L’œil de Glez : si Mandela était là…
Les soubresauts politiques du régime sud-africain télescopent les célébrations du centenaire de la naissance de Nelson Mandela. L’ombre de Madiba étouffe-t-elle ses successeurs ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 15 février 2018 Lecture : 2 minutes.
Après la mort du patriarche, les ayant-droits se déchirent l’héritage de cette idole incontestée de plusieurs générations. Non, il ne s’agit pas d’évoquer la succession d’un rockeur français septuagénaire, mais celle de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela. Il ne s’agit pas non plus de faire le bilan d’un patrimoine matériel et financier, celui de Madiba ayant déjà connu les affres d’une répartition post-mortem douloureuse. La volonté posthume de Mandela avait pétrifié, en son temps, les composantes déshéritées d’anciennes cellules familiales. Mais le patrimoine dont il est question aujourd’hui, c’est l’héritage politique du prix Nobel de la Paix.
2018 est l’année du centenaire de Nelson Rolihlahla Mandela, né le 18 juillet 1918. Alors que viennent de débuter les commémorations au niveau du Congrès National Africain, l’ANC offre le spectacle d’une guerre fratricide pas tout à fait étrangère à la proximité d’échéances électorales. Voilà presque 19 ans que Madiba a quitté le palais présidentiel et aucun de ses successeurs n’a effectué un mandat complet. La démission avant terme de Jacob Zuma, « suggérée » par le parti au pouvoir, fait écho à la fin de règne de Thabo Mbeki. Après 9 ans à la présidence, fragilisé par des accusations d’interférences politiques dans l’environnement judiciaire, ce dernier s’était vu indiquée la sortie, lui aussi, par l’ANC. Aussi exubérant que Mbeki est introverti, c’est empêtré dans des affaires de corruption que Zuma vient de jeter l’éponge, après 8 ans et 9 mois à la présidence. En 2008, Ivy Matsepe-Casaburri n’avait assuré que l’intérim, cédant le trône à Kgalema Motlanthe pour… 7 mois.
Guerres d’ego
Pendant que ces guerres d’ego se déroulent sans surprise, l’Afrique du Sud a du mal à tenir son rang. Même si la Banque africaine de développement désigne toujours le pays comme l’un des deux géants du continent, les politiques économiques de Zuma n’ont pas permis de réduire conséquemment les inégalités qui tendent à démentir le rêve de Mandela, celui d’une nation « arc-en-ciel » égalitaire.
C’est cette fois un homme d’affaire et ancien syndicaliste qui s’installe –par intérim– à la présidence de la République. Ce profil garantira-t-il la combinaison idoine entre souci populaire et compétence entrepreneuriale ? Encore faudra-t-il que Matamela Cyril Ramaphosa fasse sienne l’intégrité politique de Nelson Mandela. Le souvenir de ce dernier, personnage historique de son vivant, pèse-t-il trop sur les simples humains que sont les politiciens actuels ? A propos du poète français Arthur Rimbaud, l’écrivain roumain Emil Cioran écrivait : « il a émasculé la poésie pour un siècle. Voilà la force des génies : ils rendent les autres impossibles ». Le génie politique Madiba a-t-il émasculé la politique sud-africaine ?
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