Soudan : 24 mois chrono pour une pendaison

Pour avoir donné la vie, une jeune chrétienne soudanaise ne mourra pas. En tout cas pas tout de suite. Condamnée début mai à la pendaison pour apostasie, Meriam Yahia Ibrahim Ishag s’est vu offrir un sursis de deux ans, le temps d’allaiter sa fille née en prison.

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 29 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Le prophète Muhammad – plus facile à citer qu’à caricaturer -, aurait suggéré : "Quiconque abandonne sa religion islamique, tuez-le." (Vol. 9:57). Plus allusif, un verset du livre saint de l’Islam indique : "Qui que ce soit qui, après avoir accepté la foi en Allah, exprime la Non-Croyance – sauf sous la contrainte, son cœur demeurant ferme dans la Foi- sur ceux de tels hommes qui ouvrent leur cœur à la Non-Croyance, sur eux est la Colère d’Allah, et une peine terrible sera la leur." (Coran 16-106). Dans la plupart des pays se référant à ces lignes, le crime d’apostasie – reniement public de sa foi – conduit essentiellement à une "mort civile", à une sorte de rejet social. Mais les lois mauritaniennes, saoudiennes, somaliennes ou soudanaises sont moins métaphoriques. Un certain nombre de fatwas et autres meurtres d’apostats en témoignent. De même que l’actualité récente…

Le 15 mai dernier, la cour criminelle de Haj Yousef, en banlieue de Khartoum, condamnait Meriam Yahia Ibrahim Ishag à la peine de mort par pendaison, en vertu de la loi islamique en vigueur au Soudan depuis 1983. La jeune femme de 27 ans, née d’un père musulman, d’une mère orthodoxe et mariée à un chrétien du Soudan du Sud, s’obstine à suivre le Christ, malgré l’insistance du juge Abbas Mohammed Al-Khalifa qui lui avait donné trois jours pour abjurer sa foi.

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Cerise sur ce gâteau indigeste, Meriam a également été condamnée à 100 coups de fouet pour "adultère". En effet, selon l’interprétation soudanaise de la charia, une musulmane ne peut épouser un non musulman, et toute union avec un chrétien est donc considérée comme un "adultère". Logique implacable, sauf que la jeune femme dénie avoir jamais été musulmane et rejette donc le crime d’apostasie qui concerne, selon l’article 146 du code pénal, les conversions. Mais rien n’y fait, cette fille de musulman, "censément musulmane", a été incarcérée à la prison pour femme d’Omdurman, ville jumelle de Khartoum.

Voilà Meriam Yahia Ibrahim Ishag réduite à l’état de nourrice.

Si elle n’a pas encore été suspendue, en public, à une grue de chantier, elle le doit à son statut de maman. Déjà mère d’un garçon de 20 mois, elle était enceinte lors de son procès. Elle vient d’accoucher en prison. La justice soudanaise aurait-elle fait preuve de clémence ? Pas tant que ça. Le report de l’exécution de la jeune chrétienne ne lui promet pas de voir grandir et étudier ses enfants. Le délai ne durera que le temps de l’allaitement, soit une période évaluée à 2 ans (au cas où la fille nouvellement née prétendrait avoir toujours besoin du lait maternel après sa majorité). Jugée indigne d’élever ses deux enfants, voilà Meriam Yahia Ibrahim Ishag réduite à l’état de nourrice.

Pression internationale

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Comme dans le cas de Loubna Hussein, condamnée à 40 coups de fouet en 2009, pour port de pantalon, cette nouvelle décision judiciaire soudanaise a suscité l’indignation de la communauté internationale, des États-Unis à la France, en passant par la Grande Bretagne. Les responsables des chancelleries occidentales surveillent de près la situation de la jeune mère, au point de diffuser eux-mêmes des communiqués diplomatico-sanitaires. L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International s’est déclarée "horrifiée" par la décision de justice. Les pétitions se multiplient, de même que les rassemblements devant les ambassades soudanaises, comme à Paris ce lundi.

Peut-être ne devra-t-elle sa survie qu’aux statistiques soudanaises.

L’indignation contre les excès de l’Islam radical prend souvent l’allure d’un feu de paille. Déjà, des observateurs notent un essoufflement dans la campagne "Bring back our girls", après l’enlèvement des 200 jeunes Nigérianes par la secte Boko Haram. On pourrait se convaincre que cette mobilisation a permis l’ouverture d’un dialogue en vue des libérations de jeunes filles. On pourrait arguer qu’il est sain qu’elle s’estompe pour laisser la place à la négociation. Mais on pourrait aussi déplorer que l’opinion ne butine les causes guère plus longtemps que l’abeille la fleur.

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>> Lire aussi : Jack Bauer vs Amnesty

Meriam Yahia Ibrahim Ishag est-elle en train de devenir le nouveau martyr à la mode ? Peut-être ne devra-t-elle sa survie qu’aux statistiques soudanaises. Le groupe de défense des libertés religieuses Christian Solidarity Worldwide tente de se rassurer en indiquant que personne n’a été mis à mort pour apostasie, depuis l’adoption du code pénal de 1991.

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Damien Glez

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