Zuma démissionne, Ramaphosa prend les rênes de l’Afrique du Sud
Fin du feuilleton Zuma. Après des semaines de confrontation avec son parti, le Congrès national africain (ANC), le président Jacob Zuma a annoncé sa démission ce mercredi dans un discours d’adieu. Une décision que le parti attendait depuis des mois, pressé de tourner la page d’un règne de neuf ans, terni par les scandales de corruption. Cyril Ramaphosa devrait le succéder vendredi, selon le parti.
« J’ai décidé de démissionner du poste de président de la République avec effet immédiat, même si je suis en désaccord avec la direction de mon organisation », a déclaré ce mercredi 14 février Jacob Zuma, lors d’une allocution retransmise en direct à la télévision dans la soirée.
Ainsi le chef de l’État a mis fin à la crise qui paralysait le pays et obtempéré aux ordres de son parti, qui le menaçait plus tôt dans la journée d’organiser un vote de défiance au Parlement.
#Duarte The ANC extends its gratitude to President Zuma for having served the country in this capacity for the last nine years, particularly for the contribution he has made to progress in improving the lives of ordinary South Africans.
— African National Congress (@MYANC) February 14, 2018
« J’ai servi le peuple d’Afrique du Sud de mon mieux », a-t-il ajouté, concédant toutefois ne pas avoir été « un parangon de vertu ».
« Révoqué » par l’ANC
Depuis son arrivée à la tête de l’ANC en décembre, le vice-président du pays, Cyril Ramaphosa, tentait d’obtenir un départ en douceur du chef de l’État, éclaboussé par les scandales, afin d’éviter une catastrophe électorale en 2019.
« Nous savons que vous voulez tourner la page », avait concédé dimanche 11 février Cyril Ramaphosa, devant des milliers de partisans de l’ANC réunis pour les 100 ans de la naissance de Nelson Mandela. « C’est le souhait de notre peuple de finaliser tout ça et c’est précisément ce que le NEC [le Comité national exécutif de l’ANC, ndlr] va faire », avait promis celui qui succède ainsi à Jacob Zuma.
Mais ses tentatives se sont heurtées de front au refus du président obstiné, dont le mandat n’expire normalement qu’à la fin 2019. Lundi soir, encore, Cyril Ramaphosa avait une nouvelle fois rencontré Jacob Zuma pour lui demander de démissionner dans les 48 heures, sans succès.
Ramaphosa succède à Zuma
La résistance du chef de l’État a plongé le pays dans une grave crise politique, qui s’est notamment manifestée par le report, la semaine dernière, du discours présidentiel annuel sur l’état de la nation, une première dans l’histoire de l’Afrique du Sud démocratique.
Je ne suis pas d’accord car il n’y a aucune preuve que j’aie fait quoi que ce soit de mal
Au bout de plusieurs jours de vaines tractations, la direction du parti s’est résolue mardi à le « révoquer », permettant ainsi au parti d’engager une motion de défiance, en cas de refus du président de démissionner, poussant le parti à annoncer qu’il voterait dès jeudi 15 janvier au Parlement une motion de défiance contre le chef de l’Etat.
Quelques heures avant son allocution d’adieu, Zuma s’est invité sur la chaîne de télévision publique SABC pour exprimer toute sa rancoeur envers la direction de l’ANC.
« J’ai trouvé très injuste que la question [de ma démission] soit posée », s’est-il plaint lors de cet entretien. « Je ne suis pas d’accord car il n’y a aucune preuve que j’aie fait quoi que ce soit de mal. »
L’ANC a annoncé que Cyril Ramaphosa serait élu d’ici vendredi
Zuma a également précisé avoir convenu avec Ramaphosa de partir en douceur « après le mois de juin », mais, a-t-il affirmé, la nouvelle direction de l’ANC lui a assuré qu’une frange du parti refusait cet accord et qu’il devait partir plus tôt.
Déterminé à en finir au plus vite, l’ANC a aussi annoncé que Cyril Ramaphosa serait élu d’ici vendredi 16 février par le Parlement pour succéder à Jacob Zuma. Sitôt investi, il doit prononcer le discours sur l’état de la nation, dont son prédécesseur a été privé la semaine dernière pour cause de crise.
L’arrivée de Ramaphosa ne fait pas l’unanimité
L’opposition, qui a vainement tenté depuis des années de pousser vers la sortie celui qu’elle appelle le « délinquant » Zuma, a applaudi sa démission.
« M. Zuma a fait beaucoup de mal à notre pays […]. Sous son règne, la corruption a fleuri au point de presque détruire notre pays », a déclaré Mmusi Maimane, le chef de l’Alliance démocratique (DA).
Whilst we have not had a state of the nation, the nation has been in a state, not just in last 9 days but last 9 years. We now begin a new era. Let’s bring an eternal change, build a South Africa for all.
— Mmusi Maimane (@MmusiMaimane) February 14, 2018
Mais cette joie pourrait être de courte durée. En effet, une partie de l’opposition, dont le Parti démocratique chrétien africain (ACDP), a exigé lundi la dissolution du Parlement et la tenue d’élections anticipées. « Il est important que le Parlement soit dissout et que nous repartions de zéro », avait alors déclaré Kenneth Meshoe, chef de l’ACDP.
« Parce que s’il est remplacé par son vice-président Cyril Ramaphosa, le même groupe de personnes qui défendent et protègent la corruption seront au pouvoir », avait-t-il justifié.
Une victoire relative
Si l’ANC est sortie gagnante après des semaines de vives tensions, cette démission n’a pas réglé pour autant les fractures qui traversent ses rangs. Le patron de l’ANC a d’ailleurs reconnu dimanche que son parti traversait une période de « désunion et de discorde ».
« Nous n’allons pas faire la fête », a confié une de ses responsables, Jessie Duarte. « Nous avons dû rappeler un dirigeant du mouvement qui a servi notre mouvement pendant plus de soixante ans, ce n’est pas une mince affaire. »
À un peu plus d’un an des élections générales, la tâche du futur président Cyril Ramaphosa s’annonce rude. Ancien homme d’affaires devenu millionnaire, il a promis de relancer l’économie du pays, désespérément atone, et d’éradiquer la corruption qui gangrène son parti et le sommet de l’État.
Les ennuis de l’ex-président toujours d’actualité
Coïncidence ou non, la police a mené mercredi sa première opération contre la sulfureuse et jusque-là intouchable famille Gupta, au coeur de scandales qui impliquent le président. Fin 2016, un rapport de la médiatrice de la République avait ainsi détaillé l’implication des Gupta dans la gestion des affaires de l’État, des pressions pour obtenir des contrats publics, jusqu’à la nomination de ministres.
Sommé de s’expliquer, le président avait alors reconnu ses liens d’amitié avec la famille, mais démenti leur accorder le moindre passe-droit.
C’est un personnage encore très influent au sein de l’ANC
Pour répondre à ses détracteurs, Jacob Zuma avait annoncé en janvier la mise en place d’une commission d’enquête judiciaire, chargée d’examiner les conclusions de ce rapport.
Mais avant même de commencer ses travaux, lors de la première perquisition de la police chez les Gupta, cinq personnes ont été arrêtées et le luxueux domicile de la fratrie à Johannesburg perquisitionné dans le cadre d’une enquête sur les détournements de fonds publics.
Si l’ex-président Zuma est dans la ligne de mire de la justice, son inculpation risque de prendre du temps. « C’est un personnage encore très influent au sein de l’ANC », a rappelé à l’AFP l’analyste politique Ralph Mathekga. « S’il veut garder le calme dans ses rangs, l’ANC va devoir le ménager ».
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