Sénégal – Procès Khalifa Sall : pour l’État, le maire de Dakar était « le cerveau »

Le procès de Khalifa Sall et ses sept co-prévenus devant le tribunal de grande instance hors-classe de Dakar est entré dans sa dernière phase : celle des plaidoiries et du réquisitoire.

Khalifa Sall, député et maire de Dakar, lors de l’audience du 3 janvier au palais de justice de Dakar. © Clément Tardif pour Jeune Afrique

Khalifa Sall, député et maire de Dakar, lors de l’audience du 3 janvier au palais de justice de Dakar. © Clément Tardif pour Jeune Afrique

Publié le 15 février 2018 Lecture : 4 minutes.

Khalifa Sall se rendant à la convocation du doyen des juges d’instruction au palais de justice de Dakar, le 7 mars 2017. © Youri Lenquette/JA
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Sénégal : retour sur la chute de Khalifa Sall

Un an, jour pour jour, après le placement en détention de Khalifa Sall, le 7 mars 2017, Jeune Afrique vous propose de retrouver ici les moments clefs de cette descente aux enfers.

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Ce jeudi, quinzième jour d’audience, a été réservé à l’État du Sénégal, partie civile représentée par son agent judiciaire et six avocats qui se sont employés à démontrer que l’État a subi un préjudice sur les faits de « détournement de deniers publics », « faux et usage de faux en écriture », « association de malfaiteurs » et « blanchiments de capitaux » qui sont reprochés aux prévenus.

Antoine Felix Diome, l’Agent Judiciaire de l’État (AJE) réclame le remboursement du montant de la somme détournée, à savoir 1,83 milliards F CFA, et 5 milliards F CFA à titre de dommages et intérêts pour le « préjudice moral ». Me Moussa Félix Sow a ajouté à cette demande « l’exécution immédiate de la peine financière » et la « contrainte par corps ». Autrement dit, en cas de reconnaissance de culpabilité des prévenus, l’État souhaite que le montant de la peine infligée soit immédiatement recouvré sur le biens des personnes condamnées, et que celles-ci soient maintenues en détention tant que l’intégralité de la somme réclamée n’aura pas été versée.

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Khalifa Sall comparé à un distributeur automatique

Pour l’AJE, il y a une « unicité de caisse pour l’État et ses démembrements », dont les collectivités localités. Donc, si l’argent du budget de la mairie de Dakar a été détourné, c’est un préjudice pour l’État, cet argent étant également le sien. Et pour appuyer cette thèse, Antoine Felix Diome a recours aux propos de Khalifa Sall, lors de son interrogatoire.

« Si la ville de Dakar ne peut plus bénéficier de ces fonds [ceux concernant la caisse d’avance, dont la gestion est au cœur du dossier, NDLR] c’est parce que l’État y a mis un terme », avait alors déclaré l’édile. Et l’AJE d’enfoncer le clou : « C’est parce que le Trésor a reçu de fausses pièces que des décaissements ont été effectués sur l’unique caisse du Trésor. »

Les avocats de l’État sont unanimes : il y a bien une association de malfaiteurs, avec comme « cerveau » le maire de Dakar et comme « exécutant » principal Mbaye Touré, directeur administratif et financier de la Ville de Dakar et gérant de la caisse d’avance.

Ils ont déclaré avoir acheté des vivres pour des indigents, alors qu’ils utilisaient l’argent pour financer des Bercy

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« C’est Mbaye Touré qui a demandé au comptable de trouver de fausses factures. C’est Mbaye Touré qui a dit au maire que ce sont des fonds politiques. C’est Mbaye Touré qui allait déposer les pièces justificatives et prendre l’argent chez le receveur-percepteur. Et c’est encore Mbaye Touré qui remettait l’argent au maire ! » a listé Me Baboucar Cissé.

Me Samba Biteye a pour sa part insisté sur ce qu’il a qualifié de « froideur » des prévenus. « Ils ont déclaré avoir acheté des vivres pour des indigents, alors qu’ils utilisaient l’argent pour financer des Bercy [les concerts qu’organise régulièrement le chanteur Youssou Ndour au Palais Omnisports de Paris-Bercy, NDLR] », a dénonce l’avocat. Et de lancer que, lui-même, était « encore à l’école quand Youssou Ndour fêtait son premier milliard ».

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Quant il a pris la parole, Me Baboucar Cissé a attaqué dur, comparant le maire de Dakar à un distributeur automatique. « Avec lui c’était du « Tu en veux ? Voila! Tu en veux ? Voila! Tu en veux ? Voila ! », a-t-il lancé avec sa voix forte.

Son confrère Me Yérim Thiam est allé plus loin encore, accusant ni plus ni moins le député et maire de Dakar d’enrichissement personnel. Pour le doyen des avocats de l’État et ancien bâtonnier, « Khalifa Sall s’est tout bonnement attribué un sursalaire mensuel de 30 millions F CFA ! ».

Il a d’ailleurs été le seul avocat a oser évoquer ainsi la possibilité d’un usage personnel des sommes présumées détournées. Le parquet, l’AJE et les autres avocats de l’État ont en effet toujours évité d’aborder la question de la destination réelle des fonds issus de la caisse d’avance.

Au cours des audiences, Khalifa Sall les a plusieurs fois conviés à mener un audit de son patrimoine devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI, devant laquelle s’est notamment jouée le procès de Karim Wade) « pour savoir qui a détourné quoi et qui s’est indûment enrichi ».

L’État absout les receveurs percepteurs municipaux

Autre axe de la stratégie de l’AJE et des avocats de l’État : il n’y a que six prévenus. Les deux receveurs-percepteurs municipaux n’ont presque jamais été évoqués dans les plaidoiries. Dans leurs démonstrations, les conseils de l’État du Sénégal ont totalement absouts Mamabou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré, les deux receveurs percepteurs municipaux.

Me Baboucar Cissé a notamment affirmé que « rien ne pouvait permettre aux deux inspecteurs du Trésors de savoir que les factures qui leur ont été présentées étaient des fausses ».

Depuis le début de la procédure, les deux comptables publics n’ont – contrairement à plusieurs des prévenus dans le dossier – jamais été placés en détention provisoire. Ils n’ont fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire au sein de l’inspection du Trésor. Mamabou Oumar Bocoum, qui a quitté la Ville de Dakar en juillet 2015, est Trésorier des Grands Chantiers de l’État du Sénégal, quant à Ibrahim Touré, qui l’a remplacé à la mairie, il y est toujours receveur-percepteur municipal.

Ce vendredi, ce sera au tour des avocats de la mairie, partie civile, de prendre la parole, avant que le procureur ne livre son réquisitoire. Lundi, les plaidoieries des nombreux avocats de la défense démarreront et devraient se terminer mercredi.

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