Cinéma : « Wajib, l’invitation au mariage », Nazareth sur quatre roues
« Wajib, l’invitation au mariage », de la Palestinienne Annemarie Jacir, sort ce mercredi 14 février dans les salles françaises. Un road-movie tendre et drôle sur le fossé générationnel et idéologique entre un père et son fils, Arabes israéliens.
Le film tourné pour l’essentiel à l’intérieur d’une voiture, voilà une spécialité iranienne. On pense en particulier aux chefs d’œuvre d’Abbas Kiarostami filmés dans l’habitacle comme Le Goût de la cerise et, surtout, Ten, entièrement réalisé sur quatre roues. On ne sait si Annemarie Jacir, la première Palestinienne à avoir jamais tourné un long métrage (Le Sel de la mer, en 2007), a pensé à cet illustre précurseur en écrivant le scénario de Wajib, l’invitation au mariage qui sort ce mercredi 14 février dans les salles en France, après un excellent accueil lors du festival de Locarno, l’été dernier.
Un tableau de la vie quotidienne des Palestiniens
Ce film se déroule en grande partie dans la vieille Volvo d’Abu Shadi, qui sillonne Nazareth en compagnie de son fils Shadi, afin de distribuer de la main à la main, comme le veut la tradition palestinienne du Wajib, des invitations pour le prochain mariage de sa fille Amal.
Le procédé employé pourrait rendre ce film censé se dérouler en une seule journée très répétitif. Le père et le fils, toutes les cinq minutes, roulent vers une adresse, se garent plus ou moins acrobatiquement et descendent de voiture pour se diriger vers une maison où habite une connaissance à laquelle on délivre une invitation tout en échangeant des nouvelles sur la vie des uns et des autres. Et ce dix ou vingt fois – on parle de 240 invitations à distribuer au total !
En réalité, ces visites permettent, souvent avec humour et toujours avec tendresse, de dresser petit à petit un tableau de la vie quotidienne des Palestiniens et de tous les tracas auquel ils ont à faire face.
Un duo attachant
Entre chaque arrêt, les principaux protagonistes de Wajib ont tout le temps de se parler, en général pour s’affronter. Car ces hommes de deux générations, malgré leur profond attachement, ne sont d’accord sur rien. Le professeur Abu Shahid, est divorcé – son épouse l’a abandonné pour rejoindre un amant en Amérique – mais très respectueux des traditions. Et il est bien obligé, comme tout Arabe israélien, de se plier en permanence à de petites compromissions pour pouvoir mener une existence aussi normale que possible.
Son fils, revenu au pays pour le mariage de sa sœur, est un jeune architecte exilé en Italie où il vit en concubinage avec une Européenne. Il peut donc facilement tenir le rôle de l’homme moderne et plus encore celui d’un individu totalement intransigeant face aux Israéliens puisqu’il n’en subit pas les contraintes.
Réalisé avec humour, le film est joué par les deux acteurs – Mohammad Bakri et Saleh Bakri, eux-mêmes père et fils – de façon magistrale. Reste qu’il manque sans doute à Wajib des scènes suffisamment intenses pour éviter une certaine monotonie et aller plus au fond des choses.
Le choix de multiplier les courtes rencontres et les brefs dialogues entre le père et le fils limite la profondeur des échanges, souvent superficiels. On ne s’ennuie pourtant jamais devant cette chronique douce-amère de la vie des Palestiniens de Nazareth, doublée du portrait réussi d’une ville attachante.
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