenant ?
Parce que je dois aller, avant cela, à la rencontre des Malgaches. Je verrai alors s’ils souhaitent que je sois candidat.
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