Violences en Guinée : Khalifa Gassama Diaby met en garde « ceux qui appellent à la haine ethnique »
Face à l’escalade de violence suite aux élections communales du 4 février, le ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté, Khalifa Gassama Diaby, a prévenu : « Nous établirons la liste de tous ceux qui appellent à la haine ethnique. S’il y a des problèmes, ils répondront devant la Cour pénale internationale »…
Alors que, ce lundi encore, les violences qui secouent la Guinée depuis le scrutin du 4 février – auxquelles se sont désormais greffées les manifestations d’enseignants – ont fait deux morts supplémentaires à Conakry, le ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté s’est lancé dans une tournée dans les états-majors des partis politiques. Appelant au calme, il s’est aussi fait menaçant : d’un bord ou de l’autre, ceux qui tiennent des propos ethnicistes risquent des poursuites devant les instances judiciaires internationales, a mis en garde Khalifa Gassama Diaby.
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« Ceux qui veulent aider le président [Alpha Condé] n’ont pas à se balader avec des bidons d’essence pour allumer le feu, à critiquer ou à accuser les autres. La Guinée est plus grande que nous tous », a-t-il lancé samedi, alors qu’il se trouvait au siège du RPG-Arc-en-Ciel, le parti au pouvoir.
Que vous soyez militants du RPG, de l’UFR ou de l’UFDG, si vous violez la loi vous devrez en répondre devant la justice !
« Je vous invite à faire la paix. Vous pouvez entendre des choses qui ne vous plaisent pas, mais vous avez deux solutions : soit la violence, soit la responsabilité. La Guinée doit cesser de jouer avec le feu. Un jour, ça va nous échapper », a-t-il continué devant une assemblée constituée de militants mais aussi de plusieurs ministres, dont le porte-parole du gouvernement, Damantang Albert Camara, de députés et de hauts cadres de l’administration.
« Ceux qui aiment la Guinée et aiment le professeur Alpha Condé doivent l’aider à appliquer la loi à tous les citoyens guinéens avec la même rigueur, a-t-il poursuivi. Que vous soyez militants du RPG, de l’UFR ou de l’UFDG [respectivement troisième et deuxième force politique du pays], si vous violez la loi, vous devrez en répondre devant la justice ! »
Le ministre s’est voulu strict envers l’ensemble des parties prenantes à ces violences. « Il n’y a pas à dire : moi, je suis de tel ou de tel camp. À l’UFDG, quand quelqu’un viole la loi, on ne peut pas le condamner parce que quand on commence la procédure, on dit : « Ils sont contre les Peuls ». Et au RPG, quand quelqu’un viole la loi, que la police arrive, on dit : « Moi, je suis du RPG, je suis du bon côté. » Non ! Le bon côté, c’est la loi, c’est la Guinée. »
« Le monde nous regarde »
Dans la même veine, Khalifa Gassama Diaby a aussi directement mis en garde les hommes politiques, tentés d’instrumentaliser la question ethnique. « Vous qui êtes assis là, a-t-il lancé aux militant du RPG, si les politiques vous demandent de rompre vos liens de voisinage, ils vous trompent. Parce que demain, il va falloir que vous fassiez avec ces voisins. »
« L’élite de ce pays, qu’elle soit de l’opposition ou du RPG, peut prendre l’avion et partir. Vous qui êtes-là, vous n’irez nulle part. (…) On doit avoir honte. Tout le temps, on se tape dessus. »
Et le ministre de se faire menaçant : « Les leaders politiques ou publics qui pensent qu’ils ont le droit de sacrifier l’avenir de la Guinée à leur profit, nous ne l’accepterons plus. Je le dis ici : nous établirons les listes de tous ceux qui appellent à la haine ethnique, à la violence, à la discrimination, de quelque bord qu’ils soient. Je le jure ! Demain, s’il y a des problèmes, ils répondront devant la Cour pénale internationale ! »
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L’initiative reçoit un accueil mitigé
Ce discours, Khalifa Gassama Diaby est aussi allé le porter devant les militants de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), que dirige le chef de file de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo.
« Je sens la colère dans la salle. Je ne demande à personne d’être d’accord avec moi. Mais Dieu m’est témoin : ce que je dis, c’est la vérité », a-t-il lancé face à une salle très tendue. « On fera aujourd’hui ce qu’on veut en Guinée, mais on finira par cette vérité parce qu’on vivra ensemble. Les Rwandais ont connu le génocide ; aujourd’hui ils vivent ensemble, hélas, après des centaines de milliers de victimes. La Côte d’Ivoire l’a fait, la Sierra Leone, le Liberia… Il est possible de défendre ses droits, de se battre contre l’injustice sans avoir recours à la violence. »
Gassama Diaby, je l’aime bien, mais c’est quelqu’un qui vit sur la planète Mars
Interrogé par Jeune Afrique, les responsables de l’Union des forces démocratiques de Guinée n’ont pas souhaité réagir à cette démarche de Khalifa Gassama Diaby. Dans des propos rapportés par Africa Guinée, Ousmane Gaoual Diallo, conseiller politique de Cellou Dallein Diallo, a toutefois exprimé ses doutes quant à cette initiative. « Gassama Diaby, je l’aime bien, mais c’est quelqu’un qui vit sur la planète Mars », a-t-il déclaré.
« Dans une République, il appartient au ministre de la Justice (…) d’instruire la justice lorsque la sécurité nationale, la sécurité publique et la paix sociale sont menacées par des discours, des comportements des actes », continue ce proche de Cellou Dallein Diallo, avant de glisser : « Les menaces qu’il fait, de tenir un fichier de tous les hommes politiques qui tiendront des propos [haineux ou ethnicistes], je dis [que] très rapidement il va saturer son disque dur, tellement c’est devenu un comportement normal. »
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Au sein de la majorité, la démarche a été saluée par certains, notamment par l’ancien ministre guinéen de la Coopération internationale, Moustapha Koutoubou Sanoh. « L’histoire retiendra que tu as passé le message de la majorité écrasante [et] silencieuse de la population guinéenne. Cette majorité est fatiguée de compter tous les jours les victimes des violences inutiles et insensées pour des causes inavouées », écrit l’ancien ministre, désormais conseiller diplomatique d’Alpha Condé, dans une tribune publiée sur par Guinée Matin.
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